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Envoûtant: l'allégement des vernis de Paul Saint Bris

Par Eirenamg

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Ce premier roman est une belle surprise, en effet, d'habitude les récits autour de l'art me semblent souvent soit artificiel ou prétexte ou alors trop didactique. Là ce n'est clairement pas le cas, l'auteur nous transporte dans un Louvre pas si lointain, où compte le million de visiteurs, le besoin d'attirer un nouveau public et où les agences de communication pondent de "bonnes idées" pour démocratiser et attirer le public. Une est lancée, un serpent de mer depuis des années, restaurer le tableau phare, mythique, la fameuse Joconde.

Aurélien, le conservateur de la section italienne n'est pas vraiment enthousiaste, une restauration c'est un risque, de futurs ennuis entre les puristes de l'œuvre et les autres, la possibilité d'une erreur et la dénaturation du tableau. On lui confie la responsabilité de trouver le restaurateur et de mener à bien ce projet. L'autre personnage important du roman Homéro, il travaille également au Louvre comme agent d'entretien, il a en charge différentes salles, dont celle de Mona. Peu à peu se développer un rapport à l'art sensible, vibrant, un langage presque intime avec les œuvres dont il a la charge.

J'ai aimé à la fois découvrir cet univers de l'art, du musée, l'envers du décor. Mais aussi en apprendre plus sur l'histoire de l'art, le métier de conservateur, les techniques. La réflexion de chaque personnage sur ce qui est beau ou pas, ce qu'est l'art, son rapport à une œuvre est très bien amenée. Les personnages sont sensibles soit à l'esthétique, à la technique, aux sensations qu'ils ressentent. Le personnage de la directrice parfois lointaine, parfois plus touchante lorsqu'elle se trouve face à un tableau et à sa volonté de démocratiser l'art m'a également intéressé. Le personnage d' Homéro qui loin des connaissances académiques semble envoûter par les statues ou par Mona Lisa traduit bien le choc esthétique, le syndrome de Stendhal qu'on peut avoir face à des œuvres qui touchent quelque chose en nous. Et qui n'a rien à voir avec les connaissances mais avec notre perception de l'art.

Le personnage d'Aurélien est extrêmement touchant dans sa culture, son envie de bien faire, sa volonté de ne pas dénaturer la Joconde et sa réflexion sur l'art, sa fragilité au regard des autres, ses doutes. L'auteur critique aussi la marchandisation de l'art, la pub à outrance, la forme plus que le fond qui peut attirer les responsables de musée dans la quête de visiteurs.

L'écriture est très belle, presque cinématographique, on se retrouve avec Aurélien en Italie dans la quête du restaurateur, au Louvre avec lui. Elle développe bien les émotions, les contradictions des personnages, leurs peurs, leur rapport à l'art. Le rythme est rapide, on a l'impression de lire un polar par moment, la restauration va-t-elle bien se passer? Aurélien va-t-il tenir le cap? Homéro restera-t-il concentré sur l'art ou s'ouvrira-t-il à l'amour que lui porte la vigile?

Peu à peu on se prend au jeu et on ne peut pas le lâcher, une lecture intelligente, divertissante et passionnante qui ne vous fera plus regarder la Joconde comme avant.

Pour tout vous dire ce tableau a été la plus grande déception au Louvre la première fois que je l'ai vu: avec ce petit cadre, cette masse de touristes et l'impossibilité d'avoir un moment tranquille avec lui. Un jour lors d'une nocturne, j'ai pu la voir avec moins de monde et j'ai compris la fascination pour celui-ci . Donc, partez à la découverte de l'allégement des vernis et vous tomberez aussi sous le charme de l'univers et des personnages de l'auteur.

Ce roman est en lice pour le prix Orange 2023 dont je fais encore partie cette année comme jurée.


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