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« Spinoza, un "métaphysicien" ? ! »

Publié le 08 octobre 2009 par Raoul Sabas

Le 8 octobre 2009
 

Objet :                                         

« Spinoza, un "métaphysicien" ? !  »

Monsieur Balthasar Thomass

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Monsieur,

Je viens de relever dans un numéro hors-série du nouvel Observateur, intitulé  « Spinoza Le maître de liberté », une perle que j’aurais aimé façonner, mais qui figurera désormais en exergue de mon blog « Philosophie contre Superstition », car son titre reflète précisément votre propos que je n’ai de cesse de ressasser, tellement il résume l’idée d’ensemble de la pensée spinoziste, à savoir celle de la « vraie » philosophie luttant contre toutes les superstitions.

Pour la juger d’une phrase, vous avez en effet déclaré : « Le cri de joie spinoziste est un cri de guerre contre les superstitions. », ainsi que l’a amplement développé, dans son œuvre abondante, le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), héritier spirituel de Spinoza, en dénonçant précisément la religion, la métaphysique et le moralisme comme étant des modes d’expression du penser superstitieux humain, auxquels peut s’ajouter indéniablement l’idéologie avec sa « croyance au miracle » de transposer l’Idéal dans le quotidien – mais DEMAIN, toujours DEMAIN et seulement DEMAIN, comme il en va de toutes les croyances superstitieuses ! -, au point que Spinoza l’avait déjà condamnée dans les alinéas 1 et 3 du Chapitre I du Tractatus politicus.

C’est pourquoi il est regrettable que vous ne vous en soyez pas tenu à votre bijou de concision, car la suite de votre article parlant de Spinoza, en tant que « métaphysicien », et d’autre part sur-interprétant sa pensée à l’aune de nos croyances superstitieuses, qui font l’actualité quotidienne bien-pensante, annihile la portée de votre géniale trouvaille, comme je vais m’en expliquer en recourant précisément à Brunner.

Pour dénoncer la Superstition sous toutes ses formes, Brunner a établi que toutes se fondent sur l’ « absolutisation du relatif », un procédé intellectuellement malhonnête et philosophiquement aberrant, qui consiste à faire passer mensongèrement pour « absolu », pour réalité ou Vérité absolue, le contenu seulement« relatif » pensé dans et sur (à propos de) notre monde. De ce penser superstitieux, qui absolutise fictivement le relatif dans un monde où rien n’est absolu, à commencer par notre monde lui-même, résultent précisément la religion, toutes les religions sans exception (monothéistes ou non), ainsi que la métaphysique, à savoir aussi bien le matérialisme, ou scientisme, que l’idéalisme, ou spiritualisme, terminant tous deux dans le « dualisme des absolus ».

Or, philosophiquement parlant, la coexistence de deux absolus est une « impossibilité absolue » par définition, sans le démontrer pour autant ici, et ainsi la métaphysique avec ses deux absolus en relation de transcendance, dont l’un est censé causer l’autre, est-elle tout sauf de la philosophie. J’entends par-là la « vraie » philosophie de Spinoza et de Brunner notamment, puisque l’absolu est UN, Unique, dans une relation d’immanence avec notre monde et les infinis autres mondes, mais je ne prends pas la peine de développer davantage ici. J’y suis néanmoins tout disposé, si vous le jugez utile, car UN absolu, ou deux absolus, c’est tout ce qui différencie la philosophie véritable de la superstition métaphysique - et de ce fait, Spinoza ne peut, en aucun cas, être qualifié de « métaphysicien », puisque deux vérités ne peuvent nullement prétendre exprimer, chacune, l’Absolu !

Par ailleurs, de même que Spinoza, véritable philosophe, n’est pas un métaphysicien, il n’est pas non plus un « moralisateur », au point que le mot « morale » ne se rencontre pas une seule fois dans son Éthique, contrairement à la pratique de nos pseudo-philosophes contemporains conduits par Bernard-Henri Lévy, qui n’ont de cesse de faire culpabiliser et de condamner moralement les Autres, témoignant par-là qu’ils sont seulement des suppôts de la superstition moralistemoralisatrice -, entre autre, mais qui ont tout à apprendre de la « vraie » philosophie – l’éthique, en effet, ce n’est rien d’autre que la morale débarrassée de ses fictions et de ses jugements moralisateurs partisans et hypocrites.

Et ce ne sont pas vos évocations moralisatrices, faussement fondées sur le spinozisme, qui viendront accréditer leur véracité, puisque toute morale se fonde uniquement sur trois fictions : Bien et Mal prétendument absolus, division artificielle des humains en bons et en méchants – une fable dénoncée sans ambiguïté voici bientôt deux mille ans -, et illusoire « libre arbitre » censé permettre à chacun de choisir librement entre bien et mal agir – en toutes circonstances, évidemment, fut-ce en cas de danger de mort, mais les héros ne sont pas légion, hélas !

C’est pourquoi je ne prends pas la peine d’analyser vos propos renvoyant à Gilles Deleuze, car toute condamnation moralisatrice, fut-ce celle d’ « islamophobie », n’est à la source que la prise en compte de ses intérêts égoïstes, individuels ou collectifs, conduisant chacun à se prendre pour Dieu, ou juge suprême, en vertu de sa devise favorite : « Je suis vertueux, donc je condamne. » - à moins que ce ne soit l’inverse ! Dans les deux cas d’ailleurs, les condamnations moralisatrices à l’adresse des Autres signifient toujours en réalité : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ! » Forcément, puisqu’il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais, d’individus ou de groupes d’individus, « TOUS » critères d’appartenance confondus, réellement irréprochables : face à l’Idéal, en effet, chacun est forcément coupable, coupable de crime de lèse-Idéal ! Et ceci devrait dispenser les donneurs de leçons de faire la morale aux Autres, si ce n’était pas si « juteux » pour leurs intérêts de toutes sortes ! ! !

Je n’analyse pas davantage en profondeur ce qui concerne les différentes formes de penser superstitieux, puisque vous trouverez mes arguments amplement exposés dans le texte annexé, Mensonges et lâcheté des élites, dans lequel je dénonce nommément, preuves matérielles à l’appui, les soi-disant « élites » faiseuses d’opinion de l’époque, tous milieux confondus [Médias, politiques, intelligentsia (prétendus intellectuels ou pseudo-philosophes) et associations moralisatrices à sens unique, adeptes du « deux poids, deux mesures »]

En cas de désaccord sur des points très précis, il vous restera à soulever vos éventuelles objections intellectuellement et philosophiquement étayées, à défaut de quoi votre silence et votre refus de débattre témoigneraient de votre intention délibérée de continuer à colporter les mensonges et les « croyances au miracle » de notre monde contemporain, pas moins obscurantiste que toutes les époques qui l’ont précédé.

Dans cette attente, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

 Annexe : Texte, Mensonges et lâcheté des élites


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