Eh
bien, à notre époque qui se méfie du
politiquement correct, voici un livre bien incorrect. Roger Peyrefitte, Les amours singulières. 1949. Descpription
d'une bourgeoise perverse et incestueuse, éloge de la
pédérastie. Qui peut dire mieux 60 ans plus tard?
Vous êtes choqué? Vous ne
le seriez pas si vous lisiez les deux récits qui composent ce
livre.
Parce que Peyrefitte n'est pas Jean Genet. Celui-ci, dans ses
romans magnifiques et coulés dans une esthétique glacée
et somptueuse, veut absolument dégoûter, prouver que la
pédérastie, c'est le Mal, et le faire quand même.
Notre Roger non. Tout au contraire, il
veut qu'on pense que l'amour des petits garçons est une chose
aimable et charmante. Il est badin, léger, dix-huitiémiste.
Il absout tout. Ce fils qui couche avec sa mère, et avec sa
vieille cousine boiteuse, et avec ses cousins, et qui
tente de séduire le narrateur, c'est un être léger,
innocent, d'avant le péché originel, d'avant l'ère
judéo-chrétienne. La mère est horrible, certes,
mais c'est une femme, et Roger, on le sait bien, a une estime
médiocre pour les femmes.
Par contre, il a un modèle. Le
héros du deuxième récit, dont vous voyez une des
oeuvres ci-dessus. Wilhelm von Gloeden, 1856-1931. Baron allemand
expédié à Taormina pour soigner sa phtisie, qui y
reste 50 ans, qui, par ses photos, fait connaître ce lieu comme
un paradis pour les messieurs amateurs de petits garçons.
« Deux ou trois générations de photographies
nues. »
Il a des clients, admirateurs,
visiteurs célèbres. Anatole France. Oscar Wilde.
L'empereur Guillaume II de Hohenzollern. Son fils, le prince
Auguste-Guillaume de Prusse. Krupp, homme le plus riche d'Allemagne,
qui fit ensuite des orgies à Capri.
Mais n'oubliez pas que l'époque
a changé. Que la pédérastie, maintenant, c'est
le Crime absolu. Une image inversée de l'époque, qui a
fait des enfants ses Rois et ses Dieux.
Comme Roger Peyrefitte, en fait. Mais
pas du tout dans la même optique.
Roger Peyrefitte, Les amours singulières, Le livre de poche