Magazine Culture

Quand Harry rencontre Francky

Publié le 25 octobre 2007 par Sammy Fisher Jr

Lettre ouverte à Franck Mauerhan, journaliste au Bien Public.

Mon cher Franck -tu permets que je t'appelle Franck ? Je tutoie facilement les gens qui me font rire, et ton article de ce matin m'a bien fait rigoler. Et comme je reconnais en toi un fan inconditionnel des aventures d'Harry Potter, n'hésitant pas à pourfendre de ta plume vengeresse ceux qui se mettent en travers de la route glorieuse de notre sorcier préféré, je ne peux que t'aimer.

Tu tentes de feindre l'indifférence, mais tu le reconnais bien vite : " les ouvrages qui relatent ses exploits ont créé un véritable phénomène de société" ; on sent bien la fébrilité derrière cette phrase. Tu n'es pas un " fan de base", tu es de ces inconditionnels prêts à acheter " le précieux pavé" dès " 0 heure le jour J". Je te comprends tu sais. Moi-même, je me sens tenté par cette ardeur juvénile, et ne suis retenu que par une triviale nécessité m'imposant un certain nombre d'heures de sommeil, nécessité toute physiologique à laquelle tu n'es sans doute pas soumis.

C'est sans doute pour cette raison que tu fustiges " l'obstacle réglementaire" opposé par l'inspection du travail de Côte d'Or qui coupe l'herbe sous le pied des " audacieux commerçants" qui avaient pris l'habitude d'ouvrir " deux heures à minuit pour fêter Harry Potter", pour reprendre ta si jolie formule. Ce sont des empêcheurs d'enfourcher son éclair de feu en rond, et la règlementation du travail est décidément une bien mauvaise chose.

"L'avantage, avec une législation dont les textes s'empilent depuis des décennies, voire des siècles, c'est que la réglementation devient si complexe, si tâtillonne, qu'elle finit par entraver toute initiative. On appelle ça le progrès. Et tant pis si on frise le ridicule !"

Je suis bien d'accord avec toi mon Franck. Que l'on ne vienne pas nous faire croire que le fait d'ouvrir un magasin au milieu de la nuit va mettre en péril la santé, la sécurité, ou l'équilibre psychologique des employés des librairies. Tout comme toi, ces gens là n'ont besoin ni de repos ni de sommeil, et n'ont évidemment pas de vie de famille. Gageons d'ailleurs qu'ils pleurent des larmes de rage et d'impuissance devant la " perfidie du réglement". On te sent presque prêt à le faire à leur place, tant est grand ton dévouement aux jeunes fans du " sorcier binoclard".

Mais... sais-tu que c'est une bonne idée ça ? Que dirais-tu de venir ce soir, vers 23h30, dans la grande librairie de Dijon que tu cites dans ton article ? Tu déballerais les cartons, tu ferais de belles piles de livres de part et d'autre de la caisse, tu installerais avec amour les PLV que Gallimard n'aura pas manqué d'envoyer, tu pendrais quelques guirlandes oranges et noires en papier, des chapeaux de sorciers, et un ou deux balais. Tu pourrais même te déguiser en mage noir, avec la robe sombre, la baguette magique et le regard hautain qui sied à ce type de personnage. Ce serait super non ? Bien sûr, tu serais payé au tarif habituel, et tu en serais déjà presque gêné. Parce que tu ferais ça par plaisir.

Plus tard, vers une ou deux heures du matin -mais qu'importe ?- tu partagerais un dernier café avec tes collègues fourbus, tu remonterais dans ta voiture glaciale et, héroïque chevalier que la nuit environne, tu rentrerais dans ta maison, pour quelques heures d'un sommeil superfétatoire, c'est juste une sale manie.

Je sens que tu regrettes déjà de n'être point employé de librairie et de n'être que journaliste au Bien Public. Que veux-tu, de telles joies ne sont pas données à tout le monde. Tu peux toujours te consoler en te disant que tu n'as pas à affronter " la loi [...] qui s'applique de manière indistincte" et empêche de braves commerçants de faire plaisir à de pauvres enfants, qui devront " bêtement attendre le week-end" pour profiter de cet évènement " suffisamment rare pour justifier du caractère exceptionnel d'une ouverture de nuit" : la sortie d'un livre à (seulement) 2,3 millions d'exemplaires...

Bonne nuit mon Franck.


Quand Harry rencontre FranckyHarry Potter
Quand Harry rencontre FranckyDroit du travail


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sammy Fisher Jr 135 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine