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Quand Sarkozy radote devant les ambassadeurs.

Publié le 30 août 2010 par Juan

Quand Sarkozy radote devant les ambassadeurs.

Sarkozy, le 25 août devant les ambassadeurs

Mercredi, Nicolas Sarkozy s'adressait aux ambassadeurs, lors de la 18ème Conférence du genre depuis 1993. Cet exercice de rentrée est toujours savoureux depuis que Nicolas Sarkozy est président. A chaque discours, le volontarisme affiché dans les mots est apparu de plus en plus éloigné de la réalité.
L'image était mal éclairée, le son caverneux, et le discours coupé en plusieurs segments par un monteur de l'Elysée, comme pour masquer combien il était fastidieux. Sarkozy lisait prudemment son texte, la tête baissée, s'essuyant le front à répétition, et se permettant rarement, presque jamais, d'élan spontané comme il aimait le faire auparavant.
Sarko radote depuis 2007...
Fin août 2007, Sarkozy sortait de son premier été de président, vacances luxueuses aux Etats-Unis invité par un copain fortuné, Ray-Ban sur le nez, Cécilia qui commence à bouder. Un journaliste suisse le compare déjà à un Sylvester Stallone lyophilisé. Après avoir fustigé son adversaire Ségolène Royal sur le sujet, Sarkozy explique enfin qu'il est inacceptable que l'Iran se dote de l'arme nucléaire. Mais il vient de signer un accord nucléaire avec son nouvel ami le colonel Kadhafi. Pour sa première conférence aux ambassadeurs, il critique l'intervention américaine en Irak (après avoir dit le contraire pendant la campagne), et annonce qu'il ne bloquera pas les négociations d'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne. Il a un mot pour l'Afrique, un mois après un fameux discours néocolonialiste à Dakar.
Fin août 2008, quelques jours avant la disparition de la banque d'affaires Lehman Brothers, Nicolas Sarkozy n'avait rien vu, rien prévu. Pourtant, depuis des semaines, les nouvelles du front américain étaient inquiétantes. Mais Sarkozy avait la tête ailleurs : il « présidait » l'Union européenne pour 6 mois, depuis le 1er juillet précédent. Il venait d'être confronté à l'invasion de la Géorgie par la Russie. Il tentait de faire croire qu'il avait sauvé le petit Etat, pourtant provocateur. Un peu avant son discours aux ambassadeurs, la Russie annonçait qu'elle reconnaissait l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, deux anciennes provinces géorgiennes. Sarkozy, désavoué par son ami Medvedev, condamne, mais n'y peut pas grand chose. A l'époque déjà, il devait se rendre à l'enterrement de soldats français tués au combat en Afghanistan. 2008-2019, rien n'a changé.
Fin août 2009, la crise est là, les ambitions sont loin. Sarkozy a endossé depuis des mois un costume de régulateur, qu'il exhibe devant ses ambassadeurs. Surtout, il donne des leçons de moralité et de responsabilité tous azimuts. A ses homologues du G20, il pose déjà des ultimatums, reprenant à son compte et sans le dire, les propositions anglaises d'étalement des bonus sur trois ans. L'Iran, déjà, est sa tête de Turc. Il joue au taurillon alors qu'une Française, Clothilde Reiss, paye déjà l'affront français, coincée à Téhéran après un procès inique.
Pour cette rentrée 2010, l'exercice n'était pas aisé. Impossible de crier encore une fois à la régulation internationale. La France est à la traîne du Royaume Uni et de l'Allemagne, plus actives en matière de taxation des traders ou des banques, voire de croissance. Un otage français a été assassiné voici 5 semaines, et la polémique sur l'échec diplomatique français ne s'est pas éteinte. Lundi dernier, Al Qaida a libéré deux otages espagnols qu'elle détenait au Maghreb depuis des mois. Dans un message diffusé le même jour, l'organisation terroriste explique qu'elle a voulu, avec cette libération, donné une leçon à la France. Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, qui remplace depuis le premier jour le ministre officiel des Affaires Etrangères Bernard Kouchner, n'a pas apprécié: « Je réaffirme que jamais, nous n'avons eu la possibilité d'entrer en contact avec Al-Qaïda pour la libération de Michel Germaneau. »
Contre les « commentateurs »
