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Jour de pluie à Paris

Publié le 06 décembre 2009 par Myriam

Caillebotte - Jour de pluie, 1877 Grisaille d'un après-midi d'hiver, des pavés glissants qui rutilent sous la pluie, des immeubles haussmanniens, des passants se protégeant de la pluie, d'autres prenant leur temps, on pourrait presque se croire dans le Paris actuel ! Toutefois quelques détails nous ramènent en arrière, vers la fin du 19ème siècle, l'élégance vestimentaire des passants (chapeaux haut-de-forme, redingotes, tournures, chapeaux à voilette, voir en zoomant sur ce lien) et les trop rares fiacres que l'on aperçoit en lieu et place des voitures !

La composition de cette toile "Rue de Paris ; temps de pluie", peinte en 1877 par Gustave Caillebotte a fait l'objet d'un certain nombre de dessins préparatoires et même d'esquisses à l'huile. Dès le début, le réverbère fait partie de celle-ci ; axe vertical, il va partager en deux parties quasiment identiques le tableau, et va permettre ce cadrage asymétrique particulièrement audacieux, digne d'un cliché photographique pris au grand angle. La partie gauche est dominée par la ligne fuyante des immeubles et du pavage, alors que la partie droite est ramenée au premier plan avec ce couple nonchalant qui apparaît à notre hauteur et qui regarde quelque chose hors champ alors qu'un homme les croise et attend sur le côté qu'ils passent.

Non seulement la composition de cette toile, mais la dimension de celle-ci est impressionnante (212,2 x 276,2 cm) et, de ce fait, le couple au premier plan est à la hauteur de nos yeux et nous avons presque l'impression d'être un passant dans cette rue ... Cet effet est sans nul doute renforcé par la manière de peindre de Caillebotte. Comme dans d'autres de ses tableaux ("L' Yerres, effet de pluie" ou "Jeune homme à sa fenêtre"), le trait est très précis, la touche très léchée, bien loin des impressions de ses contemporains. Indéniablement, sa peinture présente une allure proche à celle d'un cliché photographique ce qui lui a été souvent reproché à l'époque : "le décalque de la vérité, sans impression originale du peintre, est une pauvre chose". (1)

Ce qui est étonnant dans cette toile, c'est que "malgré le mouvement suggéré par les personnages, l'image semble remarquablement immobile, engourdie par sa structure impérieuse, figée dans la fraîcheur humide entre les façades rigides en pierre de taille. Les passants sont strictement alignés ... Visages détournés, à peine individualisés ou cachés sous des parapluies à baleines métalliques tous identiques, ces personnages anonymes, uniformément vêtus de gris et de noir sont aussi monotones que leur environnement". (2) Même les fiacres, de par leur position, semblent figés et les passants, qui marchent et traversent sans orientation précise, renforcent cette sensation d'immobilité.

Pourtant, cet effet est particulièrement réussi, c'est comme si tout l'effort du peintre avait porté sur le renouveau architectural de la ville de Paris (que certains jugeaient monotone (3)) et que ses habitants finalement passaient au second plan, totalement stéréotypés.

(1) Citation d'Emile Zola

(2) Julia Sagraves, La rue, catalogue de l'exposition Gustave Caillebotte, Editions de la Rmn, 1994

(3) Pour Victor Fournel, le Préfet de Paris a créé "la monotone égalité d'une magnificence banale, en imposant la même rue géométrique et rectiligne, qui prolonge dans une perspective d'une lieue ses rangées de maisons, toujours les mêmes". Voir une analyse sociologique intéressante en complément, ici (a priori les rues citées ne sont pas exactes ... j'ai tendance à croire le catalogue de l'exposition ...)

(4) Le même site maintenant (déplacer le curseur jusqu'au carrefour), vous reconnaissez ? il s'agit du carrefour en étoile formé par les rues de Moscou, Clapeyron, de Turin et de Saint-Pétersbourg dans le 8ème arrondissement


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