Ayant déjà lu deux ou trois romans d’Echenoz, et connaissant son style plaisant et son humour en général assez fin, j’ai tenté cette « Envoyée spéciale », qui a constitué une assez bonne lecture de détente et de distraction, et j’ai donc décidé de parler de ce livre pendant ces vacances, en guise de suggestion estivale.
Note Pratique sur le livre
Editeur : Minuit (poche)
Première année de parution : 2016
Nombre de pages : 295
Note sur l’écrivain
Jean Echenoz est né à Orange en 1947. Il a obtenu le Prix Médicis en 1983 pour Cherokee et le Prix Goncourt en 1999 pour Je m’en vais. Envoyée spéciale, son quatorzième roman, a été publié en 2016. Il fait paraître, en janvier 2020, Vie de Gérard Fulmard. (Source : éditeur)
Un Extrait de la Quatrième de Couverture
Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l’empêcher d’accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n’est pas toujours très bien organisé.
Autour de l’enlèvement de Constance, son héroïne, l’écrivain tisse un dispositif romanesque complexe et génial. Voyage entre Paris, Pyongyang et la Creuse.
Mélange indistinct de modestie et d’aristocratique désinvolture, Jean Echenoz aime à définir ses romans comme des « machines à fiction », des « mécaniques bricolées ». Soit, mais pas si bricolées que ça, disons plutôt des mécanismes de haute précision, divinement conçus, réglés avec une minutie d’horloger suisse et huilés par un humour hautement métaphysique à la Chaplin. (…)
Mon humble Avis
C’est un roman de pur divertissement : une série d’aventures avec des rebondissements et des effets de surprise, et j’ai souvent pensé pendant ma lecture que ça pourrait être facilement adapté au cinéma, dans l’esprit d’une comédie à la française, avec les gags placés là où il faut et les scènes de sexe, de frayeur ou de violence en justes proportions (ni trop nombreuses ni trop rares) et judicieusement intercalées.
Contrepartie de cet effet cinématographique, la psychologie des personnages n’est manifestement pas le souci de l’auteur et on n’est pas là pour approfondir les sujets, c’est plutôt du film d’action efficace et bien rythmé, même si Jean Echenoz écrit très bien et que son style est toujours d’une précision savoureuse.
On peut remarquer que cet écrivain aime plus que tout rentrer dans les petits détails pratiques de nos vies quotidiennes et qu’il montre un sens de l’observation hors du commun. Par exemple, si un personnage fume une cigarette l’auteur ne manquera pas de nous citer la marque de ce tabac ou s’il conduit une voiture il y a aussi de fortes chances pour qu’il nous révèle le fabricant, comme dans certaines séries télé sponsorisées par des lessives ou du saucisson et qui doivent caser les mots « Ariel » ou « Justin Bridou » dans leur scénario.
On sent que Jean Echenoz s’est beaucoup documenté pour ce roman et spécialement pour la troisième partie qui se déroule en Corée du Nord et d’où il ressort un effet de reportage, avec une profusion d’informations visuelles, politiques et pratiques, de descriptions hyper réalistes et qui ne semblent pas inventées. Et on sent que l’auteur ne veut rien laisser à l’imagination du lecteur et qu’il cherche au contraire à lui dépeindre un monde déjà entièrement construit.
J’ai donc trouvé dans ce roman un bon divertissement, un moment de détente qui passe le temps, qui conviendrait bien pour les vacances d’été.
Malgré tout, il me semble que d’autres livres d’Echenoz ont davantage de profondeur et de beauté, comme « Ravel » qui dépassait le stade du pur divertissement et que j’avais préféré.
Un Extrait page 218
Imperméable et parapluie, Tausk a marché jusqu’à la station de métro Villiers. Recherchant dans sa poche une autre Pall Mall, il a refermé la main sur elle en conque pour l’abriter de la pluie, puis constaté dans l’autre poche qu’il avait oublié son briquet. À l’entrée du métro, un mendiant lui a quémandé une cigarette et distraitement, au lieu d’accéder à sa requête, Tausk lui a demandé du feu. Ça ne se fait pas, voyons. Ça fait partie des choses qui ne se font pas. Quel manque absolu de savoir-vivre. Pourtant le mendiant s’est fouillé longuement cependant que Tausk s’impatientait : Eh oui, a-t-il même cru bon de plaisanter, trop de poches en hiver, pas assez en été. Après que le miséreux lui a tendu une boîte, il a allumé sa cigarette, rendu la boîte sans remercier, tiré deux ou trois bouffées en descendant l’escalier puis, se rappelant qu’on ne fume pas dans le métro, jeté sa Pall Mall détrempée sur laquelle s’est jeté le mendiant.
(…)