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104ème semaine de Sarkofrance: une France glamour, vulgaire et sourde

Publié le 02 mai 2009 par Juan

104ème semaine de Sarkofrance: une France glamour, vulgaire et sourde
La semaine a pu paraître calme. On s'inquiétait d'une pandémie de grippe (porcine, puis mexicaine). Lundi et mardi, Sarkozy était en Espagne, épouse comprise. La presse nous gratifia de photos et reportages dignes d'une monarchie bananière des années 1960. Mercredi, la loi Hadopi revenait à l'Assemblée Nationale, et jeudi Eric Besson s'empêtrait dans ses fausses réponses à l'encontre du projet de loi socialiste contre le "délit de solidarité". Un peu de "Bling-Bling", un zest d'immigration, beaucoup de vulgarité et de faux débats, la Sarkozie toute entière fut résumée en quelques jours.
Glamour latin
La couverture de Paris Match mercredi 29 avril, qui relatait le déplacement des Sarkoy en Espagne, valait le détour : Carla Bruni-Sarkozy à côté de Letizia Ortiz, une photo sortie tout droit des années 1960. Les commentaires sur le voyage présidentiel portèrent davantage sur les courbes "galbées" de Carla et de Letizia, leurs tenues, leurs bijoux, que sur le fond des divergences franco-espagnoles. Comment s'en étonner ? L'Elysée avait choisi les 21 journalistes français accrédités, dont ... 15 photographes et 2 journalistes "people". Un beau dispositif médiatique pour couvrir l'évènement glamour. On a pu éviter de comparer les réponses respectives des deux pays à la crise. L'Espagne de Zapatero n'a pas attendu la faillite de Lehman Brothers pour réagir. Comme en France, le ralentissement économique a démarré plus tôt. Mais a contrario, dès le mois d'août, Zapatero lançait un premier plan de relance de 18 milliards d'euros, principalement en baisses d'impôts. En décembre, une seconde tranche visait le bâtiment et les transports. Au total, quelques 29 milliards d'euros ont été engagés. Il est vrai que l'Espagne disposait d'une situation financière bien plus solide que son voisin : un excédent budgétaire jusqu'en 2007 (contre un déficit annuel de 50 milliards d'euros en moyenne depuis 2002 en France), et une dette publique bien plus modeste (40% du PIB, contre 68% en France !). Autre sujet, l'immigration a été motif de débat et controverses entre les deux voisins. En 2007, Nicolas Sarkozy et ses proches critiquaient pourtant à l'envie les régularisations massives d'immigrés clandestins réalisées en Espagne en 2005-2006, ce qui agaça le gouvernement espagnol. Ce dernier refusa le projet français de son "contrat d'intégration", qui prévoyait d'obliger les immigrés à connaître la langue de leur pays d'accueil et à en adopter les valeurs. Un partout, la balle au centre.
Une présidence vulgaire
En Espagne, Carla Bruni a rempli son rôle. Sa beauté et son élégance contribuent à cacher la vulgarité croissante de la présidence française. Il s'en est fallu de peu pour que Nicolas Sarkozy n'embrasse José-Luis Zapatero. Il fallait effacer la polémique de la semaine précédente. Les suppôts de la Sarkozie se sont efforcés de faire passer Ségolène Royal pour folle. Pourtant, il n'y a qu'à voyager un peu pour prendre la mesure de la "stature" de notre monarque à l'étranger. Toute la presse étrangère le décrit comme un chef d'Etat agité, narcissique et grossier. En près de 2 ans de présidence, Nicolas Sarkozy a popularisé la vulgarité aux sommets de l'Etat: ses proches usent de violence verbales inouïes; le président ne peut s'empêcher de se moquer, quand lui-même ne supporte pas la dérision à son encontre; ses ministres stigmatisent et caricaturent l'opposition. Le sarkozysme est avant tout une pratique clivante, violente et grossière du débat politique.
