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L’audience : un territoire de pouvoir (Rencontre Médiamétrie 2010)

Publié le 24 novembre 2010 par Lilzeon

Hier soir, Médiamétrie conviait le gotha des médias à venir discuter et participer à leurs rencontres 2010 intitulées :

Vive en numérique. Eclairages et réflexions sur le public des médias à l’heure du numérique.

La conférence était divisée en plusieurs modules, qui alternaient prises de position “expertes” de Mediamétrie et débats avec des grands noms du paysage médiatique français :

  • En 5 ans, le numérique à tous les étages
    Charles Juster
  • - Nouveaux comportements médias :
    le différé s’invite dans l’audience
    Benoît Cassaigne
  • - Applis et sites mobiles :
    nouveau marché, nouvelle mesure
    Laurent Battais
  • – L’innovation dans la mesure :
    en avant l’hybride !
    Philippe Tassi

C’est ensute à un débat sur la problématique “Avec le numérique, quels contenus pour toucher le public sur
tous les canaux ?
” qui s’est déroulé avec notamment :
Pierre Bellanger (Skyrock), Yannick Bolloré (Bolloré Média, Direct 8), Christophe Lambert (EuropaCorp), Bruno Patino (France Télévisions), Marie-Laure Sauty de Chalon (auFeminin.com) et Alain Weill (NextRadioTV)

De manière globale, j’ai un sentiment extrêmement mitigé après ces différents échanges, on stage et off record.

3 points d’agacement sur les messages laissés suite à ces rencontres :

  • une confusion forte entre publics et audiences : on a beaucoup (trop) parlé d’exposition, de messages délivrés à des gens qui n’attendraient finalement que ça, d’émissions finalement plutôt que de la problématique de la réception (hormis Pierre Bellanger qui était une fois de plus au-dessus du lot)
  • un monopole de la parole par des producteurs de contenus vidéos, venant de la télévision. Bien sûr, ces contenus vidéos deviennent de plus en plus importants dans des logiques de brand content, d’usabilité des sites ou des nouvelles formes de consommation. N’empêche qu’on a ommis une fois de plus de se poser la question de la proposition de valeur ; seul Bruno Patino de France Télévisions a abordé de loin ce sujet, mais faute d’exemples concrets (il vient d’arriver…), son discours était plutôt raillé. Dommage. Je rappèlerai que recevoir une pub Speed Rabbit Pizza aussi en 3D et aussi en pre-roll, ça m’agace toujours autant
  • une ignorance des nouveaux outils de mesure, notamment venant du monitoring des conversations. Et là le problème de fond est perceptible. Chez Médiamétrie (comme chez leurs concurrents, d’ailleurs), on parle de département internet, pas web. On parle donc des tuyaux, des cables. On tague les contenus, et on voit où ceux-ci sont consommés. C’est utile, évidemment. Sauf que les gens prennent ces contenus, les propulsent, les transforment. Quid d’ajouter ces metrics dans les mesures d’audience ? Ne pourrait-on pas -un jour- introduire ces éléments d’expérience réelles des internautes ? Qui en France, sont les plus gros consommateurs de messagerie instantanée : qu’y font-ils ? pourquoi des contenus fonctionnent, ou d’autres non ? Quelles sont les multiples vies d’une même histoire ?

A l’issue de ce type de conférence, on oublie donc pourquoi la presse écrite fonctionne toujours aussi bien, voire mieux qu’hier (bah alors, on écrt du texte essentiellement, et on est toujours pertinents : WHY ?).

Les notes prises hier, en vrac :
On introduit la conférénce avec le profil de 2 “Persona” : Orianne et Tom
- Orianne, maitrise son environnement numérique. Elle lit aussi les médias classiques grâce à ses parents. Les 15-24 ans cumulent donc de nombreuses pratiques

La vie numérique d’Orianne :
- suréquippé en internet
- enregistreurs vidéos pour consultation en différé
- équipement TV HD x10 depuis 2006

dépenses multimédia : 2904 €
406 € pour foyers avec enfants de moins de 15 ans dédiés à internet
9 jeunes habitant chez leurs parents sont reliés à un réseau social en ligne
Orianne regarde ses séries préférées sur un écran indépendant de celui de ses parents -4 jeunes sur 10 ont regardé des programmes TV sur un autre écran que le téléviseur

Orianne va voir ses grands parents. Curieusement, on voit que si les Italiens et les Espagnols sont + équipés en smartphones, ils ne se connectent pas + à Internet
30% des 65 ans et + se connectent énormément à internet (3 fois + qu’en 2005)

