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Imper et Impair, le lieutenant Columbo est un salaud.

Publié le 02 janvier 2010 par Deschibresetdeslettres

Imper et Impair, le lieutenant Columbo est un salaud.

Columbo est peut-être la série la plus répétitive jamais réalisée. La structure d'un épisode est toujours la même : premier temps, on dévoile dans une longue séquence le crime et ses enjeux, deuxième temps Columbo mène son enquête auprès d'un coupable qui avait pourtant tout l'air d'être innocent. La mécanique est immuable. Parce qu'elle est fascinante et inépuisable.
Hier soir je suis tombé sur un vieil épisode tout à fait intéressant. Le criminel était un magicien qui dans une vie passée avait été nazi – déjà ça c'est génial. Columbo, comme à son habitude, traîne direct avec ce mec qui n'avait a priori rien à faire dans l'histoire. Et bien sûr il a envie d'apprendre des tours de passe-passe, tu vois, pour qu'il puisse ensuite faire rigoler sa femme à la maison. Il est un peu lourd, Columbo, avec son sourire niais et sa gaucherie légendaire. Sauf que dans l'histoire, c'est précisément lui qui est magicien, et il n'y a pas de trucage : Columbo sait toujours au premier regard qui est le coupable. Il ne tâtonne pas, n'hésite jamais, il se colle d'emblée au meurtrier comme un inoffensif chien mouillé et le fatigue jusqu'à ce qu'il commette un impair.
Quand on tient cette idée comme acquise – cette idée que Columbo a le don génial de reconnaître intuitivement un criminel, toute la série prend une coloration très nouvelle. La maladresse habituelle du lieutenant, par exemple, sa capacité innée à passer pour incapable deviennent signe d'une vraie jouissance destructrice : il sait quel sera le dénouement de l'histoire, il sait qu'il n'y a qu'à attendre patiemment la preuve satisfaisante, et il fait tout pour que la chute du criminel soit la plus violente possible. En s'invalidant en permanence, en se montrant toujours à côté de la plaque, Columbo se débrouille pour que le coupable se sente très vite à l'aise, en position dominante, sûr d'avoir commis le meurtre parfait et d'être à l'abri de toute accusation. Le point de jouissance est là car lui, Columbo, sait déjà que l'autre est pris au piège, qu'il est foutu, et que la révélation finale (la culpabilité qui éclate) ne sera que plus terrible s'il continue à paraître aussi nul.
Quand on y réfléchit avec attention, le personnage de Columbo est clairement un personnage haineux et revanchard. Et il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin qu'une simple histoire de lutte des classes. Les coupables sont toujours des gens qui ont réussi. Ils sont riches, doués, ingénieux, de familles nobles, du gotha américain ou du monde du spectacle. Lui n'est qu'un fonctionnaire au rôle très assigné, au salaire utilitaire, au manteau pourri et à la caisse d'un autre âge. Il a même un chien qui s'appelle "Le Chien". On ne sait pas ce qu'il lui arrivé, au lieutenant Columbo, dans une autre vie (nazi lui aussi ?), mais il prend un plaisir insoupçonnable à briser certaines vies.

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