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Le désastre du cochon shooté à l’ananas

Par Estebe


Amis de la science, bien le bonjour

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Ce matin, vénérables lecteurs, fêtons - si vous le voulez bien - un anniversaire.
Le vendredi 14 mars 1969 , le professeur Nicholas Kurti faisait une communication d’ampleur à la Royal Institution de Londres, devant un parterre sévèrement diplômé. Même la BBC était là. Le chercheur allait taper un grand coup, en démontrant la puissance des enzymes de l’ananas, ou bromélines pour les intimes. Lesquelles ont ceci de dingue qu’elles te dégradent les protéines sans faire de prisonnier. Les protéines donc, dont le collagène, responsable de la dureté des viandes. Devant une assistance haletante, Kurti dégaina une seringue et injecta un jus d’ananas fraîchement extrait dans un rôti de porc. Une moitié de la bête seulement fut shootée. Puis il mit la pièce au four. A l’issue d’une cuisson plus brève que nécessaire, la messe était dite. La partie indemne était rose et coriace, l’autre était «parfaitement cuite», les chairs «presque réduites en purée». Applaudissements.
L’expérience est narrée à la page 102 des «Secrets de la casserole» d’Hervé This, éditions Belin, 2006.

Le dimanche 8 mars 2009, quasi trente ans après jour pour jour, le Dr Slurp refit l’expérience. Dr Slurp, qui entretient une vieille passion à la fois pour la viande de porc et les savants britanniques, dut au préalable régler un certain nombre de problèmes.
D’abord, acquérir un joli carré de côte de porc et un gros ananas de Caraïbes. Assez fastoche.
Puis, aller acheter une seringue à la pharmacie.
_ Bonjour Madame, je voudrais une seringue.
_ Quel type de seringue?
_ Euh… Sais pas
_ C’est pour quoi faire?
_ Pour piquer un cochon.

Long regard dubitatif de la pharmacienne. Silence de mort dans le magasin. Honte sur nous.

Ensuite, il fallut extraire le jus de l’ananas. On imagina alors utiliser un vulgaire presse-fruits, quand un être cher nous fit remarquer que l’ananas n’était pas l’orange. Ben oui. On pela donc et découpa le fruit. On en mixa la chair pour obtenir une pulpe super épaisse, qui fut patiemment filtrée, jusqu’à obtention d’un demi-déci de jus clair. Une heure de taf. Merci Kurti.

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Et après? Rigolade. Shooter un carré de porc, c’est top relaxant. Ploutch, ploutch. La bestiole avait été ointe de curry, piment doux et graines de sésame noir. Elle fut donc amplement pikouzée. Puis expédiée au four une petite heure, d’abord à donf, puis tout doux.
Et alors?
Et alors?
Et alors?

Ah, ah. Désastre absolu. Un waterloo gustatif. Un cauchemar fétide. Voilà même sans doute la chose la plus infecte qui soit entrée dans notre pauvre bouche. Le cœur de la viande, attaqué par le fameux enzyme protéinophage, s’était transformé en une pâte ignoble, une bouillie répugnante, une purée puante. C’est que le goût de l’ananas et celui du cochon, s’ils peuvent éventuellement cohabiter agréablement (quoique…) en faisant chambre à part, s’avèrent totalement gerbatoires une fois accouplés.
D’ailleurs, on écrit ces quelques lignes d’une main tremblante sur notre lit d’hôpital. En sanglotant sur le sort de ce superbe carré de porc. Dans la pièce à côté, les médecins discutent avec animation de notre pronostic vital. Visiblement, c’est pas joué d’avance.
Merci Kurti. Merci la science.
Inutile de nous envoyer une corbeille de fruits exotique si par hasard les choses tournaient mal.

Adios!

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Ce machin est dangeureux

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