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Harry Potter et le prince du s’emmêler les crayons pour écrire un scénario qui tienne la route…
Publié le 26 juillet 2009 par BoustouneLe charme des romans de la saga « Harry Potter » venait du subtil alliage entre un récit fantastique qui se densifiait d’épisode en épisode, préparation d’un affrontement attendu entre forces du Bien et du Mal, et la chronique de la vie scolaire d’une bande de collégiens ordinaires, malgré leurs dons pour la magie.
En prenant le parti de faire de chaque tome le récit d’une année scolaire complète à Poudlard, l’école des sorciers, J.K.Rowling a accompagné ses héros de l’enfance jusqu’au passage à l’âge adulte… et à la perte de l’innocence qui l’accompagne, ce qui lui a permis de faire évoluer son récit vers davantage de noirceur. Le fait que ses premiers lecteurs avaient à peu près l’âge des jeunes héros lors de la publication du premier volume, et aient évolué sensiblement au même rythme que les parutions des sept volets de la saga a contribué à instaurer une certaine complicité avec les personnages, une empathie avec Harry et ses camarades de classe.
Le principe s’applique aussi aux adaptations cinématographiques que la Warner a mises en chantier depuis 1994. Le rythme de sortie des films, en gros un épisode tous les ans et demi, s’apparente à celui de la publication des romans et a permis d’instaurer la même complicité entre le public et les personnages. Harry Potter, Ron, Hermione, le professeur Dumbledore Severus Rogue ou Voldemort (glups, j’ai prononcé son nom…) sont désormais des noms familiers pour les cinéphiles qui suivent avec plaisir le développement de la saga sur grand écran. Les films fonctionnent aussi bien que les livres, tant au niveau du rythme que de l’identification des spectateurs aux héros.
Seule différence, mais de taille, la durée d’un long-métrage, même étirée à 2h30 ou 3 h, ne permet pas de restituer toute la richesse et les détails de l’œuvre littéraire. Pour chaque épisode il a donc fallu procéder à des coupes drastiques dans le matériau original, notamment au niveau des intrigues secondaires et des éléments participant à l’ambiance générale.
Mais, même si les films perdent un peu du charme de leurs équivalents littéraires, il faut bien reconnaître que le scénariste Steve Kloves a su préserver l’équilibre fragile entre les différentes voies narratives, les scènes d’actions et les effets spéciaux ne prenant jamais le pas sur les passages plus intimistes et les scènes de la vie quotidienne au sein de Poudlard, bien au contraire. Sous l’impulsion du cinéaste Alfonso Cuaron, le troisième opus, Harry Potter & le prisonnier d’Azkaban, donnait même une autre dimension à la série, en lui conférant une approche plus adulte, plus noire, et en lui offrant un traitement visuel innovant. Sans être du même calibre, la quatrième aventure du jeune sorcier, Harry Potter & la coupe de feu, continuait toutefois sur les mêmes bases et s’avérait suffisamment stimulant pour que l’on attende avec impatience la suite de l’affrontement entre Harry et l’armée des ombres levée par Voldemort (ah, mince, je l’ai encore dit…)
Et puis patatras ! Steve Kloves a fait une pause pour se consacrer à des projets personnels. Il a laissé à Michael Goldenberg le soin d’écrire le script du cinquième épisode, Harry Potter & l’ordre du phénix. Mauvaise idée. Car non seulement le film est nettement inférieur aux épisodes précédents, mais sa construction bancale plombe de surcroît l’épisode qui nous intéresse aujourd’hui, Harry Potter & le prince de sang-mêlé.
