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Mes films de la semaine et de la semaine dernière

Publié le 17 juin 2010 par Petistspavs

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Cette chronique est dédiée à Roger Diamantis,
propriétaire cinéphile du Saint-André des Arts à Paris.

Roger Diamantis est mort.

Où en serait la diffusion des films à Paris, sans ces salles indépendantes, qui défendent les films, qui les montrent plusieurs semaines, succès ou pas. Cette semaine, le Saint-André qui est pour moi une des six ou sept salles parisiennes qui incarnent, depuis toujours LE cinéma, montre entre autres Femmes du Caire, La Comtesse et Soul Kitchen, 3 films à l'affichent depuis plusieurs semaines et encore visibles.

Les inrocks, où j'ai appris cette très triste nouvelle, concluent ainsi leur billet ; "Les lumières se sont donc éteintes rue Saint-André-des-Arts et on ne sait pas quel est l’avenir de la salle : continuer sa mission "art et essai", ou devenir une énième gargotte ? En attendant ce faux suspens, la cinéphilie parisienne est orpheline".

Il n'y a pas d'édito cette semaine, pas envie de râler, mais une chanson. Le film de Tom DiCillo sur les Doors et le voyage au bout de l'Enfer de Jim Morrison me hante. Allez-y, si vous aimez le cinéma, la musique, la tragédie américaine, inutile de viser les grandes salles avec écran géant et gros son, il s'agit d'images d'archives, "familiales" (Jim M. apprécierait...) et de musique magnifique, mais pas en dolby surround et toutes ces conneries pour nous faire prendre les petites vessies pour des grosses bites (désolé...). Bernard Lavilliers que j'aime beaucoup (l'homme, l'artiste) avait chanté la la chute de Morrison dans un titre déjà un peu ancien. Il en existe plusieurs versions en public. Je choisis celle, de 1978, qui me semble la plus âpre, la plus fidèle à l'auto-crémation du Lézard magnifique. Ca s'appelle Plus dure sera la chute

Par ailleurs, il est temps de publier ce billet, mais il n'est pas terminé. Alors, soyons cursif.

LES FILMS DE LA SEMAINE

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ANNÉE BISSEXTILE
(Año bisiesto)
film mexicain de Michael Rowe (2010, 1h34)
Scénariste Lucia Carreras et Michael Rowe
directeur de la photographie : Juan Manuel Sepulveda
distributeur : Pyramide Distribution
avecMonica del Carmen, Gustavo Sánchez Parra, Armando Hernández
Interdit aux moins de 16 ans
Caméra d'Or au Festival de Cannes 2010 

Synopsis : Laura a 25 ans. Elle est journaliste, célibataire et habite un petit appartement à Mexico. Après une longue série d'aventures sans lendemain, Laura rencontre Arturo. La première fois qu'ils font l'amour, Arturo a pour Laura des gestes qui la bouleversent. Ils débutent une relation intense, passionnelle et sexuelle, où plaisir, douleur et amour se mêlent. Au fil des jours, qu'elle raye consciencieusement sur son calendrier, le passé secret de Laura refait surface, poussant Arturo à l'extrême.

L'affiche est, évidemment attractive et j'ai failli en faire mon image de la semaine. J'ai été choqué par la page de pub d'Allociné : le bandeau de titre était déplacé, de façon à cacher ce que l'affiche affiche. Je n'aime décidément pas la censure, notamment lorsqu'elle est insidieuse. Toute la presse que j'aime aime (sauf Critikat) et le travail des acteurs est unanimement salué.

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L'ILLUSIONNISTE
film d'animation franco-anglais de Sylvain Chomet (2010, )

À la fin des années 50, une révolution agite l'univers du music-hall : le succès phénoménal du rock, dont les jeunes vedettes attirent les foules, tandis que les numéros traditionnels - acrobates, jongleurs, ventriloques - sont jugés démodés. Notre héros, l'illusionniste, ne peut que constater qu'il appartient désormais à une catégorie d'artistes en voie de disparition. Les propositions de contrats se faisant de plus en plus rares, il est contraint de quitter les grandes salles parisiennes et part avec ses colombes et son lapin tenter sa chance à Londres. Mais la situation est la même au Royaume-Uni [...]

Non seulement l'affiche est belle, intéressante, intrigante, en rapport avec le titre, mais le scénario fait partie de ces supposés bijoux écrits par Jacques Tati qui, anticipant avec talent sur le système économique du cinéma français aujourd'hui, n'a pas eu les moyens de le tourner.

En outre, pour certains, La triplette de Belleville, film précédent de Sylvain Chomet est, en soi, une référence suffisante pour transformer cet Illusionniste en objet de désir. La famille Tati a aidé le réalisateur animateur dans ses démarches, Macha Makaïeff en tête. Seule critique esquissée (par je ne sais plus qui. Libé ?), un côté nostalgique quelque peu réactionnaire, qui oppose un aujourd'hui déshumanisé à un hier désirable. Mais Cher Monsieur Libé (ou autre ?), c'est tout Tati, par Toutatis, vous n'avez pas vu Mon oncle et sa Villa Arpel ?
 