Face à ses ambassadeurs, Sarkozy a débuté avec la lutte contre le terrorisme: « Al Qaida et ceux qui s'en réclament ont accru leur emprise dans un arc qui va du Pakistan au Mali. » Sur l'Afghanistan, le président français savait déjà qu'il aurait à se rendre, deux jours plus tard, à l'enterrement de deux soldats français, tués en début de semaine. Il maintient la position française, avec des accents bushistes, et, surtout, ses premiers tacles contre journalistes et analyses : « la mode du moment, et dieu sait qu'il y a des modes, la mode du moment chez les commentateurs est au catastrophisme. Chaque jour on nous annonce le retour des talibans, comme si les jeux étaient faits, et comme si nous avions abandonné le peuple afghan. » Samedi, les Talibans, justement, ont attaqué deux bases américaines. Quelle est la mission française ? Défendre les Afghans contre les Talibans, former les forces de sécurité locales et apporter une aide à la population civile. Il ne fallait attendre aucun commentaire sur l'échec occidental, depuis 2002. Simplement, « le prix humain est lourd. » Mais, complète-t-il, « je demande à chacun d'entre vous d'imaginer ce qu'il en serait du prix humain si nous n'étions pas là. » Pour conclure, « la France restera donc engagée en Afghanistan avec ses alliés aussi longtemps que nécessaire et aussi longtemps que le souhaitera le peuple afghan. » Le peuple afghan ? Sarkozy faisait allusion au président Karzaï, élu après de gigantesques fraudes voici un an. Sarkozy embraye sur le nécessaire soutien du Pakistan, confronté à « des défis socio-économiques immenses » et à des inondations dramatiques. Pas un mot, cette fois, sur la timidité française dans l'aide internationale.
Schizophrène avec l'Iran
Sujet suivant, l'Iran. Sarkozy défend une position totalement schizophrène : contre l'armement nucléaire du pays, mais favorable à la prochaine mise en service d'une centrale avec l'aide des Russes. Sarkozy commence par évoquer la répression et, notamment, le cas de Sakineh: « Madame Mohammadi, la France considère qu'elle en a la responsabilité » s'exclame Sarkozy. Que veut-il dire ? Rien. C'était juste une déclaration en l'air. Sarko continue d'accuser l'Iran qui, dit-il, « continue d'alimenter la violence dans région. »
« Qu'on m'comprenne bien, la France est favorable au développement dans le strict respect des normes internationales de l'électricité nucléaire. » Il recommence. Pompier pyromane, il reste prêt, comme toujours, à équiper les dictatures du monde en technologie nucléaire pour peu qu'elles signent un papier reconnaissant la légitimité des contrôles d'une agence internationale... « L'Iran a le droit au nucléaire civil. » Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, Sarkozy se félicite ensuite de la prochaine mise en service de la centrale de Boucher, alimentée par du combustible russe. On croit rêver... ou cauchemarder... « C'est pourquoi la France salue le démarrage de la centrale de Boucher. (...) le problème n'est pas là, le problème est ailleurs. Il y aura bientôt un an au sommet de Pitsburgh, avec Barack Obama et Gordon Brown, nous avions révélé l'existence du site clandestin que l'Iran construisait pour ses activités proliférantes.  » Notez l'exercice sémantique... Sarkozy se félicite des sanctions adoptées depuis, notamment par l'Union européenne. En juillet dernier, l'UE a effectivement décidé d'interdire tout nouvel investissement, assistance technique ou transferts de technologies, notamment pour le raffinage et la liquéfaction de gaz. En revanche, la centrale de Boucher, elle, ne pose aucun problème... Allez comprendre...
Mal à l'aise sur l'Europe...
Sur l'Europe, Sarkozy semblait mal à l'aise. Nous avons déjà évoqué son exercice d'équilibriste: il s'est félicité des ambitions franco-allemandes de gouvernance économique commune en Europe préconisées en juin dernier. Or, à l'époque, Sarkozy avait du en fait se ranger à la position allemande : des sanctions contre les Etats en situation budgétaire difficile, mais pas de renforcement du rôle de l'eurogroup.
Nicolas Sarkozy a terminé son intervention par un sujet qui lui tient à coeur, la future organisation, par la France, des rencontres du G20 en novembre prochain, puis du G8, en janvier 2011. Il espère à nouveau faire mousser son volontarisme en matière de régulation financière. Pourtant, la France reste étrangement à la traîne face au Royaume Uni et l'Allemagne.« Jusqu'à présent nous avons connu des G20 de temps de crise. Et au fond, c'était assez simple, on n'avait pas le choix, il fallait prendre des risques et agir. Et le G20 a accompli un travail considérable sur lequel je ne reviendrai pas. »
