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La filière Champagne tranquillisée par la crise

Par Findawine

Associé au luxe, au succès et à l’extravagance, le Champagne est parvenu à se forger une identité mondialement reconnue. Cette réputation est le fruit d’une stratégie parfaitement maîtrisée : une offre strictement réglementée, tant en volume qu’en valeur, un travail marketing innovant et une capacité à s’associer aux mythes contemporains. Winston Churchill avec Pol Roger, la cour impériale russe avec Roederer, James Bond avec Bollinger (au cinéma) et Taittinger (dans les livres). Une stratégie payante puisqu’ au cours des vingt dernières années, les exportations de Champagne ont augmenté de 2% annuellement. Plus récemment, certains marchés se sont développés à un rythme encore plus soutenu. Entre 2002 et 2007, la demande aux Etats-Unis a connu une croissance annuelle de 3,5%, 4,2% pour la Grande Bretagne et 18,2% (!) pour le Japon. Ces performances exceptionnelles permettent aux maisons de champagne d’atteindre des niveaux de rentabilité économique bien au dessus des standards du secteur des vins et spiritueux. Laurent Perrier, par exemple, a atteint 13% en 2007.

La filière Champagne tranquillisée par la crise

Une filière avec d’excellents soutiens…

De tels résultats ne sont pas simplement le fruit d’un management efficient. Derrière les bulles se présente un système politico-économique dominé par le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC), un organisme semi-public œuvrant depuis 1941 à la protection et au soutien de la filière. A travers différentes actions économiques, techniques, environnementales, de progrès qualitatif, d’organisation de la filière, de communication, de développement de la notoriété et de protection de l’appellation partout dans le monde, cette organisation interprofessionnelle a fait du Champagne ce qu’il est aujourd’hui. S’il ne vient pas d’un des 17 terroirs qui constituent la célèbre appellation vous n’aurez qu’un “vin effervescent”, même s’il a été fait avec les mêmes cépages et les mêmes méthodes que les vins de Champagne. Pour ce qui est de passer outre ces pratiques monopolistiques, demandez donc aux producteurs de vins de la commune de Champagne en Suisse ce qu’ils en pensent : impossible. Cette organisation solidaire de la filière pourrait d’ailleurs constituer un élément de réponse pour les producteurs de vins tranquilles qui souhaitent réagir face à la concurrence internationale. Comme tout le monde, même les vignerons champenois sont affectés par la crise, mais ils savent qu’ils peuvent compter sur de solides soutiens pour en ressortir sains et saufs.

…n’empêchent pas le Champagne de subir le ralentissement économique

Au cours des dernières années, la croissance rapide de la demande conjuguée à la hausse des prix des raisins a incité les grandes maisons de Champagne à augmenter leurs tarifs. Laurent Perrier, maison particulièrement représentative de ce schéma, a augmenté ses prix de 5% en moyenne entre 2006 et 2007, et de 9% entre le second et le dernier trimestre 2008. En temps normal, on justifie aisément ces fluctuations en rappelant que le Champagne est un bien soumis à l’effet Giffen, c’est à dire un bien dont la demande augmente lorsque le prix augmente. Malheureusement les temps changent et l’économie avec. Au dernier trimestre 2008, seule Moët et Chandon (Veuve Clicquot, Mercier, Ruinart et Krug) est parvenue à maintenir ses ventes alors que les quatre autres grandes maisons, Rémy (Piper Heidsieck, Charles Heidscieck), Vranken Pommery, Boizel (Lanson) et Laurent Perrier, ont vu la crise de plus près. Cette dernière enregistre d’ailleurs une baisse de 30% de ses ventes par rapport à la même période en 2007. Ces invendus devraient permettre d’exercer une pression à la baisse des prix du Champagne. Une bonne nouvelle donc pour tous ces banquiers déprimés qui pourraient s’en remettre à ce qu’avait jadis dit Napoléon : “Je ne peux vivre sans Champagne, en cas de victoire, je le mérite ; en cas de défaite, j’en ai besoin.” Pas sûr cela dit, que ces âmes en peine choisissent le vin des rois pour oublier les turbulences. Voilà que le Cava, vin effervescent espagnol dont les exportations représentent plus du quart des exportations totales des vins de la péninsule ibérique, s’empare de nombreuses parts de marché autrefois réservées au Champagne. Une affaire à suivre.

Toute aussi inquiétante pour la filière est la crise que traversent actuellement les plus grands consommateurs de Champagne… Non, il ne s’agit pas des nord-américains, ni des britanniques, mais des guadeloupéens (4,25 bouteilles consommées par habitant en 2008) et des martiniquais (3,25 bouteilles par habitant en 2008). A titre de comparaison, la consommation moyenne en France est de 2,33 bouteilles par habitant. Sait-on si Monsieur Elie Domota honora la coutume napoléonienne le 5 mars dernier lors de la “victoire” du LKP  ?


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