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L'UMP en difficulté électorale

Publié le 16 mars 2010 par Sylvainrakotoarison

(dépêches)
L'UMP en difficulté électorale
http://www.lemonde.fr/elections-regionales/article/2010/03/15/malgre-la-defaite-nicolas-sarkozy-garde-le-cap_1319158_1293905.html
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-1293905,50-1319158,0.html
Malgré la défaite, Nicolas Sarkozy garde le cap
LE MONDE | 15.03.10 | 11h24  •  Mis à jour le 15.03.10 | 11h41
Officiellement, le vote des Français ne changera rien à l'action de Nicolas Sarkozy. "Elections régionales, conséquences régionales", martelait, dimanche soir, Franck Louvrier, conseiller en communication de l'Elysée, en renvoyant aux propos tenus par le président de la République… avant le scrutin. "Il faut lire son entretien au Figaro Magazine", paru vendredi 12 mars. "Tout est dedans", assure M. Louvrier. Aucun changement de cap ni remaniement gouvernemental ne sont à l'ordre du jour.
 
Des Etats-Unis, la ministre des finances, Christine Lagarde, assure dimanche soir au Monde que la politique économique de la France ne changera pas. "Je ne vais pas me laisser ébranler par le taux d'abstention ou tel ou tel qui crie victoire. Cela me laisse indifférente, et je vais poursuivre ma politique fondée sur les trois R : relance, réforme, redressement des finances publiques. Avec pour objectifs l'emploi et la croissance", déclare Mme Lagarde.
Nicolas Sarkozy pourra-t-il ignorer le camouflet électoral ? Il espère avoir réduit la pression politique en exposant, avant le vote, sa politique pour la fin du quinquennat. "Sentant que la vague allait s'écrouler sur lui, il a pris les devants pour rester maître du calendrier. S'il ne l'avait pas fait, la pression pour un changement aurait été trop forte. Les médias ne l'auraient pas lâché", estime un proche du président.
DÉSARROI DE LA DROITE
Cette tactique ne suffit pas à masquer le désarroi de la droite. Elle doute de l'action du président, de sa personnalité et de sa capacité à rassembler une majorité en 2012. "Les Français ont peur. Ils nous savent en faillite. Ils ne voient pas d'issue pour le pays et pour leurs proches, et constatent avec consternation l'inefficacité du sarkozysme, analyse un proche du président. Ils expriment leur rejet entre abstention et vote sanction. François Bayrou a raison : le pays va mal."
L'annonce par le chef de l'Etat d'une "pause au second semestre 2011" a déconcerté ses partisans. Soudain, M. Sarkozy ressemble à Lionel Jospin, qui avait renoncé à réformer les retraites avant la présidentielle de 2002, et les proches du président s'efforcent de déminer. "Il existe un temps pour semer et un temps pour récolter", philosophait le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, avant l'élection. Mais un autre ministre est loin d'être convaincu : "L'action est le seul moyen de compenser la personnalité contestée du président", explique l'un d'eux.
Nul n'espère que le chef de l'Etat puisse être aimé des Français. M. Sarkozy s'efforce d'adopter une attitude plus présidentielle, un ton plus rassembleur depuis ses vœux du 31 décembre 2009. "Le Sarkozy de 2010 n'est pas celui de l'échec des municipales de 2008", assure un conseiller. Mais les Français semblent peu convaincus par cette posture à contre-emploi, pour un homme qui avait fait de l'action permanente sa spécificité.
Dernière inquiétude, M. Sarkozy n'est plus nécessairement celui qui conduit à la victoire. La martingale qui avait permis de remporter la présidentielle de 2007 en séduisant avec un seul parti – l'UMP – la France qui souffre, en lui promettant du pouvoir d'achat, et l'électorat traditionnel de droite, est à repenser. "Pour reconstituer une majorité présidentielle, Sarkozy doit retrouver l'électorat FN et quelques bobos. On le sait depuis deux ans", soupire un conseiller.
Mais comment réunir ces deux électorats aux positions inconciliables sur des sujets brûlants comme la taxe carbone, l'identité nationale, les libertés et la sécurité ? L'Elysée a choisi de nier cette triple crise : action, personnalité du président, capacité à rassembler la droite.
