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Les chars de combat en action – tome 4

Par Francois155


HORS-SÉRIE RAIDS N°29.

Si la lecture

du mensuel RAIDS est toujours un moment agréable et instructif, les hors-série du magazine sont de véritables petits bijoux, superbement illustrés et rédigés par les meilleurs experts du genre. Ainsi, Pierre Razoux, grand spécialiste de Tsahal, réalisa, peu après les affrontements du Sud-Liban, un « Tsahal au combat » particulièrement éclairant.

Mais ce sont le plus souvent les matériels et leurs doctrines d’emploi qui sont à l’honneur dans cette collection. Citons, parmi d’autres, les deux excellents numéros sur « L’infanterie mécanisée en action », de Pierre Santoni, ou ceux consacrés aux hélicoptères de combat, par Frédéric Lert.

Marc Chassillan, grand ingénieur militaire et expert des systèmes blindés, nous avait déjà régalés avec les trois premiers tomes de la série « Les chars de combat en action ». Ce tome 4 était particulièrement nécessaire puisqu’il revient sur les évolutions récentes dans l’emploi du char de combat, en particulier en zone urbaine et/ou face à l’adversaire irrégulier, qu’il se fasse dans un contexte d’intervention ou de stabilisation.

Car c’est, hélas, l’un des marronniers favoris de certains analystes, militaires ou civils, des questions de défense que de proclamer, à intervalles réguliers et à grand bruit, la mort du char de combat. Invariablement, les fossoyeurs de ces grands dinosaures qui refusent de disparaître doivent remiser, de plus ou moins bonne grâce et avec une célérité diverse, leurs pronostics au placard… jusqu’à la prochaine fois, à coup sûr !

Le char de bataille reste et restera un élément essentiel du combat actuel et futur. Les exemples abondent dans ce sens. Il évoluera, bien sûr, et évolue déjà dans son architecture et ses modalités d’emploi, mais demeurera le poing blindé indispensable, le seul engin capable de combiner efficacement puissance de choc, puissance de feu et manœuvre pour obtenir la décision. Seul, le char est déjà redoutable ; combiné avec une infanterie mécanisée de qualité, soutenu par le génie de combat, éclairé par toute la palette moderne des moyens de renseignement et appuyé par les feux indirects de l’artillerie et de l’aviation, il constitue un pion essentiel de la manœuvre victorieuse.

On observe actuellement deux grandes tendances dans l’évolution du char de bataille : la première est liée aux flottes dont se dotent les États ; la seconde à la valorisation de l’engin et à son emploi dans des scénarii non prévus, voire même fortement déconseillés à l’origine.

- Des flottes qui se densifient dans des aires géographiques nouvelles :

Si l’on ne peut véritablement parler d’une explosion du nombre de chars au niveau mondial, on constate en revanche un double phénomène : d’une part, de nombreux pays occidentaux, autrefois impliqués directement dans l’affrontement est-ouest et ses perspectives de combats conventionnels blindés-mécanisés de haute intensité, réduisent sensiblement leurs dotations en char lourd voire, pour certains, rayent purement et simplement la capacité « char » de leurs inventaires ; d’autre part, de nombreux pays situés à l’est d’Ankara (et la Turquie elle-même) travaillent fébrilement pour produire des modèles nationaux de qualité en quantités respectables.

Ainsi, et pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun des grands pays occidentaux traditionnellement producteurs de chars (USA, Allemagne, France, GB, et Russie) ne travaille à de nouveaux modèles, se contentant d’améliorer les classes existantes et diminuant nettement le nombre d’unités en dotation.

A l’inverse, conscients que le char est un outil de puissance incontestable de plus en plus utile, des pays asiatiques (Chine, Corée du Sud, Japon) ou moyen-orientaux (Pakistan, Inde, Iran) consentent à de réels efforts pour obtenir une quasi-autonomie technologique et une maîtrise du savoir-faire dans la réalisation de chars purement nationaux. De plus, tandis que les flottes occidentales, lorsqu’elles ne disparaissent pas purement et simplement, se réduisent, au mieux, à quelques centaines d’exemplaires, ces pays ambitionnent de posséder des milliers d’engins d’un excellent niveau qualitatif en s’inspirant fortement (quand ils ne les copient pas purement et simplement…) des meilleurs engins existants qui ont fait leurs preuves au combat.