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AIR DOLL
titre original :
Kûki Ningyô 
film japonais de  Hirokazu Kore-Eda (2009, 2h05)avec Doona Bae, Arata, Jô Odagiri
Distributeur : Océan Films

Synopsis : Tokyo. Une poupée gonflable habite l’appartement sordide d’un homme d’une quarantaine d’années. Elle ne peut ni parler, ni bouger, mais elle est la seule compagne de son propriétaire. Il lui parle, prend son bain avec elle, et lui fait l’amour chaque soir, en rentrant du travail. Mais un jour, le fantasme devient réalité : la poupée prend vie et développe des sentiments humains. Comme un nouveau-né, elle découvre un monde inconnu qu’elle aspire à découvrir.

Elle s’aventure alors dans les rues de la ville, fascinée par tout ce qu’elle voit, mais les gens qu’elle rencontre sont incapables de lui expliquer ce que veut dire “être en vie”... C’est en poussant la porte d’un vidéoclub qu’elle obtient enfin une réponse : elle fait la connaissance de Junichi, le vendeur, et tombe aussitôt amoureuse de lui. La poupée est embauchée au magasin et noue chaque jour des liens de plus en plus forts avec Junichi : ils vont ensemble au cinéma et sillonnent la ville ... comme un couple.

La poupée est parfaitement heureuse jusqu’au jour où elle se coupe la main par accident et se met à dégonfler devant Junichi...

Après Still Walking et Nobody Knows, Kore-Eda délaisse les fictions du deuil et de la famille pour un conte étonnant autour d’une poupée gonflable qui vient à la vie. Un Pinocchio inverti. Thrillant.

LA REPRISE

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LES MOISSONS DU CIEL
(Days of Heaven)
film américain (US) de Terence Malick (1978, 1h35)
avec Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard

En 1916, Bill, ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Abby et sa sœur Linda quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l'opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Abby à céder aux avances d'un riche fermier, qu'ils savent atteint d'une maladie incurable. Mais Abby finit par tomber amoureuse du fermier, ce qui déjoue les plans de Bill...

TOUS les (rares) films de Terence Malick sont des joyaux, d'autant plus rares qu'il tourne peu. Les moissons du ciel fut, comme d'autres chefs d'oeuvre visionnaires (le Eden's Gate de Cimino, par exemple) un échec commercial à sa sortie en 1978. En résultèrent 20 années de chômage pour le réalisateur, avant qu'il revienne avec des oeuvres aussi accomplies et plastiquement abouties que La ligne rouge ou Le nouveau monde.  Les moissons..., "western élégiaque où la lutte des classes remplacerait l'affrontement entre cow-boys et indiens" (Les inrocks) en est plus que le brouillon, la promesse. Une splendeur plastique et planante entre bible et flingue, enfer et paradis.

L'IMAGE DE LA SEMAINE

est extraite du film de Kore-Eda Hirokazu (voir plus haut), film tout à fait actuel, avec cet hommage, par affiches interposées, du cinéma asiatique qui monte à un cinéma européen désormais trop négligé au bénéfice des produits standards : Le ballon rouge d'Albert Lamorisse qui, à travers le voyage fantastique d'un ballon gonflé à l'hélium, reliait les continents européen et asiatique, Les quatre cents coups de François Truffaut, déjà très honoré par Tsaï Ming Liang (Visages, Quelle heure est-il ?) et La strada de Fellini. Je n'ai pas identifié la 4ème affiche, avec le mot "seven" et le beau profil d'Audrey, accompagnée de Georges Sanders, apparemment. Quelqu'un(e) pourrait-il ou elle m'aider ?

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ON EST PAS DES CHARLOTS...

Les Chaplins de La semaine (les films sortis depuis quelque temps, mais que je vous conseille vraiment) seront des films que j'ai vus cette semaine. Trois films dont un, peut-être, mériterait 5 Chaplin (Le DiCillo) ? On verra plus tard à l'éventuellement promotionner. Ce que j'aime cette fois, c'est l'extrême diversité d'approches cinématographiques également passionnantes.

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FILM SOCIALISME de Jean-Luc Godard

APPEL : VENDREDI 18 JUIN, 20H00Jean-Luc Godard participera à un débat-projection autour du film
organisé par Mediapart  et animé par
Edwy Plenel au Cinéma des cinéastes
(cliquer le titre du film pour l'adresse)

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When you're strange de Tom DiCillo

