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Le parmentier en pyjama de bagnard psychédélique

Par Estebe

Bien le bonjour d'Alfred

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On a débarqué, ruisselant de fierté, avec notre parmentier bicolore autant que fumant entre les mains.
Quel spectacle prodigieux que cette purée rayée aux tons pop! Quelle création audacieuse et novatrice! Quel délice pour la rétine et l’âme! Sur notre visage, la fatigue occasionnée par un long labeur en cuisine s’était muée en une expression de satisfaction, sans doute un rien suffisante quoiqu’aisément compréhensible vu le chef-d’œuvre accompli.
C’est à ce moment-là que quelqu’un autour de la table a osé émettre une réserve. «En dehors du côté visuel, ton truc à rayures, là, ça sert à quoi?»
Ça sert à quoi? Ça sert à quoi? Demande-t-on à Picasso à quoi sert le machin bleu froissé entre ses gonzesses d’Avignon? Demande-t-on au Caravage à quoi sert cette grosse ombre noire derrière son barbu en armure? Demande-t-on à Mondrian à quoi sert la grille de sodoku au milieu des carrés de couleur? Hein?


Ben, sur notre parmentier, les rayures mauves, elles ne servent à rien. On ne discute pas avec l’art.
Pour un authentique et délectable parmentier aux deux pommes de terre et aux deux viandes, propre à combler cinq appétits majuscules, six même, il vous faut:
- Trois grosses patates farineuses
- Sept pommes de terre vitelotte
- 500 grammes d’épaule de bœuf coupée en gros cubes
- 500 grammes d’échine de porc coupée en gros cubes
- Une carotte, un poireau, du fond de veau, du ras-el-hanout, de la muscade, du lait, du laurier, une vraie sensibilité artistique, une gousse d’ail, une échalote et un verre de cognac. Alouette.

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  Pour le ragoût. Salez, poivrez puis dorez bœuf et cochon dans une cocotte. Réservez. Faites blondir ail et échalote. Ajoutez les viandes et la carotte taillée en petits dés. Mouillez avec un déci de fond de veau, le cognac et de l’eau. Dans une boule à thé, immergez aussi trois feuilles de lauriers, quelques grains de poivre noir et deux clous de girofle. Ajoutez le vert du poireau (qu’on virera en fin de cuisson) et une large tombée de ras-el-hanout. Laissez frémir trois bonnes heures.
Voire plus si rendez-vous chez le dentiste.
Dans un saladier, effilochez la viande, qui ne doit plus guère offrir de résistance après ce long bain brûlant. Mouillez-la avec la moitié du jus, en visant une hydrométrie tropicale. Rectifiez l’assaisonnement sans timidité.
 
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Pour les purées. Cuisez les patates dans le panier vapeur, les grosses dessous, les petites dessus. Quand les vitelottes sont cuites, pelez, écrabouillez au mixer (la vitelotte a la chair ferme), puis montez la purée d’abord avec quelques noisettes de beurre puis une série de petites rasades de lait. Salez bien, poivrez mollo, muscadez (une pincée d’ail en poudre est même envisageable).
Même topo avec les patates jaunes, mais au presse-purée.

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  The artistic touch. Dans un plat à gratin, alternez couche de viande, purée jaune, viande, purée violette, viande, purée jaune, etc… jusqu’à épuisement des ressources. Sur la surface, créez enfin votre motif dichromatique et imaginatif (rayures, pois, zigzags, visage de la Vierge, croix occitane, buste d’Obama…). Saupoudrez de gruyère râpé. Gratinez vingt minutes au four. Et attendez les journalistes de Beaux-arts Magazine.

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Avec ça, il n’est pas interdit de vider une bouteille d’un producteur catalan et naturel à la pointe, Cyril Fhal, dont Le Clos du Rouge-gorge 2004 s’avère simplement mirobolant de tension fruitée, de pureté minérale et de maturité harmonieuse. Oui, tout ça. Une vraie découverte.
Mais qui t'es, Fhal?

A tout soudain 


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