Tom a 31 ans et vit seul chez lui. Tom regarde la TV, lit davantage la presse et regarde plus de DVD. Il écoute moins de musique, de téléphonie mobile et d’internet que les + jeunes. Il consomme par an 2475 € dans les médias + multimédias.
Tom est inscrit à un site communautaire. Il écoute de la musique en ligne, télécharge des podcasts, regarde parfois la TV en live sur un autre écran que le téléviseur comme 25§ des 25-34 ans.
Jason, son cousin US, regarde lui 4h40 la TV, avec un regain d’intérêt chez les jeunes. Ses parents vivent à Annecy. Ils ont une offre élargie aux programmes TV. Comme plus d’1/3 des jeunes de son âge, il est inscrit sur copainsdavant. Il y a rencontré de nouveau Orianne. Ils se sont ajoutés sur Facebook. Tom réfléchit au cadeau qu’Orianne va lui offrir. Un Ipad ? 7 hommes sur 10 sont intéressés pour acheter une tablette.

Orianne et Tom ont emménagé ensemble. ils sont davantage en contact avec la radio, la TV et la téléphonie mobile. Ils vont de nouveau plus au cinéma. Notamment pour aller voir des films en 3D.
Leurs dépenses médias et multimédias sont revenues dans la moyenne. Avec des dépenses supérieures dans la presse et dans le cinéma.

On notera donc que le temps connecté de Tom & Orianne est en fait majoritairement dédié non pas à des activités passives (regarder des vidéos) mais à du chat, du lien social, de la découverte, de l’information…

Benoit Cassaigne sur les nouveaux comportements médias : le différé s’invite dans l’audience
A partir de janvier 2011, le différé va s’insérer dans la mesure d’audience de la télévision. Grâce aux nouveaux équipements, aux nouvelles offres et aux nouveaux moyens de diffusion de la TV.
Aujourd’hui, il y a DES façons de regarder la TV. La croissance forte des PVR  avec disques durs explique l’usage du différé, qui représente 7 minutes par jour en moyenne. Sur les cibles plus jeunes, on voit ce chiffre monter à 12 minutes !
Comment mesurer le différé ?
Par le watermarking, né il y a 2 ans chez Médiamétrie.
Une technologie qui insère une marque dans le flux des programmes (une marque audio inaudible à l’oreille humaine, diffusée dans les foyers et captés dans les décodeurs).
Une identification de la chaine et l’horaire de diffusion : le différentiel horaire d’émission initiale comparée à la diffusion réelle  permet de calculer les indicateurs de différé.
71% des panélistes sont équipés de l’audimètre nouvelle génération.
Plusieurs formes de différés :
1- enregistrement privé
2- time shifting
3- la tv de rattrapage sur internet(usage majeur)
4- la tv de rattrapage via le téléviseur

Pour 1 & 2, prise en compte par médiamath. Pour 3 : eStat.

Les conventions TV se mettent à l’heure du différé : seuil entre direct et différé = 1 min
Audienece veille : J+1
Audience consolidée : nouvelle référence consolidant les résultats après réaffectation sur 7 jours

Quel impact sur l’audience ?
3 min de +, 4’30 pour les 25-34 ans

La catch-up TV : en 2012, mesure de la catch-up sur TV. A travers le watermarking en mode fichier (capacité d’intégrer une 3ème info : le programme. + NG Wireless : parvenir à prendre l’info de tous les appareils communicants dans la maison).

Le différé, c’est aussi en radio : en 2000, quasi 0 minute de réécoute. Désormais, on assite à un phénomène exponentiel via internet. Cf : 13,5 millions de podcast (eStat) en septembre ont été téléchargés.
Les nouveaux supports d’écoute se développent : l’écoute en streaming a progressé de 49% (1,212 million auditeurs) ou via téléphone mobile (+75% en 2 ans)

Pour Médiamétrie, un objectif : valoriser l’audience des médias à l’ère du numérique.
Question : la publicité avec le différé, quel impact ? La pub continuerait à être vue en différé…

Laurent Battais : applis et sites mobiles / nouveau marché, nouvelle mesure
Nous sommes 47,4 millions à en utiliser
Le device crée l’usage
68,2 % des équipes smartphones et 98% des équipés iPhone vont se connecter sur l’internet mobile
5 millions d’individus ont téléchargé une application sur le dernier mois. Cette progression rapide dépend du téléphone. Sur l’ensemble des équipés : 12%, en équipé Android, 62%. En iPhone, 88%.
La nouvelle mesure d’audience de l’internet mobile :
- pouvoir mesurer l’ensemble des téléphones connectés au réseau opérateur, hors Blackberry

