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Harry Potter et l'ordre du Phénix

Par Rob Gordon
Harry Potter l'ordre PhénixNe me regardez pas comme ça, enfin. Oui, j'ai eu le privilège de voir le cinquième Harry Potter avant tout le monde, moi qui ne suis même pas un fan inconditionnel du sorcier à lunettes. Mais vous n'étiez pas au courant? La vie est injuste.
À la baguette, David Yates, dont ce sont quasiment les premiers pas au cinéma (il a auparavant réalisé d'excellentes séries britanniques). Pari audacieux pour la Warner, qui confie à nouveau un film d'une telle dimension à un jeune cinéaste (après avoir engagé Alfonso Cuaron sur Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, le meilleur film de la série). La scène d'ouverture donne clairement raison aux producteurs : immédiatement, il semble que Yates ait su imprimer à son film un style réaliste, d'une violence sourde et froide, pour un rendu à la fois magnifique et terriblement effrayant. Entre Loach, Cuaron et Spielberg. Les pupilles se dilatent, l'intérêt croît, que l'on soit ou non un aficionado de la saga Potter.
La demi-heure suivante est à l'avenant : dans des décors toujours plus stupéfiants, les éléments majeurs du film se mettent en place, l'ambiance est inquiétante à souhait, et Yates insuffle au film un ton délicieusement british cadrant parfaitement avec le style de JK Rowling. C'est en fait à l'arrivée à Poudlard que les choses commencent à se gâter, pour les personnages comme pour le spectateur. Ceux qui ont lu et relu les romans nous avaient prévenu : le cinquième tome des aventures de Harry Potter est aussi le plus mauvais, un simple livre de transition doublé d'un certain manque d'inspiration de l'auteur. Résultat : en son centre, Harry Potter et l'ordre du Phenix ressemble aux Choristes version Thatcher. Cette histoire de récupération de Poudlard par le ministère de la magie aurait pu être intéressante dans le cadre d'un film unique ; au coeur d'une saga aussi ambitieuse, elle n'apparaît que comme un moyen de faire durer un peu plus, d'étirer les enjeux à l'envi. Heureusement, dans le rôle de Dolores Ombrage, celle par qui les emmerdes arrivent, Imelda Staunton livre une performance remarquable. Passant en un clin d'oeil d'une hystérie revêche à un calme angoissant, elle est le personnage-clé du film, main de fer dans un gant de velours. Elle éclipse d'ailleurs tous les personnages qui occupaient autrefois le premier plan : que les fans de Ron, Hermione, Hagrid et des autres professeurs se préparent à ronger leur frein.
Pendant ce temps, essayant tant bien que mal de combler les lacunes d'une histoire peu passionnante, David Yates se prend les pieds dans le tapis. D'abord épatante, sa mise en scène devient rapidement ampoulée, et d'une hétérogénéité assez étrange, comme si plusieurs réalisateurs aux styles bien différents avaient tourné un morceau du film à tour de rôle. Cela nuit évidemment à la lisibilité d'un film où même les moments les plus forts sont un peu ratés : "la" scène entre Bellatrix Lestrange (Helena Bonham Carter, absolument nulle, se croyant encore chez Burton) et Sirius Black est ainsi complètement saccagée, l'émotion qu'elle aurait dû procurer restant au placard. Évoquant Star wars, le combat final est d'une ringardise absolue, d'autant qu'on ne saisit pas vraiment quels en sont les véritables enjeux. Là, visiblement perdu, Yates se met à filmer comme Renny Harlin (ce qui n'est pas vraiment un compliment).
Au bout du compte, on se dit que 2 heures 17 (une concision fort louable) pour arriver à des conclusions aussi simplettes que "rien ne remplace l'amitié" et "il ne peut en rester qu'un" (façon Highlander), c'est un peu agaçant. Il faut alors se contenter de quelques friandises : outre la délicieuse prestation d'Imelda Staunton, on se régalera gentiment de l'évolution sentimentale des personnages (le premier baiser de Harry et Cho vaut le coup d'oeil, même si celle-ci finit par disparaître du film de façon inexpliquée), d'un humour un peu bas de plafond mais toujours bon enfant (les jumeaux Weasley trouvent enfin leur place), et de quelques scènes d'une vraie beauté (le mur des amendements). Ces petits plaisirs multiples poussent le spectateur le plus hostile à se montrer indulgent et à ne pas trop trépigner lors des séquences les plus ennuyeuses. Paraît que le sixième roman est largement supérieur au cinquième ; malgré l'impression mitigée laissée par L'ordre du Phenix, et bien que ce soit à nouveau David Yates qui s'y colle, force est de constater qu'on a déjà hâte de voir le prochain film. C'est bon signe.
5/10

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