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La volaille médiévale et slurp de Maître Chiquart

Par Estebe

Bien le bonjour, hurons et vacelles

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On a une nouvelle idole en matière de popote. Depuis trois jours. L’idole, c’est Maître Chiquart.
Chiquart n’a pas de resto urf à Paname, pas d’émission sur M6, ni de chronique dans Elle à Table.
Parce que Chiquart est mort et réduit en poudre depuis bientôt six siècles. Mais quand il frétillait encore, notre maître queux favori dirigeait les cuisines du premier Duc de Savoie, au Château Ripaille à Thonon-les-Bains.
Il était tellement balèze dans son ministère, ledit Chiquart, qu’en 1420, il a même écrit un traité de gastronomie, Du fait de cuisine, récemment retrouvé, traduit, commenté et adapté par deux spécialistes de l’histoire culinaire: les Toulousains Florence Bouas et Frédéric Vivas. Le bouquin (ed. Actes Sud) décrit l’organisation et les recettes pour trois jours de banquet orgiaque autant que médiéval. Et c’est un régal.

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Un régal, avec de vraies surprises dedans. Nul ne l'ignore, la cuisine du Moyen Age a fort mauvaise presse. On la dit fruste, grasse, bête.
Ben, point du tout.
Chez Chiquart, la popote est un art accompli, pensé et délicat. Oui, Monseigneur.
Illustration? On vient de s’inspirer de son «brouet blanc de chapon au vin de Savoie» pour vous mitonner un poulet au gingembre et verjus super parfumé, exaltant et singulier.
Dans cette recette, toi esprit ouvert et agile, tu noteras…
- L’emploi de trois viandes (bouillon de bœuf volaille-lard maigre)
- La liaison à l’amande en poudre
- Le mélange subtil des épices (gingembre-graines de paradis- poivre)
- L’harmonie entre acidité (verjus, vin blanc) et douceur (sucre)
- La quasi-absence de corps gras
Comme quoi, tout ce qu’on a lu sur la bouffe barbare du Moyen Age, c’est des vilains ragots (d’agneau). Ces gens-là s’y entendaient pour faire à becqueter au poil. Enfin, dans la noblesse. Et en fin de période: en 1420, la Renaissance n’est plus très loin.

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Tactique adaptée par mèzigue pour réaliser la poupoule du Duc de Savoie:
Faites dorer un poulet coupé en huit à feu dru dans un peu d’huile d’olive au fond d’une marmite. Sel, poivre. Mouillez à niveau de bouillon de bœuf (six décis environ). Parfumez d’une bonne grosse cuillère de gingembre frais râpé et d’une généreuse pincée de cardamome (les graines de paradis, ou mariguette, prévues par Chiquart ne courent pas les placards).
Laissez glouglouter trois quarts d’heure.
Pendant ce temps, faites griller 150 grammes de lard maigre détaillé en lanières. Essorez et réservez.
Extrayez le poulet à l’écumoire, gardez au chaud. Liez le bouillon avec 100 grammes d’amandes en poudre. Ajoutez un sucre, un demi-verre de blanc savoyard et un demi-verre de verjus. Faites réduire de moitié.
Goûtez. Et rectifiez, jusqu’à ce que votre gosier se pâme. Parsemez de lanières de lard. Puis servez le Seigneur dodu d’abord, les baronets ensuite, en décochant sous cape des clins d’œil grivois aux damoiselles gloussantes.

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Avec ça, il s’agit certes de boire un grand blanc savoyard. Un vin sans âge. Hors normes. Hors modes. Le Marestel 2002 du Sire Dupasquier à Jongieux, outre le nom ad hoc du cépage (l’altesse) offre une larme de sucre ravissante et un bouquet de miel, d’épices douces et d’agrumes confits totalement intempestif. Furieusement charmeur. Et résolument médiéval.
De quoi s’espongier benoistement.

A sous peu, les bidaux


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