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« Racket » à la parole dans les Musées Français...

Publié le 06 juillet 2009 par Philippejandrok
Plus on avance en démocratie, moins on a de droits, et plus on a de devoirs.
Il était une fois une terre des libertés que l’on appelait France, une terre dont on a gardé la mémoire, mais qui a bien changée.
Dans l’émission Capital sur M6, nous avons découvert hier soir une suite d’énormités qui ferait pâlir de dégoût les pères de notre démocratie, tant dans le domaine culturel, que dans celui de la création d’entreprises.
Je pense d’ailleurs que nous devons être l’un des seuls pays au monde où il est si difficile et si pénible de débuter une activité commerciale. L’Amérique est critiquable sur de nombreux points, mais certainement pas sur la liberté d’entreprendre. Nous avons encore beaucoup à apprendre de l’Oncle Sam !
Ce qui m’a le plus interloqué, ce sont les musées ; ces hauts lieux de la culture universelle, réservés à la propagation de la connaissance artistique, sous toutes ses formes.
Jadis, on allait au musée pour y faire ses humanités, pour copier sur le motif, pour apprendre à comprendre notre histoire, celle des autres, le style d’un artiste, la beauté d’une œuvre…
On y allait, accompagné d’un maître d’école amoureux des arts, on y allait seul, ou en groupe, accompagné d’un amateur averti, passionné de beauté et de culture qui ne ménageait pas plus ses explications, que sa passion.
Aujourd’hui, si vous souhaitez faire partager cette connaissance à un groupe d’amis, c’est désormais impossible sans avoir acquitté une Taxe imposée, 30 euros par groupe et par visite pour avoir le droit à la parole, et pour simplement décrire un tableau ou une sculpture.
On doit payer pour donner de sa matière grise ; dans ce cas, on devrait obtenir un étalon or de la matière grise pour évaluer la valeur de chacun et fixer des tarifs :
- Celui-là a tant de matière grise, il devrait être payé 100 euros de l’heure.
- Et celui-ci ?

- Hum ! Non, celui-ci laissons-le aux enfants, sa matière grise sent la mollesse, allez, 30 euros de l’heure.
- Mais, s’il ne fait qu’une heure au musée, il ne gagnera rien…
- D’accord, 35 euros de l’heure, 5 euros, c’est mieux que rien !

C’est un peu le scénario qui guette ceux qui ont fait les grandes écoles et les moins grandes, car, on juge sur la formation et l’établissement, au lieu de juger sur l’individu lui-même.
Cet élitisme est non seulement idiot, mais il est pratiqué par les mêmes, de génération en génération. J’ai connu et fréquenté, par la force des choses des directeurs d’unité à la TV, qui étaient sortis d’une grande école, ils se cooptaient eux-mêmes, entre copains de telle ou de telle promotion :
- Ha ! T’es de la 69 ?
- Moi, je suis de la 72…

Une bonne tape dans le dos
- Tiens j’ai un poste de directeur si tu veux…
- De quoi ?
- Oh ! Dans une unité cinéma.
- Mais, je n’y connais rien…
- Ne t’inquiète pas, j’ai la nièce du directeur des Docu, qui ne s’y connaît pas d’avantage et qui  a l'air d'un cheval, mais qui sera tenue pour responsable en cas d’erreur, tu ne risques rien, mon vieux.
- C’est bien payé ?
  - 5000 euros, ça va !
- Oui, pour commencer…

