Ah, si Alex Chilton avait été anglais ! Pour un génie précoce comme lui (Gimme a ticket for an aeroplane/Ain't got time to take the first train) - "The Letter" composé à 16 ans au sein des Box Tops, c'était lui !- eh bien, gageons qu'il aurait goûté aux affres de la célébrité comme d'autres très doués façon Stevie Winwood, Steve Marriott ou autres Dave Davies, autres fleurons de la classe biberon !
Las, notre homme était connement américain, ce qui signifie peut-être un marché colossal en terme affaires, mais hélas nul n'est prophète en son pays en terme de rock, et en arts de manière générale, aux Etats-Unis moins qu'ailleurs, qui nous exportent généralement leurs plus splendides losers, genre Flamin Groovies ou New York Dolls pour ne parler que de pop rock !
Donc, une fois achévée l'aventure blue-eyed soul des Box Tops, Alex Chilton qui, ne lui enlevons pas cela, a quand même connu son moment de gloire avec le susnommé "The Letter", ainsi qu'en produisant le premier Cramps, se retrouve aux commandes de Big Star, combo archétypique des flamboyants power chords, et grave dès 1972 l'estimable mais culte #1 Record qui fait un fourcomplet ! La maison de disques Ardent, pourtant une succursale de la mythique Stax oubliant d'assurer une diffusion correcte du disque ! C'en est trop pour le dépressif et déjà dans le Cosmos Chris Bell, principal pourvoyeur de chansons aux côtés d'Alex ; l'aventure se poursuivra donc en trio !
Radio City, qui n'est pas davantage considéré par la maison-mère sonnera le glas des espérances commerciales de Big Star, lequel sombrera et splittera peu après, et pourtant quel disque, quelle claque, quelle leçon de songwriting ! C'est bien simple, cette oeuvre est pour moi annonciatrice de toute la brit-pop (plus ou moins) triomphante des 90's, c'est-à-dire comme on l'a vu, des accords de guitare tonitruants, des mélodies tuantes, des refrains à fredonner sous la douche.......
Il y a quand même deux ou trois choses qui constituent la valeur ajoutée de Radio City : un chant princier, doux et désabusé, qui offre un troublant mimétisme avec celui chéri de Roger Mc Guinn des essentiels Oyseaux, des ruptures harmoniques étonnantes et flirtant parfois avec le jazz (voir les breaks de "O My Soul") et l'art d'aller à l'essentiel (la concision parfaite des mélancoliques "Morpha Too", au piano désenchanté ou "I"m In Love With A Girl" et ses délicats accords diminués). Bref, quelque chose qui fait ressortir l'affire du lot des Badfinger ou autres Raspberries, quand même !
Et puis, quiconque ayant certaine habilité à essuyer le manche d'une guitare, se trouvera comblé à l'écoute de ces roboratives leçons de pop beatlesiennes que sont les impeccables "O My soul","Way Out West", "You Get What You Deserve" ou autres "Back Of A Car".
En outre, ce qui rend cet album supérieur à son devancier, c'est probablement aussi le fait que Big Star trouve véritablement son style, explorant sans avoir l'air d'y toucher sa facette plus pop, là où #1 Record s'encombrait parfois de boogies poussifs ; ici seuls les succints "Mod Lang" et "She's A Mover" sont réminiscents du Big Star première mouture !
Enfin, Radio City, c'est aussi l'album du mini-classique de Chilton, son incontournable en public, la si charmante "September Gurls" (avec un "u" !) qu'on peut le voir jouer ici ou là lors de festivals, accompagné de son groupe reformé (ou de ce qu'il en reste), c'est-à-dire, ses adorateurs, les excellents Posies !
En 1978, et avant le récent come-back, sortira le cultissime Third, rebaptisé Sisters Lovers, avec "O Dana" repris par Okkervil River, (message subliminal à Ju !) lorsde sa rééedition en 1992, que lui préfèrent certains aficionados ; perso, je n'en démords pas : c'est ce deuxième album qui est de loin le plus abouti et fixe à jamais le savoir-pop à nul autre pareil de Big Star !
en bref : mine de rien, des chansons aux airs de classiques si évidents, ça n'est jamais facile à composer ; l'album étalon de Big Star étant certainement très "écrit" sous ses faux airs spontanés ! Et mine de rien, il ne se trouve que peu de groupes à avoir reproduit à l'identique pareille alchimie, les écossais de Teenage Fanclub pour ne pas les nommer !
Classique indémodable , et four commercial absolu à ranger aux côtes des Pet Sounds et autres Berlin !
le site officiel
Le Myspace d'Alex Chilton
Big Star, en concert ("Way Out West"), tel que j'ai pu les voir "reformés"à Benicassim (hé, hé !)
et "Back Of A Car", génial !