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Les pieds dans l'eau pour voyager en Russie

Par Tred @limpossibleblog
Les pieds dans l'eau pour voyager en RussieDimanche. Un sale temps régnait sur Paris. De l’eau, de l’eau, et encore de l’eau. Les parapluies étaient de sortie et s’entrechoquaient sur les trottoirs parisiens pour éviter les gouttes. Au programme pour moi, deux films, dont le premier me faisait aller jusqu’au MK2 Beaubourg, Le dernier voyage Tanya. J’ai l’habitude d’aller à Beaubourg à pied à moins qu’il tombe des trombes d’eau. Dimanche, ce qui s’écoulait des nuages ressemblait plus à une forte bruine qu’à une vraie averse, et plutôt que le bus ou le métro, mes jambes seules me conduisirent au cinéma de la rue Rambuteau.
Si le billet que je consacre au beau film d’Aleksei Fedorchenko parle pluie, c’est parce que finalement, j’aurais peut-être du prendre le métro pour m’y rendre. Arrivé au MK2 Beaubourg, je me rendis compte, après ces 20 minutes de marche, que l’eau avait eu raison de mes baskets et avait réussi à les transpercer pour aller titiller mes chaussettes. Ouf, au moins, je suis au chaud maintenant. Erreur. Après avoir pris nos places, mon amie et moi apprenons avec quelques autres gens, alors que nous patientons dans le hall à quelques minutes de la séance, que nous devons attendre dehors, « sous le porche » nous dit Monsieur MK2. Bon, okay, allez, on suit les instructions. En sortant, on cherche le porche… non il n’y a pas de porche devant le cinéma, il faut aller sur la gauche et se cacher à un endroit duquel on ne voit même pas le cinéma sauf en se mettant sous la pluie. Un coup à se faire doubler par tout le monde, et les petites salles de Beaubourg, je connais, hors de question de rentrer le dernier dans la salle.
Tout le monde semble penser comme nous et reste du coup sous son parapluie devant le cinéma, ce qui commence à agacer monsieur MK2. « Mais allez sous le porche là-bas plutôt que de rester sous la pluie ! ». Quelques secondes plus tard, il sort pour annoncer que les spectateurs attendant pour Nostalgie de la lumière (que je n’ai toujours pas vu !) peuvent entrer en salles, mais il semble que tous ceux patientant dehors sont là pour accompagner Tanya dans son dernier voyage. Monsieur MK2 s’agace un peu plus, zigzague entre les parapluies en rentrant et lâche « Vous voyez pas que je me mouille là ? ». Ce qui provoque une réponse blague d’une des spectatrices attendant sous la pluie, « Vous inquiétez pas, ça fait poussez les cheveux », sans aucune médisance de sa part, d’ailleurs Monsieur MK2 ne perd pas ses cheveux.
Mais Monsieur MK2, s’il a tous ses cheveux, n’a pas un grand sens de l’humour. Il prend mal la remarque de la dame, sexa ou septuagénaire. « Ce n’est pas parce que vous êtes vieille que vous pouvez vous montrer malpolie madame », lui sort-il la mâchoire crispée. « Pardon ? » lui demande-t-elle. « Ce n’était pas méchant, et c’est vous qui vous montrez malpoli là ». Monsieur MK2 ne l’entend pas ainsi et lui murmure quelque chose dans sa barbe que je n’entends pas avec l’agitation de tout ce beau monde attendant sous la pluie alors que maintenant, ça y est, il est 13h20, l’heure de la séance, mais nous restons toujours sous la pluie.
Finalement quelques instants après, monsieur MK2 annonce que les spectateurs attendant pour Le dernier voyage de Tanya peuvent entrer. Le mouvement vers les escaliers se fait, la dame ayant suscité l’ire de monsieur MK2 passe au contrôle un peu avant moi, et au moment où j’y passe, elle est déjà quelques mètres en avant, et lorsqu’il déchire mon ticket, monsieur MK2 dit à sa collègue : « Cette dame la prochaine fois qu’elle vient je refuserai de lui vendre un billet ». Drôle d’idée.
Avec toutes ces histoires de politesse, j’en aurais presque oublié mes pieds trempés. Mais arrivés en salle, posé au chaud au troisième rang de la salle 4, je retire mes baskets et constate les dégâts : mes chaussettes sont bien mouillées à l’intérieur. Zut. Même si cela me paraît étrange, pas d’autre solution, je suis les conseils de mon amie : je retire chaussures et chaussettes et regarde le film pieds nus, sans que la petite vieille un peu plus loin sur notre gauche ne s’en aperçoive ou s’en soucie.
Ainsi déchaussé, je m’aventure avec Aïst, Miron et le corps de sa femme Tannya sur le siège arrière, sur les routes des Meria. Un voyage vers le repos éternel, vers les rites ancestraux d’un peuple slave qui s’éteint à petits feux. Un voyage vers l’inconnu, lent, court, inéluctable, traversé de mélancolie. Monsieur MK2 ferait mieux d’y jeter un œil, pour comprendre qu’il a mieux à faire que de s’accrocher avec une spectatrice pour une si futile raison. Moi mes pieds se sont réchauffés, mes chaussettes ont un peu séché, et je suis reparti pieds nus dans mes baskets sur les trottoirs parisiens. Vers un nouveau film que j’ai bien l’intention de voir, une heure plus tard, avec des chaussettes au pied…

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