Par Hong Kong Fou-Fou
Jusqu'à hier soir, le personnage qui, à mes yeux, incarnait le mieux le soldat américain, c'était John Rambo.
Droit dans ses Rangers, ses muscles huilés mettant à rude épreuve le marcel kaki qu'il a pourtant eu la précaution de prendre en taille XXL, tenant dans sa main un flingue que le commun des
mortels n'arriverait même pas à soulever, il arrose ses ennemis d'une pluie de balles grosses comme des courgettes. Ses ennemis, et donc ceux de l'Amérique, ce sont, au choix, les rouges, les
niakwés, les bougnoules, les petits hommes verts, ou tout autre groupuscule, secte ou ethnie qui a reçu le titre de "Méchant du mois". Une chose est sûre, c'est que ses ennemis, ils reçoivent
sévère, ils passent de vie à trépas en moins de temps qu'il ne lui en faut pour desserrer sa mâchoire carrée et laisser échapper un grognement de victoire.
Eh bien jusqu'à hier soir, je me trompais. En allant voir "Les chèvres du Pentagone", j'ai compris que le
soldat américain, ça peut aussi être un binoclard aux cheveux longs, incapable de courir dix mètres sans finir sous assistance respiratoire, ou un hippie adepte de Platon et des arts martiaux, ou
un chaman ventriloque fan de Beethoven, ou à peu près n'importe quoi d'autre. Tous ces types sont des chevaliers Jedi et ils appartiennent à une unité secrète de l'US Army, l'Armée de la Nouvelle
Terre. Bon, attention, hein : des chevaliers Jedi du pauvre. Dark Vador n'a pas trop à s'inquiéter, il peut s'occuper tranquille de son jardinage. Mais ils sont contents d'eux, ils se prétendent
des moines-soldats, des médiums, des ninjas, des super-héros. Ils passent à travers les murs, ils font disparaître les nuages dans le ciel, ils peuvent localiser la cachette d'un méchant
n'importe où dans le monde, ils marchent pieds nus sur des braises, ils regardent sans craquer une émission présentée par Benjamin Castaldi (bon, là je ne suis pas sûr, je m'enflamme peut-être.
Mais si eux n'y arrivent pas, qui le pourrait ?). Et ce film raconte leur histoire. Vraie. Et complètement délirante.
Le scénario est tiré d'un bouquin, fruit de l'enquête du journaliste Jon Ronson sur les recherches de l'armée
américaine dans le domaine de la parapsychologie, du paranormal, de la psychokinèse et autres sciences-fiction. Soit dit en passant, autant je vous recommande d'aller voir le film, autant je vous
déconseille la lecture du livre. C'est le genre de bouquin dont le quatrième de couverture vous promet monts et merveilles, des révélations qui pourraient mettre en danger la santé mentale de
l'innocent lecteur que vous êtes. En fait, les témoignages et les événements qui sont rapportés contiennent autant de paranormal que la notice d'entretien de votre lave-linge (encore que moi,
personnellement, je m'y perds...).
Vous vous demandez peut-être pourquoi ça s'appelle "Les chèvres du Pentagone" ? Le titre original, c'est
The men who stare at goats. Tout simplement parce qu'un des super-pouvoirs (légèrement fantasmés) de ces guerriers ultimes, c'est de tuer une chèvre rien qu'en la regardant longuement.
Oui, oui, ça marcherait aussi avec le chien de la voisine qui se soulage tous les matins sur votre perron, ou le perroquet de la concierge qui vous crie "Abrrrrruti" dès qu'il vous voit. Pour 10
euros, vous pouvez commander la méthode à Fury Magazine. Envoi rapide, sous pli discret. Résultats garantis. Pourquoi croyez-vous que Wally Gator n'écrit plus d'articles ? Il a trop peur que je
me mette à le fixer bizarrement.
Donc, je récapitule : livre décevant, film très drôle, une pléiade d'acteurs qui se - et donc nous - font
plaisir. Mention spéciale à Jeff Bridges en officier décalé nourri aux champignons, et pas en omelette (c'est un peu "The big Lebowski chez les bidasses") et à George Clooney, qui
arbore pendant une bonne partie du film une coiffure que ne renierait pas Bernard-Henri Lévy.
Ah, et puis il y a les Small Faces dans la B.O. Je vous rappelle mon postulat : un film dont la B.O. contient
les Small Faces est forcément bon. C'est comme ça, je n'y peux rien. C'est quasi surnaturel.