Magazine Cinéma
Les professionnels de la profession ont parlé ces derniers jours, ou plutôt ont voté, pour élire les meilleurs d’entre eux. C’est la grand messe traditionnelle des Césars, Oscars et autres récompenses en tous genres qui rythment les derniers jours de l’hiver. La curiosité est attisée, un peu, les interrogations se posent, nombreuses, et l’agacement et la déception parviennent toujours à s’inviter à la fête. Des César je n’ai rien dit la semaine dernière, parce que l’on s’attendait à ce que l’Académie soit prévisible, et cela n’a pas manqué.
Qu’y avait-il à dire sinon qu’Un Prophète était annoncé grand gagnant, et qu’il est arrivé grand gagnant. C’était le meilleur film français de l’année 2009, et il a récolté tous les suffrages. Certains s’en offusqueront, pour ma part je regrette sans doute que d’autres films que j’ai beaucoup aimé, à l’image d’A l’origine, ne se voient pas mieux représentés au palmarès, mais j’aurais trouvé plus révoltant qu’Un prophète reparte avec deux récompenses seulement.
Mais je ne tiens pas particulièrement à parler des César. Non que je tienne absolument à écrire ma bafouille sur les Oscars, mais ces jours-ci, en se rendant au cinéma, on peut difficilement échapper aux films qui se trouvaient en concurrence aux fameux Academy Awards le week-end dernier. Precious, Crazy Heart, Une éducation, A single man, In the air… Qui veut savoir ce qui se fête à Hollywood peut le voir dans les salles françaises, et constater ou non si l’Académie américaine a bon goût. Bien sûr les deux films les plus attendus de la cérémonie ont soit disparu des salles depuis un petit moment (Démineurs, six Oscars dont Meilleur Film, Meilleure réalisatrice et Meilleur scénario original), soit déjà touché et divisé tout ce qui compte de spectateurs sur la planète (Avatar, justement oublié des récompenses « suprêmes » pour se voir restreint à la technique).
Du coup il est possible de se pencher à loisir sur les films marginaux de la compétition, les outsiders moins nommés, moins attendus, moins récompensés. Il y avait par exemple un outsider qui il y a à peine plus de trois mois, alors que personne ou presque ne se méfiait de Démineurs et Avatar, était perçu comme LE film à battre, qui était presque certain de connaître son moment de gloire le week-end dernier : In the air, dont la critique et le public américain se sont entichés, tellement entichés que la sortie française avait été avancée de quelques semaines pour surfer sur la popularité générale du film (qui finalement ne s’est pas franchement retranscrite en France).
Ce week-end In the air, un très bon film, n’a rien gagné. Inglorious Basterds, un autre excellent film, a lui été récompensé via son interprète Christoph Waltz, Oscar du Meilleur Acteur dans un second rôle. Si les meilleurs films anglo-saxons de l’année étaient seulement (à peine pour la plupart) nommés (A single man, District 9, L’imaginarium du docteur Parnassus) voire complètement niés (The Box, Moon), les déceptions ont elles eu droit à leur part du gâteau. Je ne parle pas de Démineurs qui m’a donné des frissons et m’a fait suer à grosses gouttes le jour où je l’ai vu. Je ne parle pas de Là-haut, Star Trek ou Jeff Bridges. Quoique, parenthèse, l’Oscar de l’immortel Dude des frangins Coen me fait plaisir au plus haut point (il était temps qu’il reçoive un Oscar celui-là), mais j’ai tout de même une pointe d’amertume pour Colin Firth qui des cinq nommés délivrait cette année la performance la plus éblouissante du lot, peut-être parce qu’elle était situé dans un beau film, là où celle de Bridges servait un film, Crazy Heart, malheureusement assez bateau. Bien sûr la vraie grande performance d’acteur de l’année est celle de Sam Rockwell dans Moon, mais ça c’est une autre histoire.
Bon je referme la parenthèse sur l’Oscar du Meilleur acteur. Je parlais de déception aux Oscars. Et en y réfléchissant la déception ne se limite pas aux Oscars, mais à peu près à toutes les cérémonies de remises de prix cinématographiques qui ont eu lieu aux États-Unis ces trois derniers mois. Oui, bon, d’accord, je l’avoue, en fait aujourd’hui je voulais m’offusquer de l’engouement Precious. Ce film qui érige l’horripilante complaisance en phénomène populaire, ce film qui se plaît à magnifier la misère humaine dans une esthétique toc, ce film qui déborde de mauvais goût a raflé presque tous les Independent Spirit Awards (les Oscars du cinéma indépendant), et a décroché deux Oscars, celui de la Meilleure actrice dans un second rôle (Mo’nique), et celui du Meilleur scénario adapté (la bonne blague).
Tous les ans c’est pareil, les Oscars s’entichent d’un film qui m’agace. Ces dernières années, il y avait eu Chicago, Un homme d’exception ou plus récemment Slumdog Millionaire. Dieu merci Precious n’est pas allé plus loin que ces deux Oscars, contrairement aux trois autres films cités. Mais faites-moi plaisir, et faites-vous du bien au passage, si vous ne l’avez pas vu, n’allez pas voir Precious, ce film qui ne l’est pas (précieux).Allez voir A single man, allez voir Fantastic Mr Fox, allez voir Une éducation, allez voir Le guerrier silencieux. Vous verrez un vrai bon film.