Audience par catégorie :
- portails, 78,8%
- divertissement
- télécom, 52,8%
- Actualité , 34,1%
- voyages/localisation : 21,4%

Classement top 20 “parents” :
- google
- Orange
- Facebook
- SFR
- Bouygues Télécom
- Apple
- Pages Jaunes
- Microsoft
- Yahoo
- Wikimedia
- Lagardère
- TF1
- Iliad
- SNCF
- Vivendi
- Dailymotion
- Allociné
- Groupe Le Monde
- Météo France

Sites ou applications ? Aujourd’hui, les 2

Amandine Cassi : zapping de la TV dans le monde
Money Drop sur Channel 4

The Voice of Holland

Minute to win it

101 ways to leave a game show

Table ronde
Avec le numérique, quels contenus pour toucher le public sur tous les canaux ?

Pierre Bellanger, interrogé sur l’avenir de Skyblog (qui fait plus de CA en ligne que sur la radio). Skyblog, un réseau social ? Doit-on cibler au maximum ces internautes ? Jusqu’où aller en termes de communautés ?
Réponse :
1er réseau social. Evidemment un réseau social car les utilisateurs échangent et se rencontrent. PB est étonné qu’on parle de contenu aujourd’hui : pour un contenu, il faut un contenant. Internet n’est pas un contenant. Il y a des sources, mais cette source va être réutilisée, repackagée. Donc s’agissant du destin des contenus, dans un univers où il n’y a pas de contenant, on a de quoi s’inquièter.
Entre FB, et Skyrock, il y a 2 approches : sur FB, un formidable annuaire mondial d’identités avec leurs contacts réels. Sur Skyblog, une nouvelle génération créative, sous pseudo. 2 réseaux complémentaires. Des expressions privées, dans un entresoi sur Sky. Les premiers réseaux sociaux, dans la fin des années 90, s’adressait à des communautés (afro-américaines, etc.). Après, des réseaux générationnels comme Skyrock. Enfin, des réseaux réels, comme Facebook. Ce sont des services complémentaires, on ne parle pas de sous-réseaux mais comme dans la vie réelle, on a  plusieurs identités. Une sphère publique, et des sphères privées. 2011 : une reprivatisation de la vie privée, pour sûr. La multitude recrée le besoin de vie privée. Le terme “média traditionnel” est à bannir. Les gens des médias sont en mutation, avec une mutation des réseaux de distribution qui font évoluer leurs destins. Pour Skyrock, la liberté d’expression, ce sont les blogs, pas la web-radio.
Ce qui est clair, c’est que dès-lors que quelque chose est duplicable, elle est gratuite. Difficile de trouver des modèles économiques alors que plus de contenants. Sur internet, pour gagner sa vie, il faut du non duplicable :
- être le plus rapide
- les réseaux sociaux et les communautés car difficiles à dupliquer
- les services : c’est le service qui va être acheté et qui va payer les sources

Marie-Laure Sauty de Chalon de Au Féminin / web tv
“Nous n’avons pas de problèmes d’audience. Les contenus cuisine ont par exemple explosé. Les médias se juxtaposent, s’interconnectent. Demain, nos contenus vidéos seront intégrés dans le site. Une consommation transversale, qui nous conduit à penser des produits presse. Par exemple, Marmitton se lance en print.”
“Il est moins facile d’interagir en vidéos directement. Néanmoins, les utilisateurs mélangent leurs contenus. On s’est lancés sur de la production traditionnelle, mais aussi sur de l’invention originale, ou en travaillant avec internautes. On essaie tout. Pour l’instant, l’audience croit sur des thématiques, qui en vidéo fonctionnent sur des rubriques très différentes que sur AuFeminin (ex : la cuisine en vidéo est meilleure que la grossesse dans les autres rubriques). Nous sommes un média de stock, pas de flux. Ce niveau de qualité nous permet de nous adapter. Au Féminin taquine les algorythmes afin de concurrencer YouTube ; il n’y a pas de transparence, et les phénomènes sont étonnants. Google favorise les vidéos de YouTube, bien sûr.”

Bruno Patino , en charge du projet numérique de France Télévisions
Il ne croit pas au contenu, mais aux expériences, et aux usages. Un contenu est associé à un contexte et à une technologie
Les expériences qui peuvent convaincre nos contemporains sont limitées.
Si la TNT a été vécue comme une révolution, que seront les conséquences de la TV connectée ?
La TV était un partage un peu théatral : unité de lieu et de temps. Toute l’économie du secteur est basée dessus. Tout a changé.

