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L’Equipe cherche meneur de jeu désespérement

Publié le 02 février 2009 par Davidme

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Cet article faisait l’évènement de CB News du 8 septembre 2008. Il traitait des problèmes du journal L’Equipe. Comme de nombreuses requêtes qui vous font arriver ici concernent l’Equipe. Voilà un peu d’informations.

1 septembre 2008 : François Morinière, Rémy Dessarts et Fabrice Jouhaud débarquent officiellement à l’Equipe. Respectivement en tant que directeur général de la SNC l’Equipe, directeur des rédactions et directeur délégué de la rédaction. Conclusion provisoire de huit mois d’hésitations, de tâtonnements et d’errements au niveau du management. Conclusion peut-être, mais surtout début d’un chantier énorme. Chantier tant éditorial que managérial qui devra refaire de l’Equipe une entreprise florissante qui regagne des lecteurs.
En effet, avec une diffusion France Payée (DFP) de 323 184 exemplaires en 2007, le quotidien est à peine au dessus de son niveau de 1993. Sur la seule année 2007 l’Equipe sa DFP chuter de 7,8 %. De quoi inquiéter Marie-Odile Amaury (directrice générale du groupe Amaury, propriétaire de L’Equipe) et lancer la valse des dirigeants. Ainsi, Christophe Chenut directeur général est débarqué en février 2008 pour «divergences stratégiques», Claude Droussent, directeur des rédactions le suit de près. Le communiqué évoquera cette fois-ci une « réorientation professionnelle ». Enfin, Michel Dalloni – éphémère successeur à la tête des rédactions – sera lui remercié pour « divergences stratégiques ». « L’abcès au sein de la rédaction et des journalistes est tellement grand, les tâtonnements sont tellement voyants et les errements éditoriaux si étonnants qu’il a fallu arracher plusieurs dents », souligne dans un langage imagé un journaliste. Manière de dire que l’on ne change pas tout un management, toute une organisation si un malaise ancien et profond n’est pas sous-jacent.

Malaise rédactionnel

« Je ne pardonnerais jamais », déclare à destination de l’Equipe, Aimé Jacquet, le 12 juillet 1998 alors que la France vient d’être sacrée championne du monde de foot. Alors que toute la France est en fête, c’est la consternation au siège du journal. « Nous sommes morts », déclare même l’un des rédacteurs en chef à l’envoyé spécial du titre au Brésil qui appelle pour partager la joie de la victoire. L’Equipe, seul quotidien sportif, est mis au pilori par celui que toute la France adule. Aimé Jacquet n’a pas digéré les unes assassines du genre : « Jacquet n’est pas l’homme de la situation » ou le « Et si on jouait à 13 ? ». Le syndrome Jacquet dont chaque membre de la rédaction peut parler pendant des heures est né. L’Equipe le traine encore. Du coup, pas un mot sur les errements de Bernard Laporte sélectionneur du XV de France pendant la Coupe du Monde de Rugby, et peu de lignes sur le fiasco Domenech qui demande Estelle Denis en mariage le jour de l’élimination des Bleus du dernier Euro.
« Avec Jacquet, nous nous sommes plantés mais nous avions une ligne éditoriale, aujourd’hui il n’y a plus rien, mis à part un consensus mou et une proximité avec les institutions du sport qui font fuir le lecteur», s’agace un journaliste. Que dire de l’épisode sur le coup de tête de Zidane ? Le directeur de la rédaction qui fait un éditorial le lendemain de la finale où il attaque Zizou et s’excuse (platement) le surlendemain.

Pas de pilote à bord

Des errements qui font dire à de nombreuses sources : « Depuis Bureau, il n’y a pas de vrai patron ». Comme si l’équipe se cherchait un meneur de jeu. « Comme toutes les grandes équipes, il y a des cycles. Il y a eu Platini et Zidane. Pareil pour nous. On cherche toujours le meneur de jeu créateur et fédérateur » analyse un fin connaisseur de la maison.

Fabrice Jouhaud peut-il être celui-ci ? Noël Coueldel, ancien de la maison, devenu conseiller éditorial de Marie-Odile Amaury le pense. Fabrice Jouhaud, ancien rédacteur en chef de la rubrique foot et proche de Jérôme Bureau dont il était d’ailleurs, jusqu’à cet été, l’adjoint à l’information de M6 était également de ceux qui prônaient en 2002 une ligne critique envers l’équipe de France de foot. Il déclarait même en 2004 après son départ du quotidien. « L’équipe ne fait plus de journalisme. Ses journalistes sont des supporters améliorés ». Un sentiment partagé en interne et mis en lumière par les sarcasmes qui accompagnent l’évocation de l’une des dernières campagnes publicitaires du titre qui disait « L’Equipe légende le sport ». « C’est en effet beaucoup trop soft et ne témoigne pas de la volonté de la gagne et du décryptage qui doit être celle d’un titre comme L’Equipe », convient même un membre de la régie publicitaire, Manchette Sports.

