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Ce que je sais de Vera Candida – Véronique Ovaldé

Par Theoma

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«Quand on lui apprend qu'elle va mourir dans six mois, Vera Candida abandonne tout pour retourner à Vatapuna. »

Ce sont les premières lignes du roman et elles suffisent à vous happer dans ce conte presque initiatique au charme latin. L'écriture est exceptionnelle pour deux raisons : fluide, elle coule naturellement, sans effort apparent, tout en étant d'une intense profondeur et d'une modernité absolue.

Véronique Ovaldé signe ici un grand roman.  Une auteure qui nous propose, non pas des personnages féminins en toile de fond, mais des femmes, leurs secrets, leurs violences, leur soumission et leur force.

Si je vous racontais Ce que je sais de Vera Candida, vous seriez peut-être découragés, voire horrifiés, par cette lecture mettant en avant des femmes à la vie si difficile. Pourtant, ce roman regorge d'espoir, d'amour et de lumière

Je me souviens des moments entre femmes de plusieurs générations et de la même famille où les secrets sont dévoilés, où l'intime ouvre ses frontières. Ces moments sont, pour la plupart, des instants de grâce. Une bulle nous protège, les souvenirs se libèrent. Le soulagement d'avoir une clé de compréhension, enfin un évènement qui fait sens ou la terrible découverte d'un cercle se répétant à l'infini. Et quand l'une d'entre nous décide de casser le schéma, pour son bien, celui de ses enfants et de leurs descendants, mais aussi, pour celles qui, avant elles et pour diverses raisons, n'y sont pas arrivées, quelle délivrance !

Je digresse, je m'emballe, je ne touche plus terre parce que j'ai tout aimé et que j'ai tout pris de ces 292 pages qui me sont dorénavant bien trop précieuses.

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Éditions de l'Olivier, 292 pages, 2009

Merci à Cuné pour la découverte ! Elles sont nombreuses à l'avoir lu, leurs avis ici.

Deux extraits, parce que je ne pouvais pas choisir...

« Mais un jour ce qui devait arriver arriva : un petit garçon de Vatapuna attendait Rose au retour de sa pêche. Il était assis sur la plage, il la regardait venir du large à l'abri sous son chapeau de paille verte. (Cette paille n'est pas encore mûre et elle mûrit sur la caboche. Le chapeau change insensiblement de couleur jusqu'à devenir marron, c'est un plaisir pour les yeux et une surprise quotidienne, un couvre-chef comme ça; la paille dore puis brunit et, pour que le processus s'arrête, il faut la baigner chaque jour dans de l'eau citronnée. Comme les enfants portent souvent ce genre de chapeau à Vatapuna, ils dégagent tous une délicate odeur de citronnade. Mais trêve de couleur locale. »

« La regarder ainsi c’était pour Itxaga comme de sentir de nouveau le sang pulser dans son corps jusqu’à l’extrémité même de son doigt fantôme, la main de Vera Candida qui pendait de son poignet et faisait négligemment dégringoler ses cendres d’un petit tapotement de l’index était comme l’aorte de son univers, il pensa, Pour le moment ça me fait du bien de la revoir, quand ça me fera de nouveau mal j’arrêterai de la voir, mais c’est une promesse d’ivrogne et d’amoureux, à quel moment bascule-t-on dans la douleur et dans la dépendance, y-a-t-il un moment précis où la joie disparaît ? Alors il dit, Tu attends quoi de moi ? Il aurait aimé qu’elle se tourne vers lui, qu’elle cesse de regarder la cours et ses ornières pareilles à des vasques de boue, il aurait aimé qu’elle ne scrute pas un loin la cime de l’araucaria du jardin abandonné en face, il aurait aimé qu’elle se tourne vers lui, le fixe de ses yeux minuscules, remarque la cicatrice sur son visage et le petit doigt qui manquait et dise, Abandonne tout et allons sur ta colline de comédie musicale et reprenons tout à zéro…. ....C’était une drôle de question, mais cela avait à voir avec le mille feuilles qu’il avait confectionné à partir de ses terreurs, de ses frustrations, de ses incapacités et de son infinie solitude (l’infinie solitude étant la couche de crème acide qui ajoutait à plusieurs reprises du moelleux à la chose). »

Par Theoma - Publié dans : Romans français - Communauté : Lecture sans frontières
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