Frédéric Lefebvre est un bel exemple de la vulgarité ambiante. A forces d'insultes contre Ségolène Royal ("ça se soigne"), un élu Corse ("à la limite du terrorisme"), Elie Domota (un "tonton-macoute"), les associations d'aide aux sans-papiers ("elles incitent à la violence"), Olivier Besancenot ("la vitrine légale des casseurs"), le député-suppléant se retrouve bouc-émissaire de la contestation en Sarkofrance. Son attitude, ses activités de lobbying, son parcours à l'ombre de Nicolas Sarkozy ont de quoi attirer les curieux. Le voici qui s'inquiétait, mercredi, d'une nouvelle cellule de veille et de réponse créée par le Mouvement des Jeunes Socialistes contre ... lui-même : oeil pour oeil, dent pour dent ?
L'échec européen
Le président se préoccupe aussi, et surtout, de ses élections, et de la sienne en particulier. Les sondages d'impopularité sont légions, même si l'UMP sauve les meubles pour le prochain scrutin européen : si les prévisions sont correctes, plus de 70% des suffrages ne seront pas pour elle le 7 juin prochain ! Il est beau, le parti majoritaire, après une présidence française de l'Union Européenne ! Lundi soir, François Fillon a animé le meeting Umpiste qui lançait la campagne: "Avec le président de la République, je vous demande de porter l'idéal européen" a-t-il lancé. D'ailleurs, l'UMP semble avoir choisi de défendre le bilan de son président: Sarkozy est la tête de gondole de l'UMP pour les élections européennes: "Quand l'Europe veut, l'Europe peut." Il animera un meeting électoral le 5 mai prochain. Daniel Cohn-Bendit lui réclame un débat puisque le chef de l'Etat se pose ainsi en pole-position.
Il faudra donc rappeler les faits: pendant la présidence française de l'Union européenne, Sarkozy a été atone, maladroit et suiveur. Il a réussi à être d'une incroyable maladresse lors des JO de Pékin. Alors que la quasi-totalité des dirigeants de L'UE boycottait les cérémonies chinoises, quelques semaines après une terrible répression au Tibet, Sarkozy s'est affiché souriant sur les tribunes olympiques. Mi-août, quand la Russie envahit partiellement l'imprudente Géorgie, il fait croire qu'il est parvenu à un cessez-le-feu en 48 heures. On découvre qu'il avait en fait céder aux exigences russes. En septembre, quand les Bourses s'effondrent, Sarkozy reste sans réaction, paralysé pendant 10 longs jours. La France a été la plus tardive à réagir parmi les grands pays de l'UE. Elle réussit aussi à être la moins-disante en matière de relance : en août, l'Espagne avait déjà annoncé un premier plan de relance. En septembre, Gordon Brown a initié le plan de sauvetage bancaire. Quant à la tenue du G20 à Londres début avril, ce fut une belle opération de tartufferie : aucune relance concertée, une liste de paradis fiscaux réduite à zéro (tiens, ils ont tous disparu en 48 heures !) et aucune nouvelle régulation du système financier international.
Qui dit mieux ?
Chômeur... le dimanche aussi
Le jour même où le Figaro célébrait la "sérénité" du Président, les derniers chiffres du chômage tombaient : 2,4 millions de demandeurs d'emplois de catégorie A, la nouvelle catégorie comptabilisant les personnes n'ayant pas travaillé du tout au cours du mois et recherchant tout type de travail. Sur un an, les licenciements économiques ont crû de 46%, le chômage des jeunes de moins de 25 ans de 36%; le nombre d'offres d'emploi collectées a chuté de 23,8%. Jeudi 30 avril, le secrétaire au Chômage, Laurent Wauquiez, expliquait sur RMC qu'il "comprenait" toutes les difficultés des agents du pôle emploi, comme celles des chômeurs. Un exercice de compassion habituel pour masquer l'absence de réponses. La fusion des Assedic avec l'ANPE, pour créer le pôle emploi, a été mise en oeuvre précipitamment, au beau milieu d'une flambée du chômage, et sans renforts d'agents. Résultat ? Un pôle emploi "au bord de la crise de nerfs", rapportait Le Monde mardi dernier. "Article à charge" rétorque Wauquiez.