J'en sors et je ne sais pas si c'est 4 ou 5 Chaplin. Je sais juste que ce film me travaille au corps, que, comme face à Davy Crockett de mes 6 ou 7 ans, je m'identifie au héros et j'ai envie de gueuler quelque chose, je ne sais pas quoi, mais incisif et inspiré, à la gueule du monde.
Tom DiCillo sait faire du cinéma. Il sait, à partir d'un matériau extrêmement riche (un peu de connu, beaucoup d'inédits) construire un film en évitant deux écueils fatals : le biopic documenté qui choque le bourgeois (ça, Oliver Stone l'avait très bien fait, la daube totale) et le clip kaléidoscopique speedé au jus de pub qui brule la cervelle. Son montage, commenté par un Johnny Depp tellement sobre (lui !) qu'on l'oublie, construit un film qui raconte une histoire, une histoire pas si belle, pas glamour.
Si vous n'avez jamais vu l'effet d'une société violente et individualiste, de mélanges divers de shit, de LSD, puis d'alcool à très haute dose, puis, d'alcool à plus forte intensité, puis d'alcool et de cocaïne, de succès, de célébrité, de gloire, puis de femmes ouvertes, de femmes qui en veulent, de juges aussi nuls que les juges de Polanski, puis d'argent, puis de pouvoir sur la foule, l'effet de bien d'autres ingrédients du désespoir sur un petit jeune homme timide fils de militaire qui se réfugie dans l'écriture de poèmes, se sent investi par le chiffre des ventes par la mission cosmique de démonétiser ses fulgurances poétiques pour cracher des insanités à un public qui ne comprend plus, ce film magnifique (comme un coucher de soleil sur un cimetière peut être magnifique), filez 10 balles à la caissière et retenez votre souffle. Si vous n'avez pas vu Rimbaud tirant au pistolet sur Verlaine, imaginez un film qui nous restituerait le goût de la balle de pistolet.
Dois-je ajouter que ce film m'a paru aussi passionnant que dérangeant ?

Le mariage à trois de Jacques Doillon

Pas plus que moi, vous n'êtes obligé de trouver Jacques Doillon sympathique, ni ses films. Ses comédiens, oui, la lumière des films, les discussions sans fin. Cinq personnes à peu près humaines sont réunies dans une maison de Provence (en fait je ne sais pas où ça se situe, mais pour moi, ce genre de grande maison pour gens friqués, avec dépendances et annexes qui permettent au metteur en scène de mener l'action dans des lieux proches mais discrets, fermés les uns aux autres, c'est toujours en Provence, depuis L'eau à la bouche ou Pauline à la plage. Des histoires se dénouent, se nouent et se percutent, avec une préoccupation principale, coucher ou pas et un prétexte mineur, monter une pièce de théâtre. Le sujet étant, en soi, sans intérêt majeur, restent les acteurs. Louis Garrel en jeune mâle dominant écrase de son jeu léaudien Pascal Grégory qui, en vieux dramaturge libidineux et manipulateur est (je parle de l'acteur) constamment à côté de son jeu, à côté de son personnage, faux comme c'est pas possible et on se demande si c'est fait exprès ("Pascal, tu joueras faux" lui a peut-être dit Doillon, démiurge absolument manipulateur, lui-même). Reste les femmes (on oublie le 3ème personnage masculin, dont on se demande s'il n'est pas là pour donner la réplique dans un film qui serait la répétition générale d'un film). Deux femmes, dont une s'ébauche à peine. Julie Depardieu, qui a dans les yeux des fulgurances telles qu'on arrive à se mouiller les yeux avant qu'elle pleure et qui se montre vacharde et victime. Et puis la petite Bonitzer qui cache son jeu pendant une heure de film en étudiante employée aux écritures (elle corrige les fautes d'orthographe du grand dramaturge), puis se retrouve à poil dans le lit de son patron.
bref, un Doillon, digne de La pirate et de Comédie, cruel, sophistiqué, cérébral et sexuel.

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Crimes de Vincent Ostria

Il faudrait redéfinir le cinéma d'art et d'essai. Il y a trois mots, il semble : essai, art et cinéma. La notion d'essai suppose la tentative, l'idée de tentation, d'envie de faire. Ostria avait envie. L'art suppose de produire une forme qui n'avait pas été montrée. Ostria la dévoile. Cinéma : la notion est un peu galvaudée, Ostria nous en offre une vision toute personnelle.
Alors, soyons clair, ce film sera jugé "radical" par le petit nombre de personnes qui y aura accès (le système du gros poisson dévorant le petit fait que le film est sorti dans UNE salle à Paris, l'Entrepôt, dans le XIV° à Paris) même si J.B. Morain des inrocks (voir son article sur le film la semaine dernière et un extrait ici) doit pour cela m'excommunier, me démembrer, me nier, me... comme a dit Didier Porte...
J.B., tu admettras que je ne peux recommander ce film à ma famille et à la plupart de mes collègues de bureau, sauf à passer ensuite pour un prétentieux, snobinard, bobo et vaguement sadique... Mais au lecteur de ce blog, je dis, si ce genre de film qui, à chaque plan prend le risque de se perdre, doit disparaître parce que c'est la loi des puissants et de Franck Dubosc, alors fermons les salles de cinéma, la télé pourvoira à nos besoins esthétiques. Surtout TF1, M6 et France 2. Il faut, IL FAUT voir les films, même s'ils ne flattent pas la paresse naturelle de notre cerveau reptilien.


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