A propos de Carlos d’Olivier Assayas 4 out of 5 stars
Biographie fleuve et romancée du célèbre terroriste vénézuélien Illich Ramirez Sanchez (né en 1949), plus connu sous le nom de Carlos…
Le film d’Assayas (dont il existe aussi une version pour le petit écran) commence lorsque Carlos est déjà en Europe après que sa mère ait divorcé de son père, avocat, et rejoint Londres. Nous sommes à la fin des années 1960. Carlos fait encore ses classes. Elles sont communistes.
A l’université Patrice Lumumba de Moscou, Carlos répète ses gammes mais en 1970, en Jordanie, il suit un camp d’entrainement de la guérilla et commence à sympathiser avec le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine). Il lui restera toujours fidèle.
Portant sur deux décennies d’activités en France et en Europe, Carlos prévient dès son générique qu’il ne prétend pas vouloir dire toute la vérité sur le terroriste vénézuélien. De nombreuses zones d’ombre demeurent. Mais Carlos est le fruit d’un travail conséquent de journaliste et d’historien. Suivant la chronologie des grands évènements qui ont émaillé la sinistre carrière de Carlos (de l’assassinat, à Paris, de deux inspecteurs de la DST et d’un informateur libanais à la prise d’otage de 11 ministres de l’OPEP à Vienne en 1975), la biographie d’Assayas, tout en étant fidèle aux évènements historiques, privilégie le suspense et l’action. Car la vie de Carlos, comme celle de Mesrine, que Richet a récemment mis en scène, est marquée par le spectaculaire. Ce qui n’empêche pas Assayas d’être rigoureux et exigent dans sa reconstitution historique. Et de filmer les choses avec recul. On saisit bien par exemple les enjeux politiques entre les différents états arabes lors de la prise d’otages de l’OPEP.
Surtout, le réalisateur semble soucieux de démonter le mythe « cheguevaresque » de Carlos, ce faux idéal révolutionnaire qui cache en réalité purement et simplement du « terrorisme d’état ». Là où Richet semblait davantage fasciné par son modèle, Assayas n’éprouve aucune compassion pour Carlos. Intransigeant et honnête intellectuellement, il déconstruit la figure du héros révolutionnaire, ce pseudo « grand combattant de l’Organisation de libération de la Palestine » dont Chavez a fait l’éloge en novembre 2009 devant un congrès international réuni à Caracas.
Priorité à la tension du film, au rythme de l’action. Il y a un souci de réalisme, bien évidemment, un goût pour les détails aussi (qui fait le charme du film), mais la volonté du réalisateur est de placer le spectateur au cœur de l’action et des évènements, comme s’il vivait la pression et l’agitation qui habitent le corps de Carlos au moment de tuer froidement des inspecteurs de la DST.
Cette mis en scène qui filme à la fois sur le vif et de manière distanciée les évènements est relativement exacte historiquement (même si le vrai Carlos a contesté depuis sa prison de Poissy que la prise d’otage de Vienne ait été commanditée par Hussein alors qu’elle le fut d’après lui par Kadhafi) mais si la première partie est magistrale et prenante au niveau de la mise en scène, le rythme retombe et l’action s’essouffle après la prise d’otage de Vienne.
Parallèlement, la vie de Carlos bat de l’aile. Wadie Haddad, le fondateur du FPLP-OE, qui l’accuse de ne pas avoir exécuté les otages de Vienne mais d’avoir accepté de l’argent à la place, le lâche. Carlos se réfugié au Liban puis en Syrie, qui lui fait à son tour comprendre qu’il est indésirable. Malgré quelques attentas meurtriers en France dans les années 1980, destinés à faire libérer son bras droit Bruno Breguet, Carlos n’a plus la même aura qu’auparavant. Il se réfugie au Soudan d’où il sera extradé vers la France en 1994, sur ordre de Pasqua, alors ministre de l’Intérieur.
Que retenir du film d’Assayas, dont la version originelle devait faire plus de cinq heures de pellicule ? Ce Carlos est un portrait plein d’ironie d’un terroriste narcissique aux allures de faux Che Guevara. Sorte de pseudo héros de la Révolution. Le contraste est saisissant entre l’amour que semble se porter Carlos, d’un côté son goût pour le spectaculaire et la starification, et de l’autre la clandestinité voire l’anonymat total dans lequel ses attentats meurtriers l’ont condamné à vivre toute sa vie. Comme une bête terrée attendant impatiemment chaque retour sur la scène terroriste pour revenir fièrement sourire aux journalistes. Dans son mélange entre action et portrait psychologique d’un terroriste, Carlos est assez réussi. Et ce que montre bien Assayas, c’est que Carlos a fini seul et isolé. Lâché par tous, y compris le FPLP à qui il a pourtant toujours été fidèle…