Deux semaines après nos pérégrinations sur le sol breton, nous nous sommes de nouveau, maman et moi, mêlés à la foule des festivaliers, mais cette fois-ci, plus près de chez nous. Oui, nous étions à Rock en Seine, le grand rassemblement des rockeurs de la capitale. Pas loin de 50000 spectateurs étaient attendus en ce dimanche, dernier jour de la manifestation, notamment pour la venue des omniprésents canadiens d'Arcade Fire. 1h de trajet en transport en commun, suivi de quelques minutes d'attente à l'entrée du site - le beau parc de Saint-Cloud - et il est alors 17h. Ben, oui, les concerts de The Black Angels et de Eels sont déjà finis. Tant pis, de toute façon, on a bien raté celui de LCD Soundsystem la veille. Le temps d'une bonne glace et d'une petite expo rock sympathique, nous nous dirigeons vers la grande scène pour le premier concert de la soirée : Beirut. Bon, je l'avoue tout de suite, nous n'avons jamais été de grands admirateurs du groupe. Et le concert n'a fait que confirmer la chose. Zach Condon a une belle voix, sa formation aux allures de bande de boyscouts ou de gendres idéaux a l'air éminemment sympathique, mais cette musique de fanfare façon Balkans n'arrive pas à m'emballer. Les morceaux se suivent et se ressemblent, l'ambiance est un peu timide et je sens petit à petit l'ennui poindre. Les quarante-cinq minutes du set sont bien longues. On commence déjà à jouer nos rabats-joie en se demandant ce qu'on est bien venu faire ici. Surtout qu'une heure durant, il nous faut encore attendre et supporter le reggae proposé par Fat Freddy's Drop.
19h55 et la soirée prend d'un coup des allures plus plaisantes avec les liverpudliens de Wave Machines. Leur pop électronique à la basse groovante et aux mélodies enjouées est encore plus enthousiasmante en live qu'en studio. Le groupe a l'air tout simplement heureux d'être là, comme nous finalement. Les anglais jouent presque dans son intégralité leur excellent premier disque "Wave If You're Really There" qui avait eu les éloges de papa l'année dernière. Tout ça finit même dans l'allégresse générale avec leur presque tube "Punk Spirit".
A peine le temps de reposer nos oreilles que les papys de Roxy Music débarquent sur la scène d'à-côté. Et dès le premier titre, c'est le feu d'artifice : "Re-Make/Re-Model" ! Ouaaaaaah, les ancêtres envoient encore le bois. La suite n'est pourtant pas toujours du même accabit, à l'image de leur discographie. Quelques chansons flirtent particulièrement avec le mauvais goût, surtout quand Manzanera part dans des longs solos de guitare casse-bonbons ou que le saxo de McKay se met à dégouliner de romantisme de supermarché. Heureusement, ils s'attardent essentiellement sur beaucoup de vieux titres issus de leurs deux premiers albums : "Ladytron", le génial "Virginia Plain", "Do The Strand", "Editions Of You", "In Every Dream Home A Heartache". A quelques exceptions près, le concert est quand même excellent et reste une très agréable surprise de la part d'un groupe disparu depuis bientôt 30 ans. Il y a même un court rappel et Ferry finit avec une reprise de "Jealous Guy" de Lennon. On aurait rêvé une meilleure sortie et déçus par un tel déploiement de guimauve bon marché, on en profite pour rattraper la grande scène, à l'autre bout du site, pour l'événement de la soirée.
Difficile alors de ne pas penser au premier concert d'Arcade Fire, dans la petite salle du Nouveau Casino en 2005, auquel nous avions eu la chance d'assister. 5 ans après, c'est à plus de 100 mètres de la scène et sur un écran géant que nous verrons Win Butler, Régine Chassagne et leurs acolytes. Plusieurs dizaines de milliers de personnes reprennent en choeur les hymnes du groupe et c'est alors que je me rends mieux compte de l'aspect particulièrement fédérateur de ce rock expressément calibré pour les stades et les grosses affluences. J'ai, du coup, l'étrange sentiment que ce groupe ne m'appartient plus, sentiment égoïste que doivent sûrement ressentir beaucoup de fans de la première heure. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à partager mes goûts avec autant de monde. Pourtant, le concert des canadiens n'est pas décevant, loin de là même, il est juste simplement comme je l'avais attendu, ni plus, ni moins. C'est à ce moment-là que la météo rentre en piste et que la pluie décide de battre son plein pendant plusieurs dizaines de minutes. Le groupe termine le morceau en cours, le formidable "Ocean Of Noise" avec les trompettes de Beirut en invitées, s'excuse et décide d'attendre cinq minutes avant de poursuivre. Toute la scène est entièrement bâchée. Ils reviennent comme prévu, mais juste le temps d'un dernier morceau, le désormais classique "Wake Up", joué acoustique, sous une pluie battante et repris à l'unisson par le public. A peine plus d'1h de concert, c'est peu et si ce n'est peut-être pas la faute du groupe, on se demande ce qu'il en aurait été s'il avait plu toute la journée !
En plus, histoire de gâcher la fin de la soirée, notre retour à la maison est assez épique. L'organisation mise en place par la région Ile-de-France est en effet assez déplorable, surtout quand on sait que c'est pourtant elle qui finance en grande partie l'événement. En fermant rapidement l'unique station de métro à moins d'un kilomètre à la ronde, c'est par milliers que les "rockeurs en Seine" défilent dans les rues de Boulogne-Billancourt, à la recherche d'un quelconque moyen de transport. Il est à peine deux heures quand nous arrivons finalement chez nous, mais bizarrement nous sommes bien plus fatigués qu'au retour du Fort Saint-Père, pas sûrs de vouloir renouveler l'expérience les prochaines années.
Quelques belles photos de la soirée sont visibles ici.