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Les femmes du braconnier – Claude Pujade-Renaud

Par Livraire @livraire

Actes Sud
ISBN : 978-2-7427-8849-1

Les femmes du braconnier
Quatrième de couverture :
C’est en 1956, à Cambridge, que Sylvia Plath fait la connaissance du jeune Ted Hughes, poète prometteur, homme d’une force et d’une séduction puissantes.
Très vite, les deux écrivains entament une vie conjugale où vont se mêler création, passion, voyages, enfantements. Mais l’ardente Sylvia semble peu à peu reprise par sa part nocturne, alors que le “braconnier ” Ted dévore la vie et apprivoise le monde sauvage qu’il affectionne et porte en lui. Bientôt ses amours avec la poétesse Assia Wevill vont sonner le glas d’un des couples les plus séduisants de la littérature et, aux yeux de bien des commentateurs, l’histoire s’achève avec le suicide de l’infortunée Sylvia.

Attentive à la rémanence des faits et des comportements, Claude Pujade-Renaud porte sur ce triangle amoureux un tout autre regard. Réinventant les voix multiples des témoins – parents et amis, médecins, proches ou simples voisins -, elle nous invite à traverser les apparences, à découvrir les déchirements si mimétiques des deux jeunes femmes, à déchiffrer la fascination réciproque et morbide qu’elles entretiennent, partageant à Londres ou à Court Green la tumultueuse existence du poète.
L’ombre portée des œuvres, mais aussi les séquelles de leur propre histoire familiale – deuils, exils, Holocauste, dont elles portent les stigmates -, donnent aux destins en miroir des “femmes du braconnier” un relief aux strates nombreuses, dont Claude Pujade-Renaud excelle à lire et révéler la géologie intime.

Mon avis :
Qui se souvient de Ted Hughes ? En France du moins, il est pour ainsi dire inconnu. Né en 1930 dans le Yorkshire, il fût le poète officiel de la reine d’Angleterre, de 1984 à sa mort en 1998. Si son nom est resté dans les mémoires, c’est surtout pour avoir été le mari de Sylvia Plath, qui se suicida peu après leur séparation, en février 1963.
Cette mort, ajoutée à celle de sa maîtresse, qui se suicidera elle aussi, emportant dans la tombe leur fille de quatre ans, provoquant scandales, critiques exacerbées et de nombreuses questions restées sans réponses. Quelques temps avant sa mort, Ted Hughes publiera Birthday Letters, dans lequel il revient sur sa relation avec Sylvia.
Sylvia Plath fut-elle réellement une victime écrasée par un mari jaloux qui craignait son génie ? Ou bien se sentit-elle si écrasée par le génie de son mari qu’elle préféra mettre fin à ses jours plutôt que de rester dans l’ombre ?  Qui était réellement cet homme, pour que deux des trois femmes ayant partagées sa vie (en laissant de côté les conquêtes) mettent fin à leurs jours ? Un monstre ou bien un homme solide attirant des femmes brisées cherchant désespérément de l’aide ? D’ailleurs, les faits sont-ils si simple et l’âme humaine si limpide qu’il faille absolument y voir deux camps : les victimes et les bourreaux ? Il n’existe pas de réponse à ces questions.

Claude Pujade-Renaud ne prétend pas apporter de réponses à ces questions, se contentant -et c’est déjà énorme- de raconter les faits, ressuscitant les différents protagonistes et faisant intervenir d’autres témoins, fictifs ou réels mais dont les voix n’ont pas forcément laissé de traces : ici un voisin, un ami ou même un animal. D’une écriture mimétique qui rend à merveille les atmosphères, les sentiments, les personnalités, elle nous donne envie d’aller plus loin qu’une simple lecture : celle lire ou de relire les poèmes dont il est question, de se documenter, d’essayer, vainement, de comprendre pourquoi tout a fini en cendres et en fumée. Ainsi, le fils de Ted et Sylvia, David, agé d’un peine plus d’un an au moment de la mort de sa mère, s’est finalement suicidé en mars 2009. Cette répétition du suicide, de l’exil, de la dépression dans ces histoires personnelles ne sont pas sans évoquer le concept de hamingja. Dans la mythologie nordique, la hamingja est, en quelque sorte, le destin et la chance d’une famille, non pas au sens passif de “destinée”, mais plutôt dans le sens d’évolution spirituelle d’une famille.

Ni une biographie croisée, ni un  véritable ouvrage de fiction, ce livre est parfaitement abordable, que l’on ait déjà une bonne connaissance de la vie et de l’œuvre de Plath et Hughes ou que l’on y soit totalement étranger. Le style est assez bref, ce qui peut surprendre dans un premier temps. J’avoue avoir eu un peu de mal à accrocher dans les premières pages, mais la justesse et la précision de la narration ont finalement eu raison de mes réticences.

Bibliographie (en français) non exhaustive (et disponible !) pour celles et ceux qui désireraient aller plus loin :
Ted Hughes, la terre hanté
, Joanny Moulin, Aden, 2006
Sylvia Plath ; Mourir pour vivre, Patricia Godi, Aden, 2006
Poèmes 1957-1994, Ted HughesGallimard, 2009
Ariel, Sylvia Plath, Gallimard, 2009
Trois femmes, Sylvia Plath, Des Femmes, 1976
L’Anthologie de la poésie anglaise, disponible dans la collection de La Pléiade contient quelques poèmes de Ted Hughes.

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