Goldenberg n’a pas su faire le tri parmi toutes les informations apportées par le bouquin de J.K.Rowling. Il a sacrifié toute la partie consacrée à l’évolution des jeunes héros et s’est malheureusement focalisé sur des détails secondaires qui n’apportent rien à l’intrigue. A sa décharge, le roman était loin d’être simple à adapter. Moins riche en action et en mystère, il pose les bases de l’affrontement entre l’ordre du phénix et les mangemorts du Seigneur des ténèbres, et s’avère très « politique ». Goldenberg a su assurer l’essentiel, en livrant au spectateur toutes les informations dont il aura besoin pour comprendre les enjeux des épisodes suivants. Mais il a aussi rompu l’équilibre existant entre les différentes composantes de l’œuvre et a perdu un peu du côté sombre des œuvres précédentes.
Du coup, pour son retour au scénario, Steve Kloves s’est retrouvé avec un sacré problème à résoudre. D’une part, il lui fallait réparer un peu les dégâts en rétablissant l’équilibre entre les enjeux politiques, la progression de l’intrigue principale et ses rebondissements, l’évolution des personnages et l’action. Et d’autre part, il lui fallait composer avec ce qui constitue, plus que le cinquième opus, le véritable épisode de transition de la saga, un roman lui aussi avare en action et plein de flashbacks et de révélations sur certains personnages-clés. Autant dire des choses fort peu cinématographiques… Un véritable casse-tête pour scénariste…
Kloves n’a pas d’autre choix que de jongler avec les différents éléments de l’intrigue et de « meubler » en insistant sur l’évolution des jeunes héros, confrontés à leurs premiers émois amoureux. Et comme Harry Potter & l’ordre du phénix avait quelque peu délaissé tout cet aspect de l’histoire, la tournure légère que prend ce sixième épisode étonne et détonne avec le reste de l’œuvre. L’intrigue principale voit Harry fouiller dans le passé de Tom Jédusor pour comprendre comment ce dernier est devenu Volde… euh… celui dont on ne doit pas prononcer le nom, et trouver un moyen de le vaincre. Mais elle s’efface derrière les ch
assés-croisés amoureux que se livrent d’une part Ron, Hermione, Lavande Brown et le bellâtre Cormac McLaggen et d’autre part Harry et Ginny Weasley.
Autant de petites bluettes qui tranchent avec l’intensité dramatique et les scènes épiques des épisodes précédents. Cela dit, on ne peut pas dire que l’on s’ennuie vraiment au cours des 2h30 que dure le film de David Yates, qui s’avère moins bancal que le précédent. Et la noirceur finira par reprendre ses droits vers la fin du film, avec une séquence impressionnante dans une caverne évoquant « l’enfer » de Dante et surtout, un ultime rebondissement qui place les soldats des ténèbres en position de force pour l’affrontement final, prévu pour les deux derniers films de la saga.
En attendant, les fans devront déjà visionner cet épisode un peu faiblard, à peine mieux rythmé que le cinquième opus. Heureusement, ils peuvent toujours compter sur les comédiens, tous impeccables. Daniel Radcliffe, Emma Watson et Rupert Grint sont toujours aussi attachants, Helena Bonham Carter excelle en sorcière psychopathe et Michael Gambon est un Dumbledore convaincant. Mais ici, c’est Alan Rickman qui leur vole la vedette, laissant éclater toute l’ambiguïté de son personnage et évoluant ainsi dans son registre de prédilection.
Par ailleurs, on notera, une fois n’est pas coutume, l’arrivée d’un nouveau professeur à Poudlard, le professeur Slughorn, ancien mentor de Tom Jédusor et maître en potions. Il est incarné, comme il se doit, par l’un des meilleurs acteurs britanniques, Jim Broadbent…
Les performances des acteurs font oublier la relative pauvreté scénaristique d’Harry Potter & le prince de sang-mêlé, épisode dont on attendait mieux. Reste maintenant à Steve Kloves et à David Yates de redresser la barre pour l’adaptation de l’ultime aventure du jeune sorcier, « Harry Potter & les reliques de la mort ». La bonne nouvelle, c’est que les producteurs ont choisi de scinder ce final en deux parties. Cela devrait permettre au duo d’exploiter comme il se doit la densité de l’intrigue et de boucler la saga en beauté. Du moins, on l’espère, et on attend le résultat avec impatience…
Note :