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Château Branaire 1937: quand l'émotion traverse le temps

Par Eric Bernardin

Lors d'un repas que j'avais fait en compagnie de François Audouze, j'avais pu découvrir que  certains vins avaient une capacité de vieillissement exceptionnelle, tel son Nuits Saint Georges "Cailles" 1915 d'une jeunesse insolente.

Ce fut de nouveau le cas à Noël avec cette bouteille de Branaire 1937, clin d'oeil à l'année de naissance des parents d'Olivier. Suivant les conseils avisés de François Audouze, nous avons ouvert cette bouteille six heures avant le repas afin qu'elle s'oxygène en douceur. Voir des capsules en étain comme ci-dessus est émouvant et vous donne déjà l'impression d'être hors du temps.

   

Le bouchon est totalement imbibé de vin, et donc fragilisé: il s'est cassé en deux pendant le débouchage. Dieu merci, il ne s'est pas enfoncé dans la bouteille! Olivier verse un peu de vin dans un verre afin d'établir un premier diagnostic. Le vin paraît fatigué, autant par la robe acajou que par le nez,  comme épuisé par cette longue marche de 70 ans. Pour avoir vécu déjà des moment similaires, nous ne nous affolons pas. Nous savons qu'il va reprendre des forces dans les heures qui vont suivre, au fur et à mesure qu'il s'habitue à l'oxygène du XXième siècle.

Six heures plus tard, nous avons affaire à un tout autre vin. La robe s'est métamorphosée, reprenant des teintes plus pimpantes. Le nez est d'une puissance et d'une complexité ébouriffantes: vieux cuir, fougère, ronce, réglisse, santal, faisant penser à un parfum précieux des années 30. En bouche, le vin dégage une puissance que l'on n'aurait pu soupçonner: non seulement sa matière veloutée vous emplit le palais, mais celle-ci est soutenue par une remarquable acidité, véritable colonne vertébrale du vin. De l'attaque jusqu'en finale, elle amène une tension en bouche qui ne vous lâche pas une seconde, et vous habite longtemps (je la ressens encore trois jours plus tard)!

Si le souvenir de sa perfection persiste longtemps, celle-là est pourtant éphémère. Au bout d'une vingtaine de minutes, le déclin s'amorce. Les tannins se durcissent en fin de bouche, les arômes dégénèrent sur des notes d'oxydation, et le plaisir progressivement s'évanouit. Au point de ne pas finir mon dernier verre: il mérite que l'on se souvienne de lui lorsqu'il était dans sa gloire :o)


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