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Jour 277 : RODDY FRAME, The North Star (1998)

Publié le 30 décembre 2008 par Oagd
Jour 277 : RODDY FRAME, The North Star (1998) Pochette : Thibault Balahy Texte : JulienEcoute : Bigger, Brighter and Better Il s'agit d'un disque de l'après brit-pop. " Britannique ", cette musique l'est pourtant, par nature et goût du style. " Pop ", elle ne cache rien de ses intentions mélodiques et de son amour des années Soixante, tout en se préservant des symboles " nationaux " dont abusait le milieu des années 90 : visuels pop art de Peter Blake, vêtements Fred Perry, chaussures Clarks... Sur la pochette, l'auteur, photographié à contre-jour, porte un pull sombre d'où sort sa chemise dans un effet de négligence travaillé. Le cadre est un appartement impersonnel, les tons de la photo (gris, marine, blanc) ont un caractère de normalité austère. Le moment n'est plus à quelque simulacre de " fête ", mais celui d'un retour à la vie.   Tandis que les groupes à la mode (Blur), comme honteux, se débarrassent soudain de tout anglicisme musical, le terrain de la pop insulaire se dégage pour des auteurs plus chevronnés, ayant appartenu à des groupes, et guidés me semble-t-il par une démarche commune : Stephen Duffy (Lilac Time), Terry Hall (Specials), Michael Head (Pale Fountains). Et Roddy Frame, donc, de Glasgow, longtemps attaché au vrai-faux groupe de sa création : Aztec Camera. A la guitare, il n'est pas moins virtuose que Johnny Marr. Faute d'un Morrissey à sa disposition, il a toujours écrit ses chansons seul. Je lui vois en commun avec Andy Partridge d'XTC, d'écrire des chansons dont l'immédiateté dissimule finesse des structures et complexité des parties instrumentales. Les chansons de The North Star sonnent fraîches et inédites, en dépit d'un canevas sonore extrêmement conventionnel, pour ne pas dire " FM ". La pauvreté des arrangements, inversement proportionnelle à la production du disque, épaisse et charnue, fait subtilement ressortir l'audace des tracés mélodiques, leurs teintes pâles et néanmoins nombreuses. En cas de décrochage de l'attention, elles refusent de se laisser ignorer : presque toutes réservent un changement d'accords, une phrase mélodique, programmés pour atteindre avec puissance notre système nerveux. George Harrison, qui en raffolait, disait des accords diminués qu'ils étaient des " accords coquins ". L'utilisation qu'en fait ici Roddy Frame a en effet quelque chose de la caresse inattendue, dont le frisson se propage en un rien de temps à des surfaces importantes.   Dans la rue, j'écoute alternativement des titres du premier Aztec Camera, High Land, Hard Rain (1983), et de The North Star. Cela permet de faire quelques découvertes. Certaines sont amusantes. La romance d'hiver, rythmée par les flocons de neige, se trouve toujours en plage 3. En mélangeant les morceaux des deux disques, pour peu que ceux-ci soient acoustiques, on entretient presque l'illusion qu'il s'agit d'un même album, tant la voix et les sons de guitare, donc la texture tout entière, semblent proches. Vis-à-vis de l'écriture, Frame semble cependant avoir changé d'attitude. A 19 ans, il ne concevait une chanson que parsemée de changements d'accords et de rythmes impossibles, de clins d'œil à des genres musicaux anciens voire démodés (jazz, soul, bossa nova...), dans une sorte de revendication de sa propre " maturité ". Quinze ans plus tard, l'homme sait que la preuve se retourne contre celui qui la produit. Une chanson n'a plus à se constituer de cinq fragments mélodiques imbriqués. Ainsi le finale Hymn to the Grace, dont le soudain dépouillement s'éclaire des richesses précédemment déployées.   Nous en avions parlé ici à propos de Graham Gouldman : très tôt dans la carrière de Frame, le mainstream et l'indie ont paru fonctionner comme deux yeux œuvrant au déchiffrage d'un même champ de vision. L'indie a d'abord semblé prendre le dessus, puis le mainstream a failli tout engloutir (l'époque où il se faisait produire par Mark Knopfler de Dire Straits...) En dix chansons, The North Star parvient enfin à cet harmonieux point de rencontre. Quant à moi, de retour à Lyon après six ans ailleurs, je connais en ce moment un réajustement comparable. La ville que j'ai connue adolescent et celle que je redécouvre, moi-même changé, aux abords de la trentaine, ont d'abord refusé de se superposer. Ce disque, que j'ai découvert juste avant de partir, et que je redécouvre aujourd'hui à mon retour, contribue à me faire comprendre pourquoi j'ai autrefois aimé vivre dans ma ville natale.

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