Pardonnez-moi de vous avouer, qu’il s’agit encore de parfaits imbéciles, incompétents, grossiers, arrogants, persuadés d’avoir la science infuse, et qui faisaient travailler les autres à leur place, tout en s’accordant leur mérite, lorsqu’ils en avaient.
Ces gens des grandes écoles se pistonnent mutuellement et s’installent dans un confort à vomir, avec tous les avantages d’un roitelet à qui l’on ne refuse rien.
Et dire que j’ai un de ces individus dans la famille, il est d’un triste, d’une fourberie, un vrai "faux-cul", le genre d’ami sur la tombe duquel on aimerait bien cracher et planter des oignons !
Mais le pire, c’est que ce type d’individus ne vous tendront jamais la main, si vous n’êtes pas du sérail et qu’en plus, ils sont avares en tout !
Il nous a téléphoné un jour qu’il s’était imposé chez nous avec sa sorcière de femme, parce qu’il avait oublié une chaussette, et nous avons dû la prendre à la pince à épiler et la glisser dans une enveloppe pour la lui renvoyer par la poste direction Paris.   Heureusement que son épouse n’avait pas oublié son string et lui son slip Léopard… Plus nul que ça, tu meurs, mais ces gens-là occupent des postes à responsabilité, que voulez-vous, ils ont fait les grandes écoles, certes, mais pas celle du mérite.
Pour en revenir aux musées Français, je croyais naïvement que le savoir était à tout le monde, mais, je me trompais, il faut être habilité pour savoir et connaître, et payer pour oser enrichir et ouvrir l’esprit de nos contemporains.
Nos législateurs issus des grandes écoles ont inventé une quantité de barrières pour limiter l’érudition populaire, pour empêcher la libération du savoir et pour la réserver exclusivement aux personnes attitrées.
Je m’explique, pendant dix ans, j’ai fait du bénévolat pour l’Éducation Nationale, en accompagnant chaque année une école en Italie, je faisais le guide, au regard de ma formation spécifique dans le domaine de l’histoire, la théorie et la pratique des arts. J’expliquai peinture et sculptures, temples et églises, en développant une pédagogie spécifique afin de permettre à ces enfants des campagnes de comprendre les beautés de l’art italien.
Lors d’un voyage à Rome, les organisateurs me dirent  :
- Ne te vexe pas, nous avons fait appel à un guide professionnel, tu pourras te reposer aujourd’hui pour la visite du musée du Vatican.
- Mais au contraire, je suis ravis, je pourrais enfin apprécier le musée, sans avoir à courir d’une pièce à l’autre pour expliquer ceci ou cela aux gamins.
En arrivant à la salle IV de la Pinacothèque du Vatican, nous regardions avec admiration les fragments de fresques de Melozzo da Forlì, élève de Piero della Francesca et plus particulièrement,  « Un ange jouant du luth » dans une technique exceptionnelle de perspective originale pour l’époque et issu d’une série de 14 fragments représentant les Apôtres et des Anges musiciens. L’ensemble faisait anciennement partie de l'abside de la Basilique des Saints Apôtres à Rome.
La guide professionnelle fit grand cas de ces pièces magnifiques et nous l’écoutions sagement. Puis, elle se mit à décrire la technique, en nous expliquant bien que la fresque était une technique à l’huile… Gloups !
- Une technique à l’huile ????
À la fin de la visite, j’allai la trouver pour m’assurer de ce que j’avais cru entendre et elle me confirma bien que la fresque était bien une technique à l’huile. Je m’autorisai à lui dire que l’une des rare fois dans l’histoire de la peinture Italienne où un hurluberlu avait tenté cette technique sur un mur, c’était un certain Léonard originaire de la petite ville de Vinci en Toscane, pour le réfectoire du couvent des dominicains de Santa Maria delle Grazie, à Milan. Une fresque qui n’a de cesse de se dégrader depuis sa création, car, en effet, il y a parfaite incompatibilité entre la peinture à l’huile, la détrempe et la fresque. La peinture à l’huile n’est à l’aise que sur une toile de Lin et sur un panneau de bois, c’est bien connu, sauf par cette femme de toute évidence.
Tout compte fait, la guide professionnelle ne supportait pas la contradiction et elle tint bon comme un pitbull à son os, et ma collègue et moi, qui étions plasticiens, et qui connaissions la pratique de la peinture, savions que, de tout évidence, elle ne connaissait pas son métier. Mais, nous avons eu la courtoisie de la laisser croire à son ignorance, et pour sa visite, elle a été grassement payée pour ses « excellents » services. Un bon coup de pied dans le derrière et une retour sur les bancs de la fac, lui auraient fait le plus grand bien.
Dès lors, nous n’avons plus jamais fait appel à un guide professionnel, et ce rôle me fut échu, 10 années consécutives de bénévolat. Quand je pense à ce que j’aurais pu gagner, si cette école avait été moins mufle, si les profs organisateurs avaient été moins radins, mais enfin, c’est le passé, et que ne ferions nous pas pour permettre aux enfants d’apprendre et de comprendre les beautés de ce monde.
Notez que je ne remets pas en question la compétence des historiens de l’art Italiens qui sont en règle générale, excellents, mais cette guide avait peut-être obtenu son titre par relations plus que par une véritable assiduité universitaire.
À l’époque, nul ne nous a jamais rien demandé lorsque nous faisions nos explications en Italie, or, il semblerait qu’en France, la chose soit désormais impossible sans acquitter la « dîme », l’impôt réactionnaire et autoritaire.
Il ne suffit pas de payer l’entrée du musée, il faut également payer le droit à expliquer à ceux qui en savent moins, si l’on souhaite ouvrir l’esprit des élèves, étudiants et amis.
La vénalité corrompt tout !
Je crois que le profit, supplante aujourd’hui toutes les règles élémentaires de la démocratie et de l’égalité des chances à accéder au savoir.
En revanche, en Belgique, les Musées sont gratuits, en Angleterre également, mais pas en France ou la culture est réservée à une élite et je ne crois pas que cela soit le vœu pieu d’un Dominique Vivant Denon, ou même de Napoléon qui avait trop d’orgueil pour croire qu’il fallait faire payer un droit d’entrée au peuple pour admirer le résultat des pillages de ses conquêtes.
Depuis quelques années déjà, l’entrée dans les musées est prohibitive, ce n’est pas un ZOO, où il est nécessaire d’entretenir les animaux, et qui a besoin de financements conséquents, les toiles abîmées sont restaurées et une fois la restauration exécutée, elles sont comme neuves et ne bougent plus pendant des dizaines d’années. Alors, pourquoi faire de la culture une zone d’échange financier, où le marketing prend la place de la culture ?
La culture est un patrimoine universel qui devrait être accessible à tous, et on le voit bien lors de la « Soirée des musées », qui voit une foule de curieux et de passionnés se ruer dans les musées gratuitement.
Alors, cette histoire de « racket » à la parole, moi, cela m’a coupé le sifflet.
Nous vivons une époque formidable…

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