Cela fait de nombreuses années que je suis abonnée au blog de la poète Barbara Auzou, intitulé Lire-dit-elle, sur WordPress. C’est ainsi qu’en 2018 j’avais suivi avec plaisir la création de son recueil en collaboration avec le peintre Niala-loiseaubleu, dont chaque tableau-poème formait un ensemble indissociable et sans prééminence d’un art sur l’autre (on ne saurait donc parler ici d' »illustration » et, pas davantage, de « commentaire »). Récemment, j’ai pu me procurer ce beau livre, publié par les éditions Traversées, et j’étais contente de retrouver les créations qui m’avaient plu à l’époque sur le web, sauf que la version papier est, comme on s’y attend, encore plus agréable à consulter, à feuilleter et à tenir entre ses mains.
Pour des questions de droits d’auteur sur les photos, je vous invite à aller faire un tour sur le blog de Barbara pour voir l’œuvre correspondante de Niala en cliquant ici-même.
Mon avis
Dans ces poèmes et ces tableaux, une certaine luxuriance de la nature et une grande place accordée au corps humain, à ses différentes parties (ventre, bras, mains, poitrine), m’ont évoqué le jardin d’Eden, un univers de douceur apaisée. En poésie il n’est pas simple d’évoquer la joie de vivre, les visions heureuses (parler de son malheur ou de ses insatisfactions est peut-être plus inspirant pour la plupart des poètes !) mais Barbara Auzou, au contraire, semble y parvenir sans mal. Ses poèmes ont de l’allant, de la fraîcheur, de la luminosité. Un usage modéré et non systématique de la rime ou de l’assonance confère à ses vers une musicalité sans pesanteur. Du point de vue des rythmes, il n’y a pas non plus de métrique régulière, mais certaines petites répétitions de vers ou de mots donnent un effet légèrement chantant. Une poésie très riche en sensations variées – couleurs, parfums, touchers, images – et qui donne l’impression d’une vie foisonnante et consolatrice.
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A la buttée des étoiles
Dans les hauts jardins de l’imagination,
je te trouverai broyant la couleur
au revers du coquelicot éphémère,
accoudé au temps et à la butée des étoiles,
à fortifier la frêle charpente de la toile
que le couteau déjà entaille de son entière passion.
Je te trouverai absorbé dans l’intervalle
entre le geste et son intention,
entre la beauté et son interrogation,
au cœur d’une lumière différée,
à la torche ressaisie sur la cécité du jour
et dans le halo d’une certaine idée de l’amour.
Dans les hauts jardins de l’imagination,
tu me trouveras au dernier quartier lunaire,
sur la balançoire obstinée qui balaie le vulgaire,
à la strate du mot et à la nuque d’un bras de mer.
Tu me trouveras au sang bleu d’un théâtre mental,
à la mouette qui se cogne à la butée des étoiles.
Tu me trouveras dans l’étroit du mot,
dans l’écriture du ventre et son cachot,
entre le centre et le contour,
entre le dire et son silence,
au cœur d’une partition langagière,
à la torche ressaisie sur l’éphémère
et dans le halo d’une certaine idée de l’amour.
Barbara Auzou.
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