Alain Weil (Next Radio TV) qui vient de lancer BFM Business. BFM est diffuseur d’information : les moyens sont importants, les nouveaux entrants sont moins agressifs. On voit beaucoup d’opportunités :
- info généraliste
- sport
- business
- high-tech

La radio a été le premier média dématérialisé, notamment. La télé connectée permettra aux expatriés d’être connectés à BFM, dans l’information, c’est possible. Internet, “ça bouge tout le temps”.

Bolloré / Direct 8 :
Notre stratégie : créer des médias de contenus. On pense que les marques ont + que jamais leur rôle à jouer en tant que prescripteur. En reprenant Virgin 17 : une façon de décliner notre marque, en multisupport.
La TV a d’abord été lancé sur le net, sur smartphones, sur les tablettes puis seulement après sur la TV.
Annonce : appel à candidature du CSA 99,9 afin de reprendre Fréquence Sport pour avoir une radio
Direct Star : on essaie de vendre une affinité. On regarde donc l’affinité des – de 50 ans. Des femmes responsables des achats. Afin de vendre autre chose.
Le marché publicitaire de l’internet = 1 milliard hors search, alors que le marché du service (e-commerce) = 30 milliards. Le display évolue vers les pubs pré-roll. L’intuition de Bolloré : les grands gagnants seront les éditeurs de contenus vidéos. Qui mettront ensuite sur le web à moindre coût le contenu vidéo. Donc pour Bolloré, les éditeurs financent plus de 100% des contenus, c’est donc aux éditeurs de toucher 100% des revenus.

Christophe Lambert, d’Europacorp : l’économie de la TV n’est pas celle du cinéma
On a le choix : soit de passer par le régulateur. Dans le média culturel, on ne peut seulement se fier à la loi du marché. La France a su protéger cette valeur. Malheureusement, si le prix baisse, la valeur baisse. Personne ne remet en cause la loi Lang sur le livre
Aujourd’hui, les producteurs sont des idiots : ils mettent le même contenu sur toutes les plateformes. Il faut parvenir à recréer de la rareté. Il faudrait s’inspirer du luxe, notamment de l’industrie du champagne.
Quid de la voie du brand content ?
C’est une évidence pour Christophe Lambert. La vision derrière ça : les annonceurs vont financer l’industrie du divertissement et l’industrie créative. Sur le long terme, le brand content. Sur le court terme, la publicité n’est que tactique pour générer de l’activation commerciale. En travaillant avec l’industrie créative : les consommateurs choisissent par eux-mêmes le programme.

Philippe Tassi : en avant la mesure hybride
Historiquement, les paradigmes de la mesure :
- exhaustive, avec le recensement
- fin XIX : étude et observation d’échantillons
- règles scientifiques d’extrapolation
- protocole unique et fixe d’observation : monosource
- dès 1950 : sont apparues 2 approches /
- sources différentes : des informations émanant de sources différentes
- apport des modèles mathématiques : un mix

La mesure hybride : un mélange des sources d’information de nature et de niveaux de granularité et de connsiaances différents. Comme en génétique, où on croise 2 objets différents pour en créer un nouveau. Une source enrichie.
Quand on cherche à expliquer la durée de search : on cherche un lien de causalité entre 2 variables. On redresse ensuite sur un échantillon sur des variables additionnelles, venues d’entités extérieures. Une contrainte néanmoins : il faut des composants initiaux de très bonne qualité.
Une évolution inélecutable : développement des méthodes. Transferts de savoirs. En média, la diversité des offres doit conduire à la question suivante : doit-on tout mesurer ? Doit-on utiliser le même protocole ? Alors que les SI sont de + en + complexes, ainsi que les stratégies des acteurs. Et parce que l’apport des nouvelles technologies nous fait revenir sur des résultats exhaustifs, sur des champs parfois partiels.

1970 : CESP + OJD
1980 : Approches bi-sources, précurseurs des systèmes transmedia
1980 : l’audimat + / plus seulement le nombre de postes allumés : audimat + dispositifs individuels d’enquêtes individuelles
1998 : probabilisation via 75000 radio + Panel
2007 : standard 3 :
modélisation des comportements des internautes qui se connectent depuis un autre lieu.
Tous les usages dénombrés en site/centric
2008 : mediaplanning réalisé pour Audiweb en Italie
2010 : Audience de l’internet mobile
2011 : mesure du streaming

En conclusion : quand on a une information auxiliaire, il faut l’utiliser. 2 voies possibles !

- un système général d’informations
- juxtaposition de systèmes distincts à synthètiser


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