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Obama, la fin du rêve

Publié le 09 novembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Obama, la fin du rêveSans consulter la boule de cristal j’annonçais dans ma Lettre de rentrée fin août que l’un des changements majeurs que nous allions vivre dans les mois à venir serait la chute d’Obama. Nous y sommes, et la défaite a une ampleur inattendue.

Inattendue bien évidemment par l’intelligentsia française, atterrée par le « revirement » de l’électorat américain. Certains comme Bernard Henri Lévy n’hésitent pas à voir dans cette revanche de « l’extrême droite » une résurgence du racisme, du fanatisme, voire de l’esclavagisme caractéristiques de ce peuple, le même que l’on admirait naguère pour s’être donné un Président noir.

On dit qu’Obama aurait pu faire de grandes choses s’il n’avait dû assumer une crise financière sans précédent. Le « Yes we can », qui manquait d’ailleurs de précision, s’est mué en « No, we cannot ». Mais l’impuissance du Président et de son administration a surtout tenu à l’inexpérience, à l’« empirisme », sinon à l’idéologie, que masquait difficilement une arrogante prétention. Martin Luther King avait un rêve, Barak Obama vendait du rêve. A quel prix ?

S’agit-il du bilan économique et de la façon dont la crise a été gérée par Washington ? Le « stimulus » a coûté 700 milliards de dollars ; mais il n’y a pas eu de relance, et le chômage durable est aujourd’hui le plus élevé que les Etats-Unis aient jamais connu depuis des décennies, et il est loin de diminuer. Parallèlement les finances publiques ont été totalement bouleversées, avec un déficit égal à la moitié du budget. Le Trésor américain ne s’en sort qu’avec des crédits accordés par la Fed, de sorte que le dollar est une monnaie en passe de s’effondrer.

Le bilan social est aussi décevant. La grande affaire du mandat Obama devait être la « réforme de la sécurité sociale », dit-on chez nous. Mais d’une part, il ne s’agit que d’une réforme de l’assurance maladie ; le système des retraites (« Social Security » pour les Américains) n’a pas été concerné ; il est couvert par des mécanismes classiques de capitalisation. D’autre part, il est déraisonnable d’imaginer que les Américains ont désormais une bureaucratie monopolistique et centralisée semblable à notre chère Sécu. Il n’en est rien, et le texte proposé par l’administration Obama, accepté avec grande réticence par une majorité parlementaire pourtant démocrate, en dépit de ses 2.700 pages, ne résout rien, et ne constitue en rien un « progrès social ».

Reste enfin le bilan diplomatique. Obama apparaissait comme celui qui pouvait changer les relations avec le monde arabe et ramener la paix au Moyen Orient. Il devait fermer Guantanamo, il ne l’a pas fait, au grand dam des gauchistes « libéraux » américains. Il devait sortir les Etats-Unis des guêpiers irakien et afghan, il a été amené à renforcer le contingent US en Afghanistan. Il devait faciliter les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens, il n’a rien pu faire. Il n’a pas su tenir tête au fanatisme agressif d’Ahmadinejab.

Ainsi Obama a-t-il été critiqué et rejeté aussi bien par ceux qui pensent qu’il en a trop fait que par ceux qui croient qu’il n’en a pas fait assez ; aussi bien par la gauche socialiste, écologiste que par la droite conservatrice. Les déceptions ont été évidemment plus fortes du côté de ceux qui croyaient en lui, comme les électeurs démocrates de Chicago. En face les « tea parties » ont mobilisé ceux qui voyaient avec inquiétude voler en éclat les principes moraux inscrits dans la Constitution et dans l’histoire des Etats-Unis. Le camp des démocrates est en déroute, reste maintenant au camp des Républicains à s’organiser pour qu’Obama n’ait pas un second mandat en 2012.

Que signifie pour le reste du monde, pour l’Europe et pour la France, la déchéance d’Obama ?

La « diplomatie unilatérale » a vécu, mais peut-être depuis plusieurs mois : les Etats-Unis n’ont plus les moyens ni les sympathies qui leur permettraient de guider le monde. Les pays émergents veulent leur place dans le concert mondial. L’Europe, visiblement, n’a ni la vigueur ni la vision qui lui permettrait de s’imposer. Et le Moyen Orient est toujours une poudrière qui nourrit le fanatisme et le terrorisme.

Une fois de plus, la seule force qui puisse agir dans le sens de la paix est aujourd’hui la solidarité économique créée par la mondialisation. Encore faut-il que les Etats reviennent à ce qui a créé la prospérité et la compréhension entre les peuples depuis vingt ans : le libre échange et la libre entreprise. La crise n’a pas réellement détruit le marché, et c’est heureux. Mais elle a mesuré les échecs des Etats.

Dernière leçon qui nous vient d’Outre Atlantique, et que l’on ferait bien de méditer en France : une vraie démocratie ne s’accommode pas d’un pouvoir personnel et personnalisé. On dit que les Etats-Unis ont un régime présidentiel. Mais ils ont aussi un contre-pouvoir parlementaire dont on voit aujourd’hui (comme souvent dans le passé) l’efficacité. Et ils ont un état de droit qui évite de confondre République et Monarchie.

Article repris depuis la Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.


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