Dimanche soir, le président a reçu François Fillon ainsi que le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, et les ministres Brice Hortefeux, Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet pour caler la communication du pouvoir.
On a convenu de nier le désaveu électoral et d'insister sur les divisions Verts-PS à venir. "La faible participation ne permet pas de tirer un enseignement national de ce scrutin", a assuré le premier ministre.
MINIMISER LA REMONTÉE DU FRONT NATIONAL
"Avec un électeur sur deux qui ne s'est pas déplacé, le référendum anti-Sarkozy n'a pas eu lieu, embraye Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'économie numérique. Dans un contexte de crise comme on n'en a jamais connu depuis les années 1930 et pour des élections de mi-mandat, on s'en sort bien."
Chacun fait mine de ne pas partager l'avis de Jean-Luc Mélenchon, responsable du Front de gauche, qui compare l'abstention à une "insurrection civique".
Le gouvernement cherche aussi à minimiser la remontée du Front national (FN), en comparant son score avec celui de 2004. Quitte à oublier que la victoire de 2007 s'expliquait justement parce M. Sarkozy avait réussi à laminer le FN.
Cette France populaire l'a de nouveau abandonné. Récupérant les déçus du sarkozysme, le FN devrait se maintenir dans douze régions et menace déjà la présidentielle de 2012. "S'il n'y avait pas eu de triangulaire avec le FN, cela aurait permis de rebattre les cartes", s'attriste le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, candidat en Haute-Normandie.
Le chef de l'Etat espère toutefois achever les quelques chantiers encore au menu de son quinquennat. La réforme des retraites et celle de la dépendance, négociées avec les syndicats, pourraient être menées à bien en prenant le temps d'écoute nécessaire. En revanche, la réforme de la justice, et la suppression du juge d'instruction, jugées attentatoires aux libertés, sont mises en sourdine. Dans son entretien au Figaro Magazine, M. Sarkozy ne les a pas évoquées.
Enfin, le désintérêt des Français pour les régionales renforcerait la nécessité d'adopter la réforme territoriale, qui fusionnera conseillers généraux et régionaux. La droite y voit un moyen, par l'adoption d'un scrutin à un tour, de transformer une défaite, comme celle de ce dimanche 14 mars, en victoire.
Arnaud Leparmentier
Article paru dans l'édition du 16.03.10
http://fr.news.yahoo.com/80/20100315/top-sarkozy-l-ump-et-le-dni-de-ralit-ed9dcf9.html
http://blog.lefigaro.fr/threard/2010/03/sarkozy-ump-et-le-deni-de-real.html
Sarkozy, l'UMP et le déni de réalité
Par Yves Thréard le 15 mars 2010 16h01 | Lien permanent | Commentaires (15)
Depuis bientôt 24 heures, tout a été dit et entendu, ou presque, sur le premier tour des élections régionales. Au mieux pour elle à l'issue du second, l'UMP peut espérer conserver l'Alsace et gagner la Guyane où le divers gauche Rodolphe Alexandre, investi par le parti présidentiel, va affronter Christiane Taubira. Soit diriger 2 régions sur 26.
Au niveau national, je dirai personnellement deux choses à la lumière des résultats de dimanche.
Sur Martine Aubry. Beaucoup en font désormais la candidate quasi naturelle du PS pour la présidentielle de 2012. Je pense qu'il y a aujourd'hui deux partis socialistes. Celui de la Rue de Solférino - donc celui de Martine Aubry - qui laisse indifférents pas mal de Français de gauche, faute pour lui d'avoir su évoluer, se moderniser, tenir des positions claires et non démagogiques sur les sujets importants (retraite, éducation, Europe...). Et puis celui des "barons" locaux, celui donc qui est en passe de gagner les élections régionales. Lui est souvent populaire car il apparaît plus pragmatique, loin des dogmes parisiens. Rien ne dit que la confiance qu'il inspire soit transposée, par l'opinion de gauche, au niveau national pour une présidentielle. La victoire des socialistes aux régionales de 2004 n'a pas empêché la sévère défaite du PS en 2007 (47% pour Royal).