Son ministre de tutelle défendait, le même jour, le projet d'extension du travail dominical. Brice Hortefeux a précisé: "Notre objectif n'est ni d'imposer, ni de généraliser le travail du dimanche: le principe de base est et doit rester celui du repos dominical". Sa proposition est effectivement très restreinte : comme nous le rappelions en décembre dernier, la promesse de Nicolas Sarkozy ne sera pas tenue. Ce dernier, qui travaille rarement le dimanche lui-même, a usé et abusé du fameux exemple des ouvertures de magasins sur les Champs Elysées à Paris. Le projet de loi envisagé ne vise finalement qu'à sécuriser les dérogations existantes. Mais les critiques virulentes des syndicats et de certains socialistes laissent croire que cette réforme est une cassure du code du travail. A peu de frais, Nicolas Sarkozy se paye le bénéfice politique d'une réforme sans la faire !
Chasse aux bénévoles
Le masque tombe, mais le dialogue de sourds perdure. Mardi 28 avril, un bébé de 4 mois s'est retrouvé incarcéré dans un Centre de Rétention. On rafle toujours les enfants en Sarkofrance. Eric Besson préfère publier sur son site deux longues réponses sur le "délit de solidarité" et la liste de 32 condamnations publiée il y a 15 jours par le GISTI. Il confirme ce que les associations et l'opposition dénoncent : le gouvernement entend bien poursuivre, décourager et condamner les bénévoles d'organismes humanitaires. Seules sont autorisées les aides ponctuelles, non organisées, non préméditées, sans but lucratif et en faveur de sans-papier en situation de danger. Fichtre ! RESF et France Terre d'Asile n'ont qu'à bien se tenir... Besson a multiplié les interventions, jeudi 30 avril, contre la proposition de loi socialiste étudiée à l'Assemblée Nationale. Cette dernière était pourtant simple : elle dépénalisait l’aide au séjour, "sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux", qui vise à "préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger". et exonère de poursuites les associations et établissements agréés par l'Etat. Sur France Info, Rue89 ou Libération, le ministre a répété ses arguments : ce projet nuira à l'efficacité des forces de l'ordre contre les passeurs. Tous les arguments sont bons pour défendre le harcèlement et les rafles: les bénévoles arrêtés, mentionnés dans la liste du GISTI, seraient coupables de préméditation (sans doute), de trafic, voir de viols. Rien que ça ! Dans ses réponses, le ministre commet l'impair de dévoiler l'inefficacité de sa politique: on a ainsi appris que seuls 1 175 employeurs ont été poursuivis pour travail clandestin en 2008... Bravo !
Les nouveaux patrons de la santé
Cette semaine, le débat public s'est aussi durci sur le projet de loi de Roselyne Bachelot relatif aux hopitaux, dont l'examen débutait au Sénat. Ce projet est assez symbolique. Alors que la crise démonte jour après jour la légitimité des dirigeants tous-puissants, voici une nouvelle réforme qui transforme les directeurs d'hôpitaux en patrons véritables de leur CHU. N'est-ce pas anachronique ? On critique ces dirigeants qui n'assument pas, qui s'augmentent sans contrôle, bonifient leurs émoluments de parachutes et retraites dorées, rognent sur les indemnités de licenciement de leurs employés. Et voici une ministre, aidée par son président, qui nous explique que les pouvoirs du directeur d'hopital doivent être renforcés et concentrés: "le directeur pourra gérer ses équipes et ses moyens comme il l’entend. Il sera évalué sur ses résultats en matière de qualité de soins". Par qui ? Par le Conseil des ministres qui le nomme, et l'agence régionale de santé nouvellement créée, un "machin" jacobin également piloté par l'Etat via les préfets. Centralisation des pouvoir et libéralisme économique sont les deux mamelles idéologiques du sarkozysme. La santé est un business. Les patients sont des "consommateurs de soins". La santé doit être rentable. Malgré la contestation, du Conseil de l'Ordre aux médecins, des infirmières aux patients, la ministre ne bronche pas. Même Philippe Douste-Blazy s'en est ému vendredi. Pour casser le front des opposants, les sénateurs et le gouvernement sont convenus d'augmenter l'influence des médecins lors du choix des chefs de pôle dans les hôpitaux publics.
Voici donc la Sarkozie: un peu de glamour à l'étranger pour faire oublier la vulgarité ambiante, un entêtement sur des réformes contredites par la réalité, et un dialogue de sourds systématique.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?


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