Chacun suppute les changements qui vont s’opérer à l’issue de cette période où tout paraît suspendu … Ceux qui ont œuvré pour le régime et craignent les représailles et ceux qui l’ont combattu, les riches industriels comme les ouvriers et les femmes de ménage, ceux qui espèrent et ceux qui redoutent.
Les personnages vont par paires. Il y a la famille très bourgeoise de l’industriel José Ricart qui fête son 75ème anniversaire, sa mère Amélia qui a perdu la tête, ses fils et en particulier Tomas et son épouse Olga, son ami très proche et commissaire Maximino Arroyo et sa maîtresse maltraitée Lina, le professeur de philosophie Juan Bartos, qui cache ses sentiments de gauche et son épouse Ada, artiste peintre à succès.
Entre angoisses et illusions, les partis révolutionnaires appellent à un rassemblement populaire pour profiter de la confusion, mais c’est l’indifférence qui l’emporte. Le sentiment le plus répandu est la peur. C’est le cas de Lucas et Marga, les étudiants communistes. Lucas est amoureux d’elle mais elle aime Quini, le fils de famille qui s’imagine révolutionnaire. Il y a aussi Lucio, le militant et son mentor Taboada, avocat en rupture de banc qui finira par rentrer dans le rang et ouvrira un cabinet … et Lurditas, la femme de ménage miraculée.
Une journée dans l’attente de la mort de Franco, et de préparation de l’anniversaire du vieux patron, dans la tête de tous ceux qui craignent pour leur vie ou qui espèrent en l’avenir … dans un style que l’on pourrait qualifier d’ « agglutinant », avec force répétitions incantatoires, comme pour une sorte de psaume.
Une journée qui n’en finit pas … comme la vie du vieux dictateur. Car qui sont ces foules désireuses de se soulever ???
La chute de Madrid, roman de Rafael Chirbes (2000), traduit par Denise Laroutis, édité chez Rivages, 291 p., 20€