Ainsi, on peut véritablement parler d’une prolifération dans certaines aires géographiques. Comme le note l’auteur, « cette tendance de fond est de nature à interpeller les dirigeants et décideurs occidentaux souvent prompts à balayer d’un revers de manche tous les arguments qui militent en faveur du maintien d’une flotte de chars significative qui apparaît à leurs yeux comme un héritage anachronique de la guerre froide ».

- Valorisation et diversification d’emploi des engins occidentaux :

Les expériences récentes des Israéliens au Liban, des Anglo-saxons en Irak, des Canadiens en Afghanistan ont conduit les tenants du « tout léger » à remiser, pour un temps, leurs projets révolutionnaires dans les cartons : le char lourd s’est imposé naturellement comme le seul engin de combat disponible apte à se mouvoir partout, à encaisser les coups et à riposter avec une puissance et une précision inégalée, au plus prêt des troupes à soutenir.

Ainsi, et s’il reste un engin offensif par essence, le char a vu ses missions se diversifier : assaut en zone urbaine, convoi, dissuasion dans les opérations de maintien de la paix, etc. Les utilisateurs occidentaux, avec un pragmatisme et une promptitude diverse, ont donc pris acte de ses nouvelles exigences et ont cherché à valoriser les chars existants pour qu’ils puissent les remplir au mieux. Ce retour du char dans des missions si différentes de celles prévues pendant la guerre froide a entrainé des modifications dans l’architecture et l’équipement des engins : renforcement des blindages latéraux, de toit, du plancher et arrière ; généralisation de la nécessité de monter des armements téléopérés puisque le char doit pouvoir combattre toutes écoutilles closes dans un environnement où il attire les projectiles les plus divers et que, comme le disait Patton, « la mitrailleuse est l’arme la plus utile du char » ; possibilité de communiquer plus efficacement avec l’infanterie d’accompagnement ainsi que de se situer dans un espace de bataille numérisé ; optimisation des moyens d’observation tous azimuts ; développement de nouvelles munitions antipersonnel et antibunker pour l’armement principal (de type HE, HESH, Canister voire, pourquoi pas, thermobarique). Dans le même ordre d’idée, la présence d’armes à trajectoires courbe et/ou à fort débattement (type mortier léger servi sous blindage, déjà présent sur la classe Merkava, ou lance-grenade automatique sur le châssis) serait un plus, de même que la possibilité de mise en œuvre d’armes à létalité réduite pour le contrôle de foule.

Mais l’arrivée des drones de contact et, dans un avenir proche, des robots terrestres utilisant des moyens sophistiqués de reconnaissance et de désignation de cibles pourra aussi offrir aux chars la possibilité de tirer des munitions guidées « derrière la crête » (ou l’immeuble).

Enfin, et à côté de ces moyens offensifs, les chars actuels devraient recevoir des systèmes de protection renforcée, hard-kill et soft-kill.

Conclusion :

Bref, le char lourd a encore de beaux jours devant lui et continuera à rendre de grands services, bien au-delà de son rôle traditionnel de « casseurs de chars », dans les déploiements extérieurs où sont engagés les contingents occidentaux. Encore faut-il, autre sujet qui fâche, que ces pays disposent des moyens de transport stratégiques (notamment par air…) permettant de les déployer rapidement. Marc Chassillan, à ce sujet, écrit fort justement : « l’A400M n’est qu’un gros C-130 mais ne permettra pas l’acheminement stratégique de moyens lourds à longue distance. La France doit réfléchir rapidement à l’acquisition de cette capacité stratégique ».

Toutefois, si le char est un élément essentiel de destruction et d’occupation du terrain, il reste avant tout une arme offensive et dissuasive : dans un conflit contre-insurrectionnel, il appuiera le travail de l’infanterie dans les phases « dures », mais ne pourra remporter la victoire. De même, son déploiement implique un soutien logistique très important. Il serait toutefois dommage de s’en priver eu égard aux services qu’il peut rendre à la troupe.

LES CHARS DE COMBAT EN ACTION – TOME 4.

SOMMAIRE :

- Emploi des chars modernes, analyses et perspectives.

- Quand l’armée canadienne (re)découvre les capacités des chars de combat.

- Le char de combat sud-coréen KFMBT K2.

- Le Leopard 2, l’histoire continue.

- L’AMX 32, première étape vers l’AMX 40.

- Le char français AMX 40.

- Le char chinois Type 99.

- Le char M1 et ses évolutions.

- Le char israélien Merkava 4.

Un cinquième tome est annoncé qui reviendra sur le Leclerc, le T-80 et des thématiques techniques sur les conduites de tir, la mobilité et les munitions.


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