Effectivement, mieux vaut ne pas y revenir. A en croire Sarkozy l'an passé, le G20 devait supprimer les paradis fiscaux, coordonner les politiques de relance, et réformer la finance mondiale pour éviter les bulles et attaques spéculatives. Au final, rien de tout cela n'est arrivé, à l'exception de communiqués lénifiants. Les paradis fiscaux sont toujours là, ils ont simplement changé de nom. Chaque pays a suivi sa voie de relance. Et l'euro a failli disparaître au printemps dernier sous le coup des spéculations de traders contre les finances grecques.
G8: la parole contre les actes
Pour « son » G8, Sarkozy se voit déjà maître du monde. Il espère que la réforme du système monétaire international sera possible. « Naturellement, la France ne plaide pas pour revenir à un système de taux de change fixe », lâche-t-il en souriant. Naturellement... « Mais la France plaide pour qu'on mette en place des instruments qui évite l'excessive volatilité des monnaies » martèle-t-il les yeux rivés sur son texte. Pourquoi n'a-t-il pas commencé, à l'instar de l'Allemagne, à décourager les ventes à découvert ou à taxer ses banques pour assurer leur risque prudentiel ? Quelles sont les grandes idées du Monarque ? Il cite un exemple, organiser un « séminaire des meilleurs spécialistes mondiaux des affaires monétaires qui pourrait peut-être se tenir en Chine »... Ah ! Cette manie des commissions .... Plus tard,
Sarkozy découvre les marchés
Sarkozy dénonce les fluctuations des cours des denrées alimentaires ou de l'énergie... « Rappelez vous les émeutes de la faim ! Je vous rappelle que c'était en 2008. Et entre 2008 et 2010, personne n'a rien fait ! » Incroyable, n'est-ce-pas ? « Qui osera dire ... qui osera dire que ce sujet est trop difficile et qu'il vaut mieux ne rien faire ? » Qui osera croire que Sarkozy pourra changer quelque chose à l'affaire ? Qui osera croire ? « J'connais... En France, j'ai parfaitement identifié ceux qui pensent qu'il vaut mieux ne rien faire. M'enfin... on va pas faire la même chose dans le monde ! » s'exclame-t-il, avec un haussement d'épaules... « La France va proposer à ses partenaires du G20 - car, quitte à assumer la présidence autant que ça serve à quelquechose - d'ouvrir ce dossier avec pragmatisme et avec ambition. »
Et paf ! Une bonne dose de langue de bois...  « Il me semble que trois sujets pourraient être étudier, d'abord je veux poser la question du fonctionnement même des marchés des dérivés des matières premières... Je sais que ce sont des mots à ne pas prononcer ... Mais pourquoi devrions nous réguler les marchés des dérivés dans le seul domaine financier ? » Sans rire ni gêne, il avance, trébuchant sur ses mots, que «la France est parvenue à convaincre le monde qu'il fallait réguler les marchés dérivées dans le domaine financier. » Il conclut: « étendre la régulation aux matières premières est possibile, est souhaitable, est indispensable. » Capable de toutes les audaces verbales, Sarkozy prétend que personne ne connaît comment fonctionne ce marché, que « personne ne connaît ses intervenants », « personne ne comprend comment il fonctionne », donc, pourquoi serait-ce difficile de le réguler ? A l'entendre, on se demande si un cours accéléré d'économie de marché ne lui serait pas nécessaire avant de débuter cette présidence française...Les marchés dérivés souffrent effectivement d'opacité, notamment sur le niveau d'engagements et de spéculation, déconnecté comme ailleurs, sur les productions de l'économie réelle, mais on a peine à comprendre comment Sarkozy pourrait prétendre résoudre l'affaire.
Sarkozy souhaiterait ainsi qu'on explore plusieurs pistes, comme la transparence des marchés; les politiques de stockage; ou la création d'outils d'assurance pour se couvrir de la volatilité...
Ah, la gouvernance mondiale...
Dernier sujet, la gouvernance mondiale. Incapable de la mettre en place au niveau européen, Sarkozy n'est pas gêné pour s'afficher volontariste au niveau mondial. Le laïus qui suivit ressembla en effet étrangement à d'autres déclarations sarkozyennes... sur l'Eurogroup. Il y a deux mois, avant de se faire tacler par Angela Merkel, Sarkozy proposait que les Etats membres de la zone euro institutionnalise leurs réunions avec la création d'un secrétariat permanent et une présidence. Le voici qui propose exactement la même chose pour le G20. La Chine et les Etats-Unis apprécieront.   
On ne sait pas qui ce charabia présidentiel devait impressionner. Sans doute Nicolas Sarkozy espérait-il faire croire que son volontarisme allait déplacer des montagnes dans quelques mois.
Il est bien seul à le croire.


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