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Emotion

Par Anne Onyme

Travailler à Sala Baï, tous les volontaires vous le diront, est une expérience unique. Pour mille raisons, pour 100 raisons, les élèves.

Le premier jour vous les voyez arriver timide, mal fagoté, ne sachant pas bien où regarder, quoi faire de leur bras.

Ils ont mis probablement les plus beaux habits qu'ils ont trouvé, qu'un voisin leur a donné. Les parents ont souvent cassés la tirelire pour acheter des chaussures neuves comme cette élève de Restaurant dont les parents ont acheté des tongs en fourrure, en saison des pluies, elles ont tenues 2 jours.

Ils sont intimidés, mais nous aussi, 100 élèves qui attendent tout de vous. Chaque professeur a une grande responsabilité, ils vont transmettre, corriger, être le référant mais parfois aussi la grande soeur ou le grand frère.

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Seules têtes connues, les travailleurs sociaux, reconnaissables car ils ont les plus beaux sourires de l'école. Ils ont parcouru des kilomètres pendant 3 mois pour visiter chaque famille, et oui à Sala Bai le processus de recrutement est long, il dure 6 mois, 4 étapes majeures, postuler, visite de famille, examen et en dernier l'entretien de motivation.

Les élèves vont nous accueillir tous les matins pendant 1 an, avec de grand, beau et authentique sourire. Avec des Good Morning Anne, Do you sleep well last night ? Et depuis peu, car les cours de français viennent seulement de commencer par des Bonjour Anne, Ca va (jeu de mot en khmer, veut dire que tu as beaucoup d'amoureux)

Vous reconnaissez leur sourire, leur regard, le son de leur voix. Et même si vous ne voulez pas vous attacher, vous êtes là pour faire un travail, être professionnel, transmettre, permettre que votre expérience serve au projet, vous ne pouvez rester insensible.

Vous le réalisez très vite car chaque matin, de les voir aligner, chanter l'hymne, lever la tête pour suivre la montée du drapeau, ce moment, c'est votre adrénaline, vous vous levez le matin pour eux, pour être là, auprès d'eux.

Et puis ensuite, viennent leur premier progrès, et vous avez un sourire idiot et béa d'admiration.

L'émotion monte, lorsque pour la première fois, vous allez déjeuner, diner ou boire un verre dans un lieu oú l'un d'entre eux fait son stage.

Une tenue impeccable, de la rigueur et ils vous voient, ils vous acceuillent avec un sourire de 77 dents, un good evening Anne ou un good afternoon comme si vous êtiez la seule personne qui pouvaient les sauver de l'angoisse permanente qu'ils ont en stage.

Et puis vous apprenez une mauvaise nouvelle pour l'un ou l'autre et les larmes perlent dans vos yeux.

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Vous comprenez définitivement le jour où après quelques maladresses de comportement en stage dans l'un des grands hôtels de la ville, vous êtes très en colère contre un élève, pas lui, pas ça, pas maintenant, à un mois des examens. Il se fait virer de son stage, il perd tout, pas d'examen, pas de diplôme, pas de certificat, 10 mois à la poubelle.

Oui, vous êtes fâchée, vous ne voulez pas que tout s'écroule pour lui, vous voulez trouver les mots pour qu'ils grandissent et comprennent immédiatement. Vous êtes dans l'explication mais fermement.

Vous organisez avec un travailleur social, un rendez-vous avec son supérieur. Fachée n'est pas le mot, vous le réalisez, vous ne voulez pas qu'il perde tout. Alors vous allez aussi "remettre les pendules à l'heure" sur les conséquences d'arrêter le stage de cet élève pour un chapeau, la lecture d'un livre. Vous allez le défendre, le protéger mais en restant ferme sur le non professionnalisme de son acte.

Des excuses plus tard, un retour en stage et les jours passent.

L'élève vient vous voir avec un cadeau, pour dire merci, pour que vous ne soyez plus fachée, pour vous montrer qu'il a compris, qu'il changera sa vie, qu'il fera son chemin

Un mot et un livre

Et voilà c'est fini, jamais plus l'émotion ne vous quittera, les élèves de Sala Baï font partis de vous.

Je commence à penser à la fin d'année, ils vont partir, grandir, travailler mais ils seront dans mon coeur, chacune et chacun d'entre eux.

Le volontariat est un travail et aujourd'hui les ONG ont besoin de compétences et pas de dilettantes mais jamais mon travail ne m'avait apporté autant d'émotion.

J'ai toujours envie que le monde change, que l'on pense et agisse différemment.

Je ne comprends pas pourquoi il est si difficile de devenir citoyen et de voir plus loin que son confort, son intérêt, son bien être, sa petite personne

J'ai toujours autant de caractère et je ne changerai plus (je ne le veux pas)

Les élèves m'ont donné quelques choses en plus, qui me suivra à jamais

Bon week-end

AnneE


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