Des problèmes rédactionnels et une ligne éditoriale floue qui sont en fait la résultante de choix managériaux étonnants. Et le problème n’est pas récent. Déjà au début des années 2000, Benoit Cambillard de Habeo Conseil avait été appelé à la rescousse pour faire une analyse des compétences dans la maison. Les journalistes le surnommaient alors « doc ». Problème : il pourrait revenir aujourd’hui tant le management du quotidien relève toujours de l’« amateurisme » pour reprendre les termes de l’un des cadres du journal. Nombreux sont les journalistes qui pourraient entonner la célèbre chanson de Renaud « c’est quand qu’on va où ? ».
C’est du moins ce qu’il ressort de tous les témoignages que CB News a pu recueillir. « Nous avons une armée mexicaine de dirigeants et de rédacteurs en chefs, le problème c’est qu’ils ne font rien et sont incapables de prendre une décision », grogne un journaliste. Dans cette entreprise qui se veut une « marque globale » avec un site web et une télévision, il arrive fréquemment qu’une information du quotidien soit à l’AFP avant d’être sur le site…Signe évocateur d’un réel dysfonctionnement. « Nous n’avons plus aucune relation avec le papier depuis 10 mois », indique-t-on à l’Equipe 24/24 qui regroupe télé et web.
« A l’Equipe, il y a des compétences mal exploitées et des gens talentueux qui sont démotivés », souligne un représentant syndical. L’apparition surprise en avril dernier de Marie-Odile Amaury en conférence de rédaction ne démontrait-elle d’ailleurs pas qu’elle avait compris le problème managérial ? Reste à remettre tout le monde en marche et à dresser de nouvelles perspectives. « Des perspectives, oui, mais réfléchies cette fois-ci… », raille un rédacteur en chef, fustigeant l’improvisation qui a présidé à l’annonce du lancement du tabloïd prévu pour l’Euro 2008, puis pour les JO puis finalement repoussé à 2009. Là encore, deux directions managériales se sont opposées. Certains journalistes s’étant portés volontaires pour ne faire que ça pendant deux mois et sortir de manière effective le tabloïd pour l’Euro 2008 ont été reçu par Marie-Odile Amaury et Louis Gillet président de Manchette Sports. Mais de l’autre côté, Michel Dalloni alors directeur des rédactions, a freiné le projet. A ne plus rien y comprendre…Aux dernières nouvelles, une équipe est en place pour travailler sur le projet. Elle est pilotée par Jean-Claude Loriquet et Gilles Simon.

Pour l’avenir, « nous n’avons pas encore défini les objectifs. Nous écoutons tout le monde et nous nous immergeons dans la rédaction, les perspectives viendront après », indique prudent et modeste Fabrice Jouhaud. Un audit interne a été lancé pour recueillir les doléances de tous les collaborateurs. Toutefois, Fabrice Jouhaud rappelle qu’à « L’Equipe tout ne va pas si mal ». En effet, la régie pub totalise un chiffre d’affaires net d’environ 85 millions d’euros sur la marque l’Equipe et l’année 2008 devrait être au même niveau que 2007 qui fut une bonne année. De plus, l’Equipe reste pour les annonceurs et les agences médias un journal de référence. Avec toutefois en ligne de mire la relance des ventes du journal pour redorer son « image de vaisseau amiral » du groupe Amaury, remotiver les troupes et assurer le passage au tabloïd. Avec un souhait exprimé par Fabrice Jouhaud : « Donner du plaisir au lecteur et en prendre le maximum à travailler tous ensemble » …Il a intérêt à être endurant.

David Medioni avec Tanguy Leclerc

Encadré : La Face cachée de l’Equipe révélée

552 pages sur les turpitudes du quotidien, voilà ce qui attend- le 9 octobre prochain - la nouvelle direction du journal. Marie-Odile Amaury et d’autres sont semblent-ils assez effrayés par ce livre. Il y a peut-être de quoi. La dernière « face cachée » en date, celle écrite sur Le Monde a fait des ravages sur les lecteurs et plongé le titre dans une longue crise. L’auteur David Garcia et son éditeur - président des Editions Danger Public - Philippe Moreau, assurent ne pas vouloir faire un « attentat » contre l’Equipe, mais raconter les problèmes posés par son monopole sur l’information sportive. Surtout, le constat de départ est qu’il n’y a jamais eu « d’enquêtes sur L’Equipe, si ce n’est hagiographiques », précise Philippe Moreau. Et d’avancer ensuite certaines thèses du livre : « Il existe une réelle confusion entre l’information et l’organisation du tour de France par le groupe Amaury qui empêche les journalistes de révéler certaines affaires de dopage ; l’affaire Jacquet est le révélateur du monopole sur l’information sportive et de la perte de crédibilité d’une rédaction qui le paye encore aujourd’hui ; ou encore le torpillage du feu concurrent Le Sport paru entre 1987 et 1988 ». Un livre qui risque donc de taper fort sur le quotidien et ce d’autant plus que la grande majorité des témoignages a été faite à visage découvert et que les journalistes qui ont accepté de parler auraient même signé des verbatim de leurs propos. De même, David Garcia s’intéresse au manque « d’esprit critique » des journalistes de l’Equipe par rapport aux sportifs français. Une manière de poser la question de la connivence entre les sportifs et les journalistes qui conduit ces derniers à encenser toujours la performance et à être des supporters avant d’être des journalistes. Le livre paraît le 9 octobre, CB News y reviendra. DM

Demain je reviens vous parler de différents livres à lire !


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