Si vous deviez mourir demain, quel serait votre dernier repas sur terre? C'est la question qu'a posé Melanie Dunea, dans son livre " Mon dernier repas", à 50 des plus grands chefs du monde. Et que des amis bloggeurs m'ont aussi posé...
Récemment Michel m'a invité à répondre à ce que serait mon dernier repas, si j'en avais le choix, bien entendu... une sympathique invitation fort stimulante et créatrice à me livrer à vous mais surtout à moi-même et faisant écho, au livre du même titre, ci-haut représenté, narrant le repas ultime de 50 chefs. Sachant que j'étais une fan finie du film Le festin de Babette, Michel a sans doute cru bon me tendre la main pensant que je décrirais un repas du genre gargantuesque. Je ne savais pas dans quoi je m'embarquais en acceptant son invitation. Et bien je vais maintenant devoir me pencher sérieusement sur un éventuel faire-part... car il m'a drôlement ébranlé ce jeu, mine de rien. Merci Michel de m'avoir fait rêvé ainsi à ce qui pourrait s'avérer un festin fort ludique et romanesque. Quelques jours plus tard, c'est Maripel qui, à son tour, me lançait l'appel à répondre à ce jeu... merci aussi, à toi, chère Marie d'avoir pensé à moi...
Alors je me lance... Pour moi le dernier repas peut s'avérer bien paradoxal, sachant par expérience que lors du dernier repas, les gens en phase terminale n'ont souvent plus très faim ou s'ils ont encore de l'appétit n'ont plus la capacité de digérer ni même d'ingurgiter des aliments, parfois non plus de les apprécier. Ce fût le cas d'une de mes proches qui, à ses derniers jours ne pouvait plus avaler quoi que ce soit. Lorsqu'elle est partie, son dernier repas étant très loin derrière elle. Par ailleurs, alors que je travaillais dans une maison accueillant des personnes en phase terminale, je me souviens avoir apporté de mon domicile mon mélangeur électrique afin de passer en purée un boeuf bourguignon pour l'offrir à une dame atteinte d'un cancer désirant en déguster. Elle en avait le goût, me disait-elle, et avait apprécié et reconnu le goût de chacun des ingrédients et assaisonnements malgré l'apparence lisse de ce met «blendé». «On a le goût des bonnes choses et des aliments préparés jusqu'à la fin», m'avait-elle précisé. J'avais pris soin d'apporter des herbes fraîches du jardin pour parfumer ce plat mijoté, ainsi que des framboises et des violas pour lui préparer une mousse aux framboises fleurie. C'est le genre de repas que j'aimerais que l'on me prépare si je terminais ma vie dans cet état et en de telles circonstances. Une bouillon de poulet maison préparé par ma mère ou, à défaut d'elle, comme elle le faisait. Ou mieux encore, son consommé de perdrix aux croûtons persillés, me contenterait à lui seul. Ses bouillons qu'elle me préparait jadis quand j'étais malade, m'ont remonté le moral et m'ont remis sur pieds plus d'une fois.
Mais si mon dernier repas était pris dans un autre type de scénario, une fin du monde appréhendée par exemple, j'aimerais me propulser quelque part dans la nature. Dans ma région, je pense tout d'abord aux abords du Lac-Saint-Jean, dans une bleuetière par exemple, au Saguenay, ce serait à la montagne que j'aimerais être, L'Anse-Saint-Jean notamment. L'un des deux endroits ferait l'affaire, pourvu que je sois dans la nature sauvage entourée de fruits de saison, pendant l'été éventuellement, mais aussi de plantes et de fleurs comestibles. Des agapes à la Marie-Victorin dans la flore laurentienne! Un feu de bois crépiterait, le vent chanterait aussi, les conifères embaumeraient l'air et je me trouverais non pas attablée mais assise au sol, devant moi une belle nappe en cotonnade sur laquelle trônerait de l'hydromel qui coulerait à souhait, des petits bols d'argenterie débordant de bleuets, de fraises des champs et de framboises. Au beau milieu de ces fruits, un poulet de grains rôti à la rose et au tilleul. Quelques sucres à la crème, du fudge divinité sur une assiette de crystal. Des loukoums à la rose et aux pistaches dans un bol, une carafe de thé à la menthe poivrée bien chaud. Du thé glacé aussi. Des biscuits fins de toutes sortes, au citron, aux pistaches, à la vanille, à l'eau de rose, à la lavande, aux pralinés, aux amandes et aux fruits. Des mangues et des litchis, si possible et du rhum arrangé. Dans un grand bol, du taboulé à la menthe. Dans un autre, une gigantesque salade composée de fleurs comestibles. Des hémérocales farcies, je veux y goûter au moins une fois dans ma vie. Une superbe tourtière au gibier bien fumante, de petits pâtés à la viande au sel de Camargue. Des bouchées salées à la pâte phylo, de toute formes, en baluchons, en tartelettes, en triangles, carrés ou en cornets, sans oublier des baklavas taillés en losanges. Un plat de fromages d'ici, le Maria-Chapdelaine de Normandin, les fromages d'Hébertville comme le Curé Hébert, le Perron fort au porto, d'autres encore de la ferme Lehmann, des raisins noirs pour les accompagner. Sans oublier de bons pains de grains. De l'eau d'une source bien fraîche à proximité où l'on pourrait boire à volonté sans risque quelconque. De la joie et de la musique. Mon amoureux et mes ami-e-s, mes proches. Bref, la festivité selon Marie! Un arc-en-ciel dans le ciel, des oiseaux virevoltant autour des invités. Des marguerites à perte de vue! On dirait quasiment, à bien y penser, que je suis en train de décrire ou de visualiser mon mariage, mes noces pour célébrer 30 ans de vie couple qui s'annoncent d'ici une couple d'années.
Après un tel repas, dans un tel lieu, je pourrais fermer les yeux bien repue, en me disant que j'ai vécu très heureuse, comblée d'amour et d'amitiés et bien entourée de tous ceux que j'ai aimés et, en pensant à eux, paupières lasses, je ressentirais que je suis déjà au paradis, comme on dit ici.