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Ii – les dialogues impossibles : reductio ad hitlerum

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
II – LES DIALOGUES IMPOSSIBLES : REDUCTIO AD HITLERUM

Ceci constitue la seconde partie d’une série d’articles ayant pour thème l’impossibilité d’un dialogue constructif et productif, essentiellement dans le monde occidental. J’essaye de démontrer, de façon didactique et simple, parfois schématique, pour quelles raisons dans certains pays, malgré la liberté d’expression, on arrive à une faillite intellectuelle.

Dans une première partie, nous avons vu la loi Godwin qui consiste à utiliser la mauvaise foi avec des références diverses, Hitler, communisme, intégrisme, pour triompher de son adversaire. Ceci constitue l’élément déterminant du problème. On ne disserte plus pour arriver à une conclusion globale et générale probante, mais pour mettre à genoux son interlocuteur. Les débats, non seulement deviennent stériles, ils mènent, de plus en plus, vers la violence, à tel point que beaucoup préfèrent les éviter.

 Le sujet d’aujourd’hui porte sur une expression latine, reductio ad hitlerum, qui était très célèbre en son époque. Mais, actuellement elle prend une autre évolution, comme la loi Godwin.

Reductio ad Hitlerum

Du point de vue historique, on attribue cette expression pour la première fois au philosophe Leo Strauss qui l’utilisa en 1953 avec ironie.

Cette expression signifie que l’on réduit un événement ou une argumentation à Hitler. Nous sommes, donc, pareillement à la loi de Godwin, dans la référence nazie et hitlérienne. Mais, il faut se garder de confondre les deux éléments.

Il s’agit de disqualifier une démarche en lui trouvant une analogie, avec une autre démarche, elle hitlérienne.

L’exemple qui suit est assez parlant. Une personne, ou un groupe de personnes lancent une campagne contre le tabagisme. Des personnes opposées à cette campagne vont utiliser l’argumentation selon laquelle, Hitler lui-même avait lancé pareille campagne. La similitude entre la lutte antitabagique actuelle et celle, ancienne, menée par Hitler, paraît suffisante aux yeux de ses tenants pour la disqualifier.

Si, effectivement, comme pour la loi de Godwin, il y a utilisation d’un procédé malveillant, le danger, ici, vient du fait que certains vont souscrire fermement à cette logique.

Nous sommes dans un acheminement de la pensée strictement irrationnel.

Si l’on considère le syllogisme classique concernant Socrate :

1 – Tous les hommes sont mortels

2 – Socrate est un homme

3 – Donc Socrate est mortel

Nous constatons que la troisième proposition est une conclusion logique des 2 premières.

Dans l’exemple précédent, celui de la campagne antitabac, ces personnes procèdent d’une logique qui n’a aucun sens :

1 – Hitler est un criminel

2 – Hitler a lancé une campagne antitabac

3 – Donc, ceux qui lancent une campagne antitabac sont, comme Hitler, des criminels.

Ici, la conclusion à laquelle on aboutit est strictement absurde dans la mesure où les crimes de Hitler ne tiennent pas dans sa campagne antitabac, mais dans les guerres qu’il a provoquées. En fait, si on suit ce raisonnement, on pourrait arriver à la conclusion suivante : puisque Hitler respire, et que Hitler est un criminel, par conséquent tous ceux qui respirent sont des criminels.

Ce qui est grave est que, si dans un premier temps ce genre raisonnement biaisé est utilisé à des fins de dénigrement d’un événement, il finit par s’imposer aux esprits par sa répétition.

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Reductio ad Hitlerum et corruption de la logique.

Il est admis que l’on s’éduque, que l’on progresse, que l’on améliore ses jugements par la répétition, par imitation de modèles vertueux. Mais, l’inverse est vrai. On peut strictement corrompre sa façon de penser, son univers mental par la reproduction d’exemples défectueux. La répétition de ces imitations sans le moindre discernement aboutit au phénomène suivant : c’est l’irrationnel qui devient l’unique réalité logique des univers mentaux. À ce stade, nous arrivons au point de non-retour de la déraison.

Avec l’émergence des débats télévisuels répétitifs ; avec l’émergence des réseaux sociaux ; avec l’émergence d’intellectuels et de politiciens indigents, se mettent en place, de façon progressive, les mises sous tutelle de la pensée générale du citoyen. Une mise sous tutelle, pas spécialement des plus heureuses.

Tant que cette tutelle de la pensée obéit à des règles de logique, cela ne pose nullement grand problèmes, si ce n’est que les sujets ne pensent plus par eux-mêmes. Cependant, on constate, de plus en plus, la présence de manque de logique dans les raisonnements. Ce manque de cohérence et de rigueur qui suit le schéma du second syllogisme n’est pas exclusivement le fait de quelques intellectuels de base. Malheureusement, il devient prépondérant chez des personnes connues et bien installées dans les médias.

Force est de constater que ce genre de raisonnement, strictement aberrant, fait partie de notre quotidien. On peut même affirmer que l’on assiste à son éclatant triomphe.

Que ce soit dans les réseaux sociaux ; que ce soit dans des émissions télévisuelles ; que ce soit dans des articles de journaux, il y a offense à la raison.

Le discours de certains influenceurs en est le parfait exemple. Ils ont pu, par des contrevérités, par des associations, par des similitudes, par des analogies strictement exubérantes, imposer des choses telles que la cryptomonnaie, l’Intelligence Artificielle, et j’en passe. Malheureusement, à partir de vérités irrationnelles créées de toutes pièces, émerge une réalité qui possède sa propre logique. Logique implacable et convaincante, bien que strictement fausse. Ce qui est de grave et dangereux est que l’on s’y habitue.

On se croirait de retour à la période des sophistes. Le Protagoras de Platon n’est pas très loin. Malheureusement, les Socrate se font de plus en plus rares.

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