Sarah Bernhardt vivra près de dix ans amputée de sa jambe droite. Cela ne l’empêchera pas d’aller visiter les soldats sur le front pendant la première guerre mondiale ni d’effectuer une grande tournée américaine quelques années plus tard. À vrai dire, cette histoire ne m’aurait pas intéressé si elle n’était écrite par Régine Detambel. Voilà plusieurs années que je n’avais pas lu de ses livres. Mais j’en cite souvent certains, et, en particulier, « Son corps extrême » dont je garde des images en moi. J’en retrouve quelque chose dans ce livre racontant les dernières années de Sarah Bernhardt. Peut-être aussi le premier roman de Régine Detambel, « L’amputation », se serait imposé à moi (mais il est indisponible).
C’est Susan qui raconte : amante éphémère de Sarah, elle en devient secrétaire, confidente et souffre-douleur. Elle tient un journal dont les cahiers s’accumulent, où elle dit son admiration, son exaspération parfois, sa jalousie, mais comment peut-on vivre sans souffrir auprès d’une femme comme Sarah Bernhardt, dont la devise est « Quand même ! »; « quand même », c’est-à-dire « malgré tout » ou, plus positivement « au-delà de tout le possible ». Susan admire cette femme libre, riche, travaillant sans cesse, y compris quand elle ne pouvait plus tenir debout, et continuera de tenir son journal même après avoir cessé de la servir. Stendhal écrivait que « le roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin ». Ici, le miroir de Sarah Bernhardt, c’est Susan qui le tient, sans doute celle qui en a été la plus proche, qui peut dire la fin du XIXème siècle (y compris la Commune de Paris), et le début du XXème, avec sa guerre, et ses locomotives. Et les combats d’une femme, son engagement dans la vie sous tous ses aspects, les pires et les meilleurs, et jusqu’au bout.