6 heures 15 à l'église du village, qui surplombe les coteaux de ce petit bout de vignoble improbable, qui n'existe même pas sur les cartes.
Tout le monde est dans les starting-blocks. La ponctualité suisse, certainement. Des hordes de vendangeurs investissent les rangs de vignes, le sécateur entre les dents. Impatients d'en découdre avec des raisins particulièrement mûrs, au point que d'aucuns commencent à parler de ... millésime du siècle ... et de Travers, ou alors c'est juste parce que c'est écrit en italique?
Les caissettes se remplissent: gamaret, diolinoir, garanoir, pinot noir, chardonnay et consorts s'entassent. Tous fils du Val de Travers, mais de provenances diverses, complantés pour le meilleur. Point de vinification séparée, évidemment, pour de si petites quantités. Pour l'anecdote, les Chardonnays ont été repiqués à partir de plants provenant du Montrachet. Le terroir n'est pas identique, évidemment, mais excusez du peu!
Les caissettes sont pleines et les coupeurs ont été particulièrement efficaces. La ponctualité suisse, forcément. Il est déjà temps de changer de casquette et de devenir égrappeur. Grain par grain, toute la vendange est ainsi éraflée. La qualité a un prix et la mécanisation, vue de travers par ici, n'est pas prête de faire son apparition dans le vallon.
Tous à l'égrappage, petits et grands. Un poste très performant avec banc à lecture optique individuelle, nécessitant de la précision dans le geste, pour l'appréciation du calibre du raisin. Petite illustration en images:
le raisin est délicatement pincé entre deux doigts, afin d'apprécier sa taille, sa consistance et son élasticité...
... une légère traction entre le pouce et l'index le désolidarise de sa grappe nourricière ...
... celui-ci est impeccable, parfaitement calibré, digne du Travers-Saints.
Une efficacité redoutable et à moindre coût! Bernard Magrez et son Pape-Clément peuvent aller se rhabiller!
6 heures 15 au clocher de l'église de Travers. La ponctualité suisse, toujours. L'heure d'une pause bien méritée.
La veille, la neige a blanchi les sommets environnants et le soleil peine à réchauffer les doigts gourds baignés de jus de raisin. Au menu, soupe de courge maison et saucisses grillées. Probablement le dernier barbecue de l'année. Un régal! Arrosé d'un épatant Chardonnay Charmes 2007 du domaine de la Clavenière (pas un Meursault mais un vin de table du pays de Neuchâtel), tendu et vif, avec une pointe de grillé, (le boisé se fond) puis un Clavin rouge 2007, assemblage rouge du même domaine, non dénué de franchise et de gourmandise.
6 heures 15 au clocher de l'église de Travers. On n'aura pas vu la pause passer!. La ponctualité suisse, c'est quelque chose! Il est déjà temps de retourner finir l'égrappage, ce qui sera fait en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Au total, ce seront douze caissettes de 25 kilos chacune qui seront récoltées, une production plutôt confortable en ce millésime 2009 et, qui plus est, de qualité.
Une partie des raisins égrappés. Admirer le parfait remplissage et empilage des caisses.
L'étape suivante verra le temps filer un peu plus vite, puisqu'il fallait quitter le clocher de Travers des yeux. Direction Fleurier, au garage, pour l'ultime processus de la journée: l'encuvage. Suivi d'un foulage aux pieds, dans les règles de l'art.
Fouler le raisin, c'est le pied!Les premiers tests sont déjà encourageants, puisque le moût pèse au final 95° Œchslé, ce qui constitue presque un record pour le vin de Travers. Seul 2003 avait fait mieux à ce jour.
Le Travers-Saints 2009 poursuit désormais son bonhomme de chemin, à l'abri dans un garage de Fleurier, au cœur du Val de Travers. Place à la fermentation et aux bonnes pratiques œnologiques destinées à l'amener à sa destination finale: la bouteille, puis le verre du Traversin.
Une bien belle histoire en train de s'écrire et qui prendra le temps qu'il faut pour le faire. Moi, par contre, je dois filer. Il est déjà 6 heures 15 au clocher de l'église de Travers et je vais être en retard!
Olif