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Kocking on heaven's door

Publié le 06 avril 2009 par Vance @Great_Wenceslas

Knocking on heaven's door

Un film de Sam Peckinpah (1973) avec James Coburn, Kris Kristofferson, Bob Dylan & Jason Robards

Kocking on heaven's door
 

Un DVD collector Warner (2006) avec la version inédite de 2005 et le montage Turner de 1988.

Résumé jaquette : Pat Garrett et Billy the Kid, deux amis de longue date, sont désormais ennemis jurés. Tandis que le premier est un repenti qui arbore une étoile de sheriff, le second persiste à enfreindre la loi et à se fixer ses propres règles. Malgré ses avertissements répétés, Pat n’a d’autre choix que d’emprisonner son vieil ami. Mais ce dernier, avec l’aide de complices, parvient à s’échapper, tuant dans sa cavale deux adjoints de Garrett. Une chasse à l’homme implacable va alors commencer...

Une erreur de manipulation m‘a fait visionner la version de 1988. Quand je m’en suis rendu compte, au moment de ranger la précieuse galette dans le boîtier qu’on m’avait obligeamment prêté, j’ai pesté contre mon étourderie : berné par un livret qui cachait le disque 1, c’est donc le DVD de suppléments que j’ai enfourné dans le lecteur. Des suppléments abondants car, outre des commentaires, on a droit à un documentaire souvenir sur Peckinpah (One foot in the groove), une analyse des rapports entre les deux personnages principaux et des chansons originales interprétées par Donnie Fritts et Kris Kristofferson. Malgré la soirée bien avancée et l’heure tardive, aiguillonné par la colère et la curiosité, j’ai même regardé la fin de la version 2005 et constaté, amèrement, que :

-   la durée du film dans son nouveau montage est plus courte (seulement 110 minutes)

-   la qualité de la copie restaurée est bien supérieure (disparus les scratches, griffures et taches qui apparaissaient sur le ciel bleu de la version précédente)

-   la fin est différente.

De quoi attiser encore le regret et la honte.

Pourtant, il n’y a vraiment pas de quoi. Car même dans le montage de 1988, il s’agit d’un vrai grand morceau de légende, une incontestable réussite affichant un désenchantement salvateur au travers d’un regard sur ce genre aussi amer que lucide. Visionné quelques jours après Mon nom est Personne (qui cite ouvertement le réalisateur de la Horde sauvage), le film se pose comme un chant du cygne parallèle du western : deux hommes, unis par d’inexplicables liens, l’un vieillissant, à l’image d’un pays fatigué, usé par les vagues de colons, l’autre encore jeune, symbolisant l’énergie du renouveau à l’approche du nouveau siècle… Chez Peckinpah, ce qui frappe en revanche, c’est avant tout cette vision acerbe, cette violence qui se déchaîne au ralenti et en gros plans alors qu’il manie la profondeur de champ avec une maestria indiscutable (la façon dont il compose ses plans de groupe en intérieur comme en extérieur est révélatrice d’une volonté d’exposer bien différente de celle d’un Sergio Leone, par exemple), ces dialogues au cordeau qui font appel à tout ce que le spectateur connaît de l’univers codifié du Far-West (énormément de références à des villages ou à des noms qui résonnent chez tout amateur du genre) mais aussi ces séquences apaisées, tranquilles, presque paradoxales, où le réalisateur dévoile une vraie sensibilité graphique (Billy à cheval, le soir, sous un clair de lune illuminant son reflet dans l’eau sombre – tout simplement sublime) voire une poésie tragico-lyrique (une femme qui pleure son homme de sheriff, touché plusieurs fois alors qu’ils venaient de débusquer Black Harris).

Le film est long, prend son temps pour nous donner à voir un homme effectuant sa tâche plus qu’à contrecœur, et qui ne parvient pas à cacher une certaine tendresse (mieux : une admiration) pour le Kid : Garrett a dû refouler ses ambitions car, avec la vieillesse, le sentiment de sécurité se faisait plus pressant. Il répète à loisir qu’il ne cherche désormais plus qu’à se retirer riche et heureux dans une petite ferme, loin du bruit et de la fureur, des règlements de comptes et des duels au soleil. Au diable les principes, les revendications de liberté et d’insouciance. Il s’est mis à la solde d’un gouverneur lui-même soumis à la pression financière des cattlemen, ces éleveurs qui font et défont la loi et qu’on avait déjà appris à détester dans Open Range (plus tardif, mais tout aussi brutal et désenchanté). Il a accepté de représenter l’ordre, bafouant ses instincts et oubliant son passé – ou tentant de le faire. Le Kid, lui, s’y refuse. Et Garrett ne parvient pas à l’en blâmer, au contraire. A le voir dans sa quête, refusant l’aide qu’on lui apporte, on croirait presque qu’il la désire sans fin : il ne se presse pas, tout en sentant que, inexorablement, l’heure approche. Il sait qu’un jour ou l’autre, il sera face à Billy, et il préfère que ce soit lui plutôt que cet autre, directement envoyé par « l’honorable » Chisum et le gouverneur. Il n’a aucun remords lorsqu’il s’agit d’abattre ou de faire parler les complices du Kid, mais au dernier moment, alors qu’il le tient, que sa proie est à portée, il le laisse profiter de quelques instants de bonheur.

Porté par des comédiens au diapason et par quelques notes fredonnées par un Bob Dylan qui interprète un jeune aventurier ébloui par la fougue et l’allant de Billy, le film est un indispensable testament cinématographique, le témoignage d’une époque révolue où les bons n’étaient pas forcément du côté de la loi.

A noter donc que, si le film commence pareillement, avec ce guet-apens tendu à un Pat Garrett grisonnant, il s’achève sur ces mêmes images, bouclant la boucle un peu trop ostensiblement. La version de 2005, sans doute plus dense, lui préfère la séquence précédente, où Garrett, une fois son devoir accompli, s’éloignait le cœur lourd sur son cheval, sous un ciel rosissant des lueurs de l’aube et les cailloux lancés par un garçon revanchard.

Merci encore à Rémy et ses parents pour le prêt.


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