Sur Nicolas Sarkozy. Loin du déni de réalité dont se rendent coupables les responsables de la majorité présidentielle, la gifle de dimanche et le haut niveau d'abstention s'expliquent en grande partie par un rejet grandissant de Nicolas Sarkozy. Rejet par un électorat populaire de nouveau sensible aux sirènes du FN, ou/et victime de la crise sociale qui touche notre pays. Rejet par une partie de l'électorat traditionnel de droite aussi qui désapprouve tous les sujets qui ont fait la une de l'actualité depuis septembre : Polanski, Jean Sarkozy, Clearstream, taxe carbone, ouverture... Sarkozy doit impérativement sortir du bourbier dans lequel il s'est mis s'il veut avoir une chance en 2012. Si les circonstances nationales ou internationales ne lui offrent pas cette occasion, c'est à lui d'en créer les conditions. De trouver la nouvelle posture, la nouvelle idée, le nouveau ton.
http://fr.news.yahoo.com/80/20100315/top-l-histoire-des-droites-ou-le-retour-ed9dcf9.html
http://blog.lefigaro.fr/education/2010/03/lhistoire-des-droites-ou-le-retour-du-refoule-en-politique.html
L'histoire des droites, ou le retour du refoulé en politique
Par Natacha Polony le 16 mars 2010 0h15 | 3 Commentaires
René Rémond, éminent professeur à l’Institut d’études politiques, fut le grand théoricien des droites en France. Sa célèbre thèse sur l’existence de trois traditions dans la droite française s’est appliquée à la vie politique de la Vème République. Du moins jusqu’au mois de mai 2007. Car les droites légitimiste, orléaniste et bonapartiste ont vécu jusqu’à cette date.
La première, selon la thèse de Rémond, est cette droite conservatrice appuyée sur des valeurs d’ordre et de hiérarchie, héritière de la société d’ancien régime. La deuxième correspond à ce moment historique où la monarchie de juillet fait le choix du libéralisme économique et du développement industriel et crie aux Français « enrichissez-vous ». Elle n’est monarchiste que par hasard et deviendra républicaine quand la république garantira la tranquillité aux classes possédantes. La troisième est cette droite autoritaire, mais respectueuse de l’héritage de la Révolution, méfiante vis-à-vis des hiérarchies traditionnelles et s’appuyant au contraire sur les masses populaires, cette droite qui croit en l’Homme providentiel, qu’il s’appelle Bonaparte ou de Gaulle. (à ceci près que cette droite répugne souvent elle-même à se classer à droite, tant il est vrai que ses appels au peuple et sa détestation de l’argent, autant que ses exortations à l’unité de la Nation au dessus des partis la rendent parfois difficile à situer comme le montrent notamment les déclarations d’un certain Jacques Chirac : « Rien ne serait pire que la tentation de nous placer à droite. Il est clair que le mouvement gaulliste ne peut pas dans l'avenir être classé à droite. Pour cela, il y a d'autres mouvements politiques parfaitement adaptés. Mais il ne suffit pas de l'affirmer par des applaudissements. Il faudra l'affirmer par des actes » (Le Monde, 01/07/1975)
La controverse entre René Rémond et Zeev Sternhell (prolongé par Bernard Henri Lévy dans l’Idéologie française) pour savoir s’il exista une quatrième droite, un fascisme à la française, n’est toujours pas close. Rémond, pour sa part, n’en voyait trace que dans le petit Parti Populaire Français de Jacques Doriot alors que Vichy, émanant au contraire du courant légitimiste, et authentiquement contre-révolutionnaire, en aurait finalement signé la mort, jusqu’à le voir aujourd’hui réduit à quelques écrits d’écrivains anarchistes, quand Sternhell, et, à sa suite, BHL, font du nationalisme français du XIXème siècle l’origine même du fascisme européen.
L’histoire des droites françaises, au XXème siècle, est faite du mariage de ces courants, à des doses plus ou moins importantes, depuis la pratique gaullienne du pouvoir, teintée de méfiance à l’égard des représentants du capitalisme, au moins autant que de modernisation économique, jusqu’à la réincarnation de l’orléanisme dans la droite balladurienne, lors du duel fratricide de 1995. Jusqu’au mois de mai 2007. Jusqu’à l’absorption de ces courants par le sarkozysme, ce produit hybride mêlant fascination pour l’Amérique et discours Républicain, figure du volontarisme politique et apologie de l’argent décomplexé, remettant au goût du jour une théorie des valeurs et célébrant ce qui la nie. Nicolas Sarkozy a semblé vouloir absorber les trois droites françaises dans un même courant dont il aurait été, par sa seule personne, le catalyseur. Et les observateurs, en 2007, ont célébré cette « fin de l’histoire », croyant y voir l’avènement de nouveaux temps politiques, la naissance, enfin, d’un bi-partisme à l’anglo-saxonne, ce graal de la modernité.
Mais il en est des partis politiques comme de tout système et de toute institution : ils sont le fruit d’une histoire qui ne saurait s’effacer soudainement ou se dissoudre par la rupture. Car c’est bien avec cette histoire que le sarkozysme prétendait rompre. Celle de ces droites qui se déchiraient et laissaient gagner la gauche, mais aussi celle des vieilles valeurs traditionnelles structurées par une morale chrétienne et des règles sociales héritées des codes de l’aristocratie puis de la bourgeoisie. Nicolas Sarkozy s’est adressé, dans ses discours, aux trois droites, successivement. A la droite légitimiste, il a vanté les valeurs d’ordre et de travail, et cette mémoire d’une France millénaire. A la droite orléaniste, il a donné des gages à travers la commission Attali ou le paquet fiscal. A la droite bonapartiste, il a parlé le langage de la fermeté et du courage, celui du mérite et celui de la grandeur nationale.
C’était sans doute oublier que ces trois droites relèvent de courants historiques divergents, et qu’elles n’ont pour les rassembler que l’idée de l’inscription des destins individuels dans une généalogie qui les dépasse. C’était oublier que sa différence majeure avec ces traditions de droite, qui le rendait capable de parler à chacune une part de son langage, était qu’il est, lui, l’héritier d’un temps où règne le fantasme de l’homme auto-produit, d’un temps sans mémoire, celui de la communication. La rupture sarkozyenne est à la fois ce qui a permis le dépassement, un temps, des clivages entre ces droites historiques, mais aussi ce qui a empêché son auteur de percevoir l’impossibilité même de ce dépassement. Car ces trois droites françaises ne sont réconciliables que temporairement. Entre le légitimiste qui n’abolirait pour rien au monde les valeurs qui le fondent, et l’orléaniste pour qui ces valeurs, pour importantes qu’elles soient, peuvent être sacrifiées sur l’autel d’une modernité qui libérera les forces de production et les capacités d’enrichissement, entre la droite du non au référendum constitutionnel, au nom de la souveraineté inaliénable du peuple et de la nation (et qui se sent trahie depuis la ratification du traité de Lisbonne par le Parlement), et celle du oui, au nom de l’ouverture à une Europe des marchés capable de concurrencer les Etats-Unis (et qui commence à défaillir devant l’ampleur de la dette), rien n’est conciliable plus du temps d’un état de grâce. A moins, peut-être, d’assumer ces contradictions plutôt que de les effacer.
Le scrutin des régionales, en montrant la faiblesse d’une stratégie de rassemblement de la droite dès le premier tour, raconte l’histoire de ces droites traditionnelles et de leur dépassement par une droite de communication, c’est-à-dire mouvante et hybride, de forme plus que de fond, rejetant tout système, éminemment ambivalente et pouvant, par là même, maintenir des discours contradictoires. Au lendemain de ces élections, relire René Rémond, et repenser à cette vieille droite qui, en la personne de tante Yvonne, payait de sa poche le poulet du dimanche à l’Elysée. Et se souvenir d’un temps où l’on pouvait se sentir plus RPR qu’UDF, plus Chirac que Balladur, plus Séguin que Juppé… D’un temps où les oppositions de personnes, si rageantes fussent-elles, recouvraient des choix idéologiques majeurs.
Tags:bonapartisme, de Gaulle, histoire des droites, légitimisme, Nicolas Sarkozy, orléanisme, régionales, René Rémond
http://fr.news.yahoo.com/76/20100316/top-fillon-nouveau-filon-et-vieille-droi-b9972f9.html
http://www.liberation.fr/politiques/0101624478-fillon-nouveau-filon-et-vieille-droite
Politiques 15/03/2010 à 00h00
Fillon, nouveau filon et vieille droite
Par DANIEL SCHNEIDERMANN
       Le Point l'a révélé avec éclat : une partie de la presse de droite, futur désastre régional aidant, est désormais toute disposée à jeter Nicolas Sarkozy comme un Kleenex, pour peu qu’elle trouve un présidentiable de rechange. Jean-François Copé jugé encore trop vert, et Dominique de Villepin sans doute incertain psychologiquement, reste la toute neuve hypothèse François Fillon. D’où cette surréaliste couverture du Point de la semaine dernière, consacrée à chanter la gloire du «président Fillon» (entre minces guillemets, tout de même), couverture prolongée par une une du Monde cette semaine, qui promet de raconter «Comment Fillon s’impose en toute discrétion».
Prédisons-le : le sujet semblant vendeur, le filon Fillon n’est pas encore épuisé. Pourquoi la mode Fillon ? Pourquoi maintenant ? La réponse est simple : les sondages. Quand ceux-ci accablaient Martine Aubry, c’était une gaffeuse pataude. A présent qu’elle plane, la presse l’adulerait même si elle récitait l’annuaire. Un sondage indiquant que dans le match des présidentiables virtuels, Fillon battrait Aubry, cela suffit aux patrons de presse à tester la convertibilité du sujet en chiffres de ventes, quitte à faire hurler l’Elysée, ce dont Franz-Olivier Giesbert, patron du Point, n’a manifestement rien à faire. Hors la paraphrase des résultats des sondages, le plus frappant, dans ces deux enquêtes, c’est qu’elles ne révèlent strictement rien, même si toutes deux s’accordent à situer le lieu fondateur du fillonnisme dans… les toilettes de l’Assemblée nationale.
C’est dans cet humble recoin du temple que le Fillon d’avant aurait lâché à un député qui lui demandait si «c’est dur», un «tu ne peux pas savoir» (le Point). Et c’est encore là que le Fillon d’après aurait douché d’un «ne t’emballe pas» le ministre Hervé Novelli, qui le voyait déjà candidat en 2012 (le Monde). Pour être tout à fait précis, le Point avait lui aussi rapporté, quelques jours avant le Monde, le désormais célèbre «ne t’emballe pas», mais sans le situer géographiquement. Un «fact-checking» à l’anglo-saxonne s’impose.
A la lecture des deux articles, on comprend que le nouveau Fillon reste terrorisé à l’idée de bouger une oreille. Tous deux regorgent de citations de proches expliquant comment Fillon leur interdit de parler à la presse. Il a même «à plusieurs reprises refusé de recevoir le Monde» (le Monde). C’est dire ! Principal écueil de ces enquêtes : la contradiction entre les enseignements du sondage du Point, qui crédite Fillon d’un meilleur «sens du dialogue», et d’une «écoute des Français» supérieure, à ceux de Sarkozy, et la réalité, non perçue par le sondage : à chaque fois qu’ils se sont opposés, Fillon s’est révélé sur les questions économiques plus à droite que Sarkozy. Le Monde s’abstient soigneusement de traiter la question. Ce n’est pas le sujet. Quant au Point, s’il relève tout de même que, sur Renault, Total ou Proglio, «Fillon est généralement plus proche d’une logique budgétaire sérieuse et d’une gestion libérale des dossiers que l’Elysée», il se garde de relever la contradiction de cette réalité avec l’image raisonnable, pondérée, et terrienne, qui se dégage des sondages.
