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La Physique des Catastrophes - Marisha Pessl

Par Woland

Special Topics in Calamity Physics Traduction : Laetitia Devaux

Je viens de sortir de ce livre, absolument bluffée par la maîtrise avec laquelle son auteur parvient à mener le lecteur jusqu'au bout de l'intrigue sans qu'il soupçonne la fin qu'elle lui a concoctée.

Pourtant, j'avais eu quelques difficultés à m'habituer au style de Marisha Pessl. Toutes ces références, à des films, à des livres, à des articles d'encyclopédie, etc ... m'ont, au début, plutôt agacée. Puis j'ai adopté le point de vue donné par le titre original de cette "Physique des Catastrophes" :

1) après tout, il s'agit d'un dossier dont le thème central est axé sur un universitaire veuf, ayant tenté d'inculquer un maximum d'érudition à sa fille unique et l'ayant gavée pour ce faire dès l'enfance d'un nombre ahurissant de lectures au-dessus de son âge.

2) En outre, toute l'action se situe sur des campus - qu'il s'agisse de l'action passée, à l'Age d'Or de l'activisme gauchiste aux USA, ou de l'action présente, puisque Blue, la narratrice, entame son année de Terminale avant de postuler avec succès à Harvard.

3) Enfin, élève exemplaire et tête de classe, il est clair que, pour mettre à plat les mystères qui l'accablent en cette année décisive, Blue ne saurait concevoir une autre façon de procéder : rédiger un récit solidement étayé, littéralement hanté par l'esprit de son père (cet amour, cette manie des citations, c'est Gareth Van Meer plus que sa fille) et qui analyse point par point les différentes étapes d'un parcours qui, on s'en rend compte à la toute fin du livre, a commencé bien avant la naissance de la jeune fille.

Si l'on conserve tout cela à l'esprit, les citations finissent par ne plus causer problème, surtout que Marisha Pessl s'est amusée à en imaginer de fausses ainsi que des auteurs tout à fait fantaisistes - mais très pontifiants. Un reproche que je maintiendrai, par contre - mais il est léger - c'est que l'on a parfois l'impression d'une violence faite au style pour le rendre brillant à chaque mot. C'est oublier qu'Oscar Wilde lui-même s'autorisait des moments de répit qui ne font que souligner le naturel de ses mots d'esprit./b Il y a donc, çà et là, des images un peu forcées, qui se promènent sur le fil de rasoir et que le lecteur verrait sombrer dans le néant sans en éprouver la moindre peine. Mais, bd'un autre côté, ce style ressemble tellement à celui que Gareth Van Meer aurait souhaité voir sa fille adopter ...

Venons-en maintenant à l'intrigue. Les premiers chapitres sont évidemment des chapitres d'exposition, il faut donc patienter un peu avant de se retrouver au coeur de l'histoire. Mais on ne regrette pas d'avoir eu cette patience.

Gareth Van Meer, veuf (depuis 1992, la date a son importance) et ayant la charge de sa fille unique, Blue, avec laquelle il vit une relation quasi fusionnelle (sur le plan intellectuel seulement, il n'y a ici aucun parfum d'inceste, peut-être un complexe d'Electre de la part de Blue mais typique de son âge, 17 ans, et de son statut d'enfant sans mère), décide de planter leur tente dans la petite ville de Stockton pour la dernière année de collège de sa fille.

Bien qu'habituée à changer de ville à chaque rentrée scolaire, Blue a toujours autant de mal à se faire des amis. Mais cette fois-ci, le professeur en art cinématographique de son collège, Hannah Schneider, lui favorise la chose en conseillant à quelques uns de ses élèves préférés, qu'elle reçoit régulièrement à sa table chaque dimanche, de nouer connaissance avec Blue.

D'abord réticents, les membres du petit cercle d'Hannah, que le reste du collège surnomme "le Sang Bleu", intègrent Blue parmi eux. Pour faire passer la pilule à Gareth, qui n'apprécie pas les teenagers dont le niveau intellectuel semble inférieur à celui de sa fille, Blue lui raconte qu'ils l'ont en fait invitée à participer à un groupe de travail sur l'"Ulysse" de Joyce.

En réalité, ils s'amusent comme on peut le faire à cet âge-là, surtout que leurs parents ont les moyens. Un soir, mécontents de constater que Hannah ne les a pas conviés à une fête "entre adultes" qu'elle a organisée chez elle, les adolescents se faufilent chez leur professeur bien-aimée et un fâcheux incident se produit : l'un des invités est retrouvé mort dans la piscine ...

Peu à peu, Blue, qui réfléchit beaucoup (trop), sera amenée à se poser des questions non seulement sur cette mort mais aussi sur son père, qu'elle a cru apercevoir à la soirée, puis sur Hannah Schneider.

Quand elle obtiendra les réponses, elle sera passée de l'autre côté : elle sera devenue adulte.

Un roman riche, foisonnant, superbement maîtrisé, que je vous conseille de lire avec le plus grand soin. Car finalement, toutes ces citations ne seraient-elles pas là dans le but de détourner l'attention du lecteur agacé de ce qui, dans le texte, est réllement important ? Réfléchissez-y et bonne lecture. ;o)


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