Chronique d'une obsession.
David Fincher (Se7en, Fight Club ) livrait pour son sixième long-métrage un essai passionnant sur la folie obsessionnelle.
Le metteur en scène nous avait laissé un goût doux-amer dans la bouche avec son précédent film, Panic Room, brillant exercice de style d'une virtuosité technique ahurissante, mais un peu vain au final. Il nous revenait six ans plus tard avec un film d'une puissance narrative et visuelle phénoménale, relatant les méfaits du tueur en série surnommé le Zodiac, qui sévit à San Francisco dans les années 70. Le tueur, qui ne fut jamais appréhendé, manipulait la presse et la police, jusqu'à les rendre fous. Le personnage du Zodiac avait d'ailleurs déjà inspiré Don Siegel dans Dirty Harry (L'inspecteur Harry), selon un traitement thématique totalement différent.
David Fincher, au cours des 2h37 que dure le métrage, effectue un travail d'antropologue, décortique l'affaire, l'enquête, les dates, les pistes, les indices, et livre un film qui rappelle le meilleur du genre (notamment All the President's men (Les hommes du président). A travers le casse-tête que constitua l'affaire, policiers et journalistes s'investirent jusqu'à l'obsession, en particulier le dessinateur du San Francisco Chronicles, Robert Graysmith, interprété dans le film par l'excellent Jake Gyllenhaal (Donnie Darko), qui, tel le capitaine Achab dans Moby Dick, se jeta corps et âme dans l'affaire, faisant de la découverte de l'identité du Zodiac la quête de sa vie, et ce au détriment de sa famille.
Fincher imprime à son film un cachet d'une classe visuelle incroyable, recréant à la perfection l'époque seventies, notamment à travers une photographie de toute beauté, les morceaux de la bande-originale achevant le pouvoir d'immersion de l'entreprise. Génie de la mise en scène, Fincher insuffle à sa réalisation un classicisme bienvenu pour ce type de sujet, tout en restant d'une inventivité percutante tout au long du film. Ainsi, le plan dans lequel le metteur en scène filme à la verticale un taxi en mouvement est d'une virtuosité inouïe.
Fincher avait corrompu avec Se7en la finalité des codes du thriller (quel autre film appartenant à ce genre peut-il en effet se targuer d'une telle portée philosophique ?) Zodiac, à l'inverse, prend le total contrepied du chef d'oeuvre de Fincher, en explorant non pas l'aspect philosophique de l'histoire (admirable scénario de James Vanderbilt adapté du livre de Robert Graysmith lui-même), mais son impact psychologique sur la vie professionnelle et personnelle des hommes chargés de l'enquête. La non-résolution de l'affaire à la fin du film a ainsi gêné nombre de spectateurs, alors que le sujet était ailleurs.
Après Se7en, David Fincher nous offrait donc avec Zodiac un nouveau chef d'oeuvre du genre, référence instantanée et classique immédiat du thriller.