Magazine Culture

Caramel et chocolat

Publié le 11 mai 2023 par Polinacide @polinacide

On dit souvent que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Preuve en est le tollé récemment provoqué par la sortie de « La Reine Cléopâtre » sur Netflix, dont la cause principale n’est autre que la peau noire d’Adele James, l’actrice qui incarne la souveraine. Aïe. Même la reine de la célèbre chronique des Bridgerton n’avait pas fait autant jaser les abonnés, c’est dire…

Si certains y voient une énième tentative de déformation historique sous l’influence de la « cancel culture » (ou culture de l’effacement), il s’agit bien souvent d’un choix délibéré des sociétés de production reprenant les codes du « colorblind casting », faisant fi de la couleur de peau lors du choix des artistes. Une pratique qui pose problème à certains compte tenu des enjeux qu’elle soulève, bien au-delà de la simple question raciale en tant que telle. Comme si tout un chacun pouvait jouer n’importe qui.

Du melting pot au daltonisme ?

Ce phénomène de mode part évidemment d’une bonne intention puisqu’il reflète la diversité de la société actuelle et de son public. Sauf que les principes que défend cette prise de liberté avec la réalité ne s’appliquent absolument pas à tous les contextes ni à l’ensemble des époques. De « The Great » en passant par « Anne Boleyn » entre autres, la haute société se voit représentée par un arc-en-ciel de couleurs ; ce qui était loin d’être le cas dans les faits. Il en va de même du côté de la Régence anglaise pour en revenir aux Bridgerton.

Sur toutes les plateformes, les colorblind castings se multiplient. Sauf qu’interpréter une histoire propre à chaque pays uniquement à travers ce prisme revient à en gommer toute la richesse et les spécificités. Résultat : le serpent se mord la queue puisque l’on revient au problème de départ qu’est l’assimilation culturelle contre laquelle cette initiative est sensée lutter.

Jeu de mots et de corps

N’oublions pas non plus que c’est au théâtre – et par extension au cinéma – que le verbe se fait chair. Le choix du personnage contribue donc pleinement à l’éveil du spectateur faisant appel à sa sensibilité.

Partant de cette définition – et comme toujours quand il ne s’agit pas d’une science exacte – on ouvre la voie à toutes les interprétations possibles et les dérives qu’elles impliquent. 

Redescendons donc d’un cran… les pieds sur terre bien loin des grands discours. A travers une question toute simple. Vous verriez bien une figure comme Napoléon ou de Gaulle, voire une icône telle que Marilyn, Nina Simone, Gainsbourg ou dernièrement Bardot jouée par un acteur qui ne leur ressemble en aucun point, peu importe la qualité de son jeu ? 

Si le malaise persiste, c’est que la problématique dépasse amplement les questions de racisme ou les goûts et les couleurs de chacun. Le coeur du sujet se trouve ailleurs, dans le fait de rendre fictives des réalités historiques et non l’inverse. Surtout quand on pense aux générations futures biberonnées à Netflix comme certains l’ont été à Disney en son temps.

La question de fond n’en demeure pas moins « touchy », interrogeant à la fois notre rapport à l’histoire ainsi qu’à l’individu. Il suffirait pourtant de se creuser un peu les méninges pour parvenir à plus de diversité sur nos écrans sans forcément dénaturer l’histoire, ne serait-ce qu’en proposant de nouveaux scénarios. Surtout si l’on part du principe que chaque culture a quelque chose de singulier à raconter à l’heure où s’ouvrir à de nouveaux horizons n’a jamais été aussi simple. D’un coup de zapette vous voila déjà ailleurs. Pourquoi vouloir s’en priver et regarder toujours les mêmes histoires racontées différemment ?

PublicitéRéglages de confidentialité

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Polinacide 1010 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine