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La toupie qui tourne, encore.

Publié le 12 février 2010 par Acrossthedays @AcrossTheDays

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Nous sommes le 12 février 2010 : il y a 66 ans mourrait Dziga Vertov (« Toupie qui tourne » en Ukrainien), de son vrai nom Denis (Abramovich) Arkadiévitch Kaufman. Ok mais c’est qui ce mec avec un nom à la Staline ? Juste un des cinéastes les plus importants de son art, et qui a marqué l’URSS. Son œuvre implique l’idée de devoir du cinéaste qui est en possession d’une arme fantastique, la caméra. On verra que cette question se pose encore aujourd’hui…pour James Cameron et son Avatar !

On passe sous silence sa jeunesse où il écrit ses poèmes, et rentre au conservatoire de musique. Et hop on se rend directement en 1918 lorsqu’il rejoint la révolution bolchevique et qu’il réalise le premier journal filmé d’actualité soviétique. Quand on sait l’importance de l’utilisation de l’image dans le régime soviétique (voir le très très bon La Foi du Siècle de l’historien-cinéaste ou cinéaste-historien Patrick Rotman, 1ère partie ici qui nous permet déjà de situer l’importance du gars). Il continue ensuite en réalisant La Révolution d’Octobre.

En Russie/URSS il existe alors un mouvement, celui de la Kino Pravda, le « Cinéma-Vérité ». Il s’agit de filmer la réalité, de la rendre visible et accessible à tous, mais sans la tronquer, la magnifier, sans la changer. La caméra devient un moyen au service de la Révolution, et selon les mots de Dziga Vertov « la caméra est un perfectionnement de l’oeil humain, qui lui, est imparfait. Il faut donc utiliser la caméra pour la lutte des classes ».

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L’Homme à la caméra est né. Tourné à Odessa, le synopsis du film repose sur le quotidien de ses habitants, du matin au soir, explorant toutes les facettes du travail, des loisirs, de la ville. Il illustre la théorie du Cinéma-Vérité ou Ciné-Œil, du cinéma de Vertov. Ce film est muet avec de longs plans (donc pas adaptés à nos regards de cinéphiles du XXIème siècle cameronisés) mais ça vaut le coup d’en regarder un extrait.

LA TOUPIE QUI TOURNE, ENCORE.

La beauté de ce film, et son importance dans le cinéma tient dans le travail faramineux de montage, de mouvement et de rythme, où différents effets (ralentis, accélérés, surimpression, découpage de l’écran…) apparaissent. Par ailleurs cela reste un document historique important pour voir la société russe du début des années 20. Dziga Vertov est contre le scénario, les décors, la mise en scène, les acteurs, les studios et le documentaire de paysage. Il n’aime pas le « ciné-drame », qui est « l’opium du peuple » (on est pas marxiste pour rien…).

Son message est arrivé jusqu’en France avec le « Groupe Dziga Vertov » créé par Godard en 1968 (tiens tiens…) et répond à la question de « pourquoi avez vous pris le nom de Groupe Dziga Vertov » lors d’une interview faite en 1970 par Kent E. Carroll : « Il y a deux raisons. La première est le choix de Dziga Vertov, la seconde le choix du nom Groupe Dziga Vertov. Le nom du groupe n’est pas pris pour élever une personne, mais pour brandir un drapeau, pour indiquer un programme. Pourquoi Dziga Vertov ? Car au début du siècle il était un véritable cinéaste marxiste. En faisant des films, il contribuait à la Révolution Russe. Il n’était pas uniquement un révolutionnaire. »

C’est un artiste progressiste ayant participé à la révolution et il est devenu un artiste révolutionnaire à l’intérieur de la lutte. Il a dit : « Le devoir d’un cinéaste – kinoki n’est pas de faire des films (en fait kinoki ne veut pas dire cinéaste mais ouvrier du cinéma), mais de faire des films au nom de la Révolution Prolétarienne Mondiale. Dziga Vertov, seulement politique, vraiment ? Pas si sûr. Aurait-il pu émerger dans une autre société que celle de la Russie du début des années 20 ? Probablement. Comme le dit Godard, c’était avant tout un artiste. Le cinéma qu’il défendait dépassait la simple propagande communiste car Dziga Vertov posait la question du « devoir » de l’artiste, alors qu’il peut toucher de nombreuses personnes.

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Et on en arrive à James Cameron. C’est pas possible vous aller me dire, pas dans un article sur Dziga Vertov…et pourtant si : d’une part parce qu’on est trop fort à ATD et parce qu’il est partout avec son Avatar. Mais surtout parce que la réalité rattrape la fiction ! Survival International, un organisme mondial soutenant les peuples indigènes du monde entier, a récemment réalisé un court métrage documentaire d’une dizaine de minutes à propos de la tribu des Dongria Kondh. Stephen Corry, directeur de Survival International, déclara alors que « comme les Na’vi d’Avatar, les Dongria Kondh sont également en danger, leur terre est sur le point d’être exploitée par Vedanta Resources qui ne renoncera pas facilement à ses objectifs. La mine détruira les forêts dont dépendent les Dongria Kondh et anéantira la vie de milliers d’autres Kondh qui vivent dans cette région. ».

LA TOUPIE QUI TOURNE, ENCORE.

Avec tous ces millions engrangés que va faire Cameron ? Et surtout ne doit-on pas faire mentir Dziga Vertov en lui montrant que le « ciné-drame » n’est pas l’opium du peuple, en d’autres termes que nous pouvons aller voir Avatar, et rester connecter à la réalité des choses ? En même temps une planète avec des Schtroumfs géants vivant comme des hippies, ça ressemble à de la grande fumerie d’Opium. Foi d’ATD.

N.B : si vous voulez avoir une petite idée, plus contemporraine je l’avoue, de Dziga Vertov, regardez Diary Of The Dead du fabuleux Georges Romero. Ce n’est pas seulement un film d’horreur banal avec des morts vivants, c’est aussi une réflexion très actuelle sur la communication, l’information à l’heure où tout le monde veut diffuser ce qu’il voit et ce qu’il écoute et le rôle et le devoir des témoins de l’histoire, le tout, avec un humour ravageur. A côté REC, lmême si le côté « filmé avec une caméra qui bouge sans cesse » est le même », c’est un film pour légume n’ayant aucun recul. A voir donc absolument. Voici la bande-annonce ici.

Classé dans :ACROSS THE ART, ACROSS THE CINEMA

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