« Il aimait l'idée que les livres existent sans lui.
Il se demandait s'il n'aimait pas aussi l'idée de ne pas exister »
La lectrice a reçu un cadeau Un tout petit livre avec une couverture qui lui plaisait beaucoup. Pourtant, elle ne l'a pas tout de suite lu. Elle l'a mis sur une pile. Le tout petit livre était tellement mince qu'il s'est perdu parmi les ouvrages qui étaient plus lourds que lui. Certains lui faisaient peur comme par exemple un gros à la couverture dure comme une cuirasse ou encore ceux qui provenaient d'un univers étrange. D'autres, destinés à la jeunesse, étaient indisciplinés et impatients. Ils se bousculaient en criant comme des oisillons affamés : « Moi! Moi! Moi! » pour que la lectrice les remarque.
La lectrice était la fée des livres amoncelés sur ses étagères mais elle pouvait, sans qu'elle s'en rende compte, prendre un masque terriblement maléfique. Quand elle s'approchait de la pile, elle frôlait le dos des livres qui frémissaient sous ses doigts. Chacun rêvait d'être choisi. D'aucuns avaient perdu tout espoir. La vie était pour eux comme la couleur de la poussière qui les recouvrait et l'histoire, souvent dure, qu'ils contenaient. La plupart du temps, la lectrice prenait un livre dans ses mains, le caressait, puis le reposait pour mieux en prendre un autre. Elle tissait une relation particulière avec chacun d'entre eux. Celui qu'elle désirait le plus, elle s'obligeait à patienter pour le savourer davantage.
Les livres le lui rendaient bien. Ils rêvaient d'être maltraités, de voir une de leur page cornée ou jaunie à force d'avoir été lue. Oui, ils savaient que si la lectrice marquait une page, elle reviendrait parfois vers elle pour être digérée au fil des ans et des expériences vécues.
Mais où en étions-nous ? Voilà qu'à notre tour, nous oublions le tout petit livre dont la couverture plaisait beaucoup à la lectrice ! Grâce à un challenge dont le but était de découvrir ce qui fait battre le cœur d'autres lecteurs comme elle, le tout petit livre fut extirpé, non sans mal, de sa cachette. Elle le regarda droit dans le titre et le défia d'un regard qui lui signifiait : « penses-tu que tu vas me plaire ? , vas-tu tenir tes promesses ? ».
Le tout petit livre, trop heureux de prouver sa valeur, ne se défila pas. La lectrice lu. Elle pénétra dans l'histoire du libraire qui avait une librairie. Les mots étaient choisis avec soin. Tendres et délicats, ils voyagèrent avec poésie jusqu'à la lectrice qui en fut émue. Elle referma le livre et bu une tisane en l'honneur du libraire. Oh ! Bien évidemment, elle retourna le même jour vers la pile pour goûter à d'autres histoires mais elle n'oublierait pas celle du libraire qui « dès qu'il ouvrait un livre, (..) était heureux ».
Poudoupoudoupoudou.
Un extrait ici...
«- Bonjour Constance, dit le libraire en l'entendant.
- Salut...
- Que deviens-tu ?
Constance traîna des pieds, s'assit par terre face au bureau du libraire, et sourit.
- Ce que je suis, répondit-elle.
Le libraire la regarda avec admiration. »
... et un extrait là
« - Auriez-vous un livre avec deux femmes, quatre hommes, et trois enfants ?...
- Auriez-vous un livre où tout se passe dans un bois ?...
- Auriez-vous un livre dans lequel une princesse croit trouver la mort... et se rend compte ensuite qu'en fait, elle a trouvé l'amour ?
- Auriez-vous un livre dont l'héroïne s'appelle Teresa ? ...
- Auriez-vous un livre qui contienne à plusieurs reprises le mot : mansuétude ?...
- Auriez-vous un livre avec Gary Cooper ?
- Auriez-vous un livre sans aucun appareil électroménager ?...
- Voyons, voyons... dis le libraire. Même pas un frigidaire ?
- Surtout pas un frigidaire. »
Le Livre de Poche, 190 pages, 2006, merci Hathaway !