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Dialogue Laurent de Wilde/Eric Le Lann au sujet de Bill Evans

Publié le 19 octobre 2010 par Assurbanipal

Paris. Le Sunside. Samedi 16 octobre 2010. 21h30.

Hommage à Bill Evans

Laurent de Wilde : piano

Eric Le Lann : trompette

Laurent de Wilde commence seul sur scène par « Prelude to a kiss » (Duke Ellington). C’est bien agréable ce vieux standard de Duke Ellington peu joué de nos jours. Laurent part en ballade. C’est le cas de le dire. Eric revient tranquillement vers la scène. Il enchaîne sur « You don’t know what love is ». Jeu très classique d’Eric, jeu avant-gardiste de Laurent. Je n’arrive pas à voir de ma place comment Laurent sort ces sons étranges. Un PC caché pour trafiquer le son ? Et toujours le feulement rauque du lion breton, Eric Le Lann. Laurent reprend la main et monte en émotion. Eric vient ajouter un souffle de nostalgie supplémentaire sur cette musique. Manifestement, De Wilde utilise un bidouillage électronique invisible du fond de la salle. Cela ajoute un côté ludique à cette ballade.

« Funkallero » (Bill Evans), un morceau assez énergique. Du Funk à la Bill Evans, ce n’est pas Horace Silver, n’exagérons rien. Les spectateurs n’osent pas applaudir le solo d’Eric. Laurent s’arrête et dit : « Vous pouvez l’applaudir. Il joue super ». Sous les applaudissements, Laurent enchaîne en trilles joyeuses et virtuoses. Une dernière zébrure de la trompette apaisée par le fluide du piano.

« Waltz for Debby » (Bill Evans) très agréable à écouter mais très difficile à jouer. C’est tellement simple, tellement beau que tout ce qui est en trop est effectivement en trop. Joli résumé du thème par Laurent de Wilde. Effectivement, ils jouent simplement, fidèlement avec l’émotion qu’il faut.

Je pense que Laurent cache « I fall in love too easily » dans son solo introductif. L’arrivée d’Eric confirme cette hypothèse .Heureusement qu’Eric Le Lann est là pour préserver le style des grands maîtres de la ballade à la trompette : Chet Baker, Miles Davis. Il dégage une certaine âpreté dans la douceur antidote souverain contre la mièvrerie.

Un standard dont je reconnais l’air mais pas le titre. Bill Evans a dû le jouer je suppose. Dès qu’Eric joue, le supplément d’âme est là. Il a retenu la leçon de Miles Davis : « Miles Davis nous a appris l’impuissance de la technique face à la puissance du désir » (Keith Jarett). C’était « Yesterdays ».

PAUSE

Salle archicomble. C’est bien pour une musique si intimiste, ennemie de l’esbroufe et de la réclame. De Wilde commence à tapoter le piano alors qu’Eric n’est pas revenu et que le public n’est pas encore installé. Eric est revenu et entame « Love for sale ». Standard time ce soir au Sunside. C’est sûr que ces gars là ont de l’amour à nous vendre et que nous en avons pour notre argent. Ils passent du calme à l’orage en un éclair.

« Round about midnight » (TS Monk). Un gremlin leur a subtilisé la partition du morceau prévu indique Laurent. D’où ce standard qu’ils peuvent jouer sans partition. Attaque curieuse d’Eric. Il oublie des notes, raccourcit un thème déjà bref. Ca semble voulu pour surprendre . Il n’est que 23h15. C’est dire s’ils sont en avance pour ce thème. Eric est un peu juste pour le suraigu mais se remet en place aussitôt après.

« Que reste t-il de nos amours ? (Charles Trénet). « I wish You love » pour les Américains. Seul Le Lann sait jouer aujourd’hui ces vieilles chansons françaises avec autant d’intensité, de nostalgie. Ce n’est pas du musette même si Eric s’amuse à chanter « Que reste t-il de nos amours ? ». Laurent grogne de joie pendant son solo. Final rêveur, nostalgique à souhait.

Un standard dont le titre m’échappe. Retour en Amérique. C’est toujours très beau mais le coup de barre du samedi soir me frappe subitement. J’écoute en m’endormant et réciproquement. Eric monte en puissance, en densité émotionnelle vers le final. La trompette brûle, sèche. Le piano devient liquide, adoucit.

De Wilde reprend piano et clavier caché en même temps pour « Today I fell in love » d’Eric Le Lann. Un morceau funky, sans basse, ni batterie. Ca tient sur le fil du rasoir mais ça tient. C’est chaud. Des spectatrices claquent des doigts. D’autres sifflent. Après un raté, Eric se reprend et repart superbe et généreux. Le morceau ne cesse de se lancer, de repartir. Un dernier éclair de trompette, un dernier accord de piano et c’est fini.

PAUSE

J'ai obéi au coup de barre du samedi soir et je n'ai pas assisté au 3e set.J'avais fait le plein de beauté et d'émotion pour la nuit. Merci à Laurent de Wilde et Eric Le Lann pour avoir partagé ces instants avec nous.


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