Magazine Culture

4 février 1913/Naissance de Rosa Parks

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours
Invitée du jour : Fabian Gastellier


  

Le 4 février 1913, naissance à Tukegee (Alabama, USA)
de Rosa, Louise McCauley Parks. Rosa_Parks_arrestation
Source


  Fille aînée d’un charpentier et d’une institutrice, Rosa McCauley voit le jour dans le profond Sud américain où la ségrégation raciale fait loi. Les arbres, parfois, ploient sous d’étranges fruits [Source] ; les sinistres pèlerins du Ku Klux Klan enflamment les maisons ; les toilettes, les bancs, les fontaines publiques sont, pour certains, interdits aux Noirs. « Petite, dira Rosa, je croyais que l’eau des fontaines pour les Blancs avait meilleur goût que celle des Noirs. »
  Devenue couturière à Montgomery, Rosa épouse en 1932 Raymond Parks, un barbier engagé dans la lutte pour l’égalité des droits civiques. Il l’encourage à poursuivre des études secondaires, ce qu’elle fait en un temps où seulement sept pour cent des Noirs parviennent à ce niveau.
  La vie quotidienne est rythmée par les transports en commun : ces bus où les quatre premiers rangs sont exclusivement réservés aux Blancs pour une population majoritairement Noire. Ce sont les « lois Jim Crow ».

« Elle s’est assise pour que nous puissions nous lever. »
Révérend Jesse Jackson, le 25 octobre 2005.


   Le 1er décembre 1955 est un jour parmi les jours. Un soir parmi les soirs. Rosa a fini son travail et prend comme d’habitude, vers dix-huit heures, le bus n°2857 de Cleveland avenue. Elle s’assoit juste derrière l’ultime rang pour Blancs, déjà complet. Et là, à cette minute précise, une page de l’histoire américaine va basculer. Lors du troisième arrêt, quand d’autres passagers blancs montent, James Blake, le chauffeur, demande à Rosa de céder son siège. Elle refuse. Tout simplement. Alors que ce n’est pas si simple. Elle ne bouge pas. Elle dit : non. Peut-être même n’a-t-elle pas parlé. « Quand cet homme s’est approché, rappelle-t-elle, avec ce geste de la main vous signifiant de dégager, j’ai senti une force nouvelle, une détermination m’envelopper comme, dans les soirs d’hiver, une couverture vous protège. »
  La police peut venir, plus rien n’est comme avant. Et la police vient. Rosa est accusée de troubles de l’ordre public et de violation des lois ségrégationnistes du code de la ville et condamnée à quinze dollars d’amende.

   Rosa Parks est libérée sous caution. Le jour de son procès, le 5 décembre, aucun Noir ne monte dans un bus, début d’un boycott de 381 jours mené de front par un pasteur inconnu : Martin Luther King. Le mouvement atteint une telle ampleur qu’il paralyse la ville. Le domicile de King est criblé de balles et certaines églises de la communauté afro-américaine, soufflées par des explosions. Mais que peut une arme contre un rêve ? Au bout du rêve de Rosa, une première pierre de victoire : la condamnation par la Cour Suprême des Etats-Unis de la « loi des bus ». Le 13 novembre 1956, la Cour statue effectivement, dénonçant l’illégalité de cette ségrégation, répondant ainsi aux revendications initiées par King :
  ― que les Blancs et les Noirs puissent s’asseoir où ils veulent dans l’autobus ;
  ― que les chauffeurs soient plus courtois à l’égard de toutes les personnes ;
  ― que des chauffeurs noirs soient engagés.

Million_Man_March

D.R. © Ph. David Burnett
Source


  Rosa Parks devient alors une icône de la lutte afro-américaine pour le respect des droits de chacun, marche aux côtés du million de Noirs lors de la « Million Man March » de 1995 à Washington, est décorée de la Médaille d’or du Congrès, plus haute distinction décernée par l’organe législatif américain…
  Le 24 octobre 2005, à 92 ans, Rosa Parks s’éteint à Detroit. Sa dépouille est exposée deux jours durant dans la rotonde du Capitole pour un hommage public, privilège réservé d’habitude aux hommes politiques et aux soldats. Rosa est d’ailleurs, à cette heure, la seule femme à avoir reçu cet honneur.

   « Beaucoup de gens pensent que je n’ai pas voulu me lever parce que j’étais fatiguée, disait-elle, mais c’est faux. Je n’étais pas plus fatiguée, ce jour-là, que je ne l’étais quotidiennement. Je n’étais pas vieille : j’avais 42 ans. Si j’ai été fatiguée de quelque chose, c’est d’avoir trop longtemps obéi. »

Fabian Gastellier
D.R. Texte Fabian Gastellier/Terres de femmes



ROSA PARKS

LIVRES:

- Nimrod, Rosa Parks : non à la discrimination raciale, éditions Actes Sud junior, Collection Ceux qui ont dit non, 2008. ISBN-10 : 2742773851
- Eric Simard, Rosa Parks : la femme qui a changé l’Amérique, éditions Oskar, 2007. ISBN-13 : 978-2350001289

SUR LA TOILE :

- (sur achievement.org) une interview de Rosa Parks (en anglais), 1995 ;
- (sur rosaparks.org) Institut Rosa et Raymond Parks for self development (en anglais). Contient une biographie et de nombreuses photos ;
- (sur YouTube) une vidéo hommage à Rosa Parks (avec notamment la chanson de Pascal Obispo, « Rosa ») ;
- (sur imdb.com) une fiche IMDB sur le film The Rosa Parks Story, réalisé en 2002 par Julie Dash avec Angela Bassett dans le rôle de Rosa ;
- (sur YouTube) une vidéo bande-annonce du film The Rosa Parks Story ;
- (sur YouTube) une vidéo d’une interview de Rosa Parks (en anglais) ;
- (sur You Tube) une vidéo d’Aretha Franklin chantant aux obsèques de Rosa Parks ;
- (sur Terres de femmes) Strange Fruit de Billie Holiday.



PORTRAIT DE FABIAN GASTELLIER

Image, G.AdC


FABIAN GASTELLIER PAR ELLE-MÊME

  Née par hasard, élevée sans certitudes, postée sans accusé de réception au TNP de Vilar-Wilson, elle plonge à quinze ans dans le monde du Rock’n’roll. Quelques confettis plus tard, elle découvre les tourterelles turques de Méréville. Elle mange alors de la pellicule en V.O. chez Henri Langlois puis adhère en post-it au livre d’images de Bob Wilson. Devenue critique de cinéma-théâtre, elle opte pour ce dernier et cause, quinze ans durant, dans le poste de France Inter pour Le Masque et la Plume. Elle balaie alors les travées de divers journaux. Tombée très tôt dans la fosse d’orchestre, elle se rend malencontreusement célèbre pour avoir cité Janis Joplin dans un article sur Beethoven et Abbado. Rendue K.O. par une landmine en terre d’Israël, elle raccroche ses gants de reporter, se met à écrire, et publie un roman L’Hôtel, chez Stock, ainsi qu’une biographie de Mère Angélique Arnauld chez Fayard. Entre « espérer » et « désespérer », elle a hésité, voire flirté. Parce que, à six ans, elle a découvert les Nymphéas de Monet, elle travaille aujourd’hui dans le domaine de l’art moderne et contemporain.

D.R. Texte Fabian Gastellier


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