Prenons un marqueur incontestable : la privatisation de la Poste. Le Canard enchaîné de cette semaine révèle qu’un différend a opposé Fillon à Sarkozy sur le sujet, en plein conseil des ministres. François Fillon était favorable à un décret autorisant la direction de la Poste à acheter et à vendre des filiales de plus de 30 millions d’euros sans l’aval de sa tutelle (un pas supplémentaire vers la privatisation déguisée), décret que Sarkozy a finalement sursis à signer, craignant de braquer les syndicats. Sur le fond de la politique menée, celle qui n’apparaît pas au 20-Heures, c’est-à-dire la plus importante, mais que la majorité des sondés ne connaissent pas, ou tardivement, Fillon est donc nettement plus à droite que Sarkozy. A un observateur même approximatif, il apparaît que le fillonnisme repose, pour le moins, sur un malentendu : l’homme d’écoute, de dialogue, de bon sens, «des chevaux de Pénélope, des poulets de Loué et des moines de Solesmes» (chapeau du reportage sarthois du Point), qui «entretient les meilleurs rapports avec les bénédictins», héritier du «gaullisme social» de Séguin, serait donc, s’il menait sa propre politique, plus prompt que Sarkozy à faire descendre les Français dans la rue. Mais ce paradoxe n’a pas encore effleuré les Commynes du Premier ministre. Il sera bien temps de l’attaquer plus tard. Le filon Fillon, disait-on, n’est pas épuisé.
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=7487
09h15 le neuf-quinze
Dénis
Par Daniel Schneidermann le 16/03/2010
"Les Français ont peur. Ils nous savent en faillite. Ils ne voient pas d'issue pour le pays et pour leurs proches, et constatent avec consternation l'inefficacité du sarkozysme". Qui parle ? Un éditorialiste ? Un opposant ? Non. C'est "un proche du président", anonyme, cité dans un article du Monde, signé par Arnaud Leparmentier. La pause des réformes, annoncée par Sarkozy  pour la fin 2011 dans son interview au Figaro Magazine ? Elle "déconcerte ses partisans" poursuit le même article, qui cite aussi un ministre : "l'action est le seul moyen de compenser la personnalité contestée du président". Cette pause risque cependant d''être radicale, et brutale, note Leparmentier, qui remarque que Sarkozy, dans cette interview, n'a pas même évoqué la réforme de la Justice et la suppression du juge d'instruction.
Aussi révélatrices soient-elles du désarroi intellectuel des sarkozystes, l'essentiel n'est pas ce que disent ces citations anonymes. L'essentiel, c'est que des ministres, des proches, soufflent des aveux aussi désabusés à un journaliste du Monde, sous couvert d'anonymat bien entendu, mais en courant le risque d'être identifiés -les choses vont si vite à l'époque de Twitter. Ces confidences, et le seul fait qu'elles soient tenues, disent à elles seules que la dynamique est cassée, et la machine ensablée. Etrangement pourtant, Le Monde choisit de ne pas titrer sur cet ensablement, mais titre à la Une : "M. Sarkozy veut garder le cap, malgré le sévère avertissement du 1er tour". Non seulement le titre contredit l'article, mais c'est un titre qui fait "comme si". "Comme si" les leviers répondaient encore, comme si ce que "veut Sarkozy" avait encore prise sur la réalité. Jouons au titreur de comptoir : "les réformes compromises par le 1 er tour de l'élection régionale", eût été un titre plus conforme à l'article, et sans doute plus fidèle à la réalité.
Loin de moi l'idée d'accuser Le Monde de jusqu'auboutisme sarkozyste. Chez les politiques, le déni d'une réalité est souvent une tactique délibérée. S'agissant de la presse, il obéit à des mécanismes plus complexes. Ce que montre ce décalage, c'est  la puissance des  automatismes, et notre aptitude stupéfiante, devant un brutal renversement de la donne, à faire "comme si". Comme si la donne antérieure était encore valable, alors que tout nous montre le contraire. Notre éternelle aptitude à ne pas voir, ne pas entendre, et donc ne pas dire. Dans la philosophie orientale, ce triple renoncement est une voie vers la sagesse. Il n'est pas certain que cela s'applique aux médias.


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