Résumé : Suite à la mort de Dumbledore, Voldemort a commencé à prendre le pouvoir au sein du ministère de la magie, commençant une traque sans merci des « sangs de bourbe ». Sans la protection de Dumbledore, Poudlard n’est plus un sanctuaire pour Harry et ses amis, qui sont bientôt obligés de fuir sur les routes, poursuivis par les Mangemorts. Leur seul espoir est de découvrir les horcruxes restants, ainsi qu’un moyen de les détruire, pour enfin pouvoir mettre un terme au règne de terreur de Voldemort…
L’annonce de la coupure en deux films de l’ultime aventure du petit sorcier puait à des kilomètres à la ronde le coup marketing destiné à continuer d’exploiter la poule aux œufs d’or. Mais si les intentions de Warner ne s’effacent pas après visionnage, il faut avouer qu’au final cette coupure s’impose en fait comme une évidence, puisque cet avant-dernier film se place immédiatement comme l’un des meilleurs de toute la saga (quasiment à égalité avec l’opus de Cuaron). Et pourtant, il y avait de quoi avoir peur, vu que David Yates reprenait les commandes du film pour la troisième fois, après avoir foiré un climax majeur (la mort de Sirius Black dans Le Prince de Sang-Mêlé) et transformé l’épisode précédent en une teen comédie, certes visuellement somptueuse, mais oubliant de développer des éléments très importants de l’histoire. Mais ici, le réalisateur fait des merveilles, s’adaptant parfaitement au ton volontairement lent et dépressif de cette première moitié de l’histoire. Car ici, contrairement à l’épisode précédent, il n’est pas question de rire ou de batifoler. Les événements sont dramatiques et les repères habituels de la série sont entièrement chamboulés, à commencer par le fait que les héros sont pourchassés et ne peuvent pas revenir à Poudlard. La magnifique et très émouvante scène d’introduction marque d’ailleurs ce changement radical, notamment au travers du personnage d’Hermione, obligée de « s’effacer » de la mémoire et de la vie de ses parents pour les protéger. Ici, les trois héros sont perdus, pourchassés, à bout de ressources et d’idées, et ne peuvent pas compter sur les conseils de Dumbledore. La menace de Voldemort et des Mangemorts est présente tout du long, et Harry et ses amis subissent constamment le contrecoup des événements dramatiques du précédent film. Yates en profite aussi pour renforcer la pertinente analogie entre la prise de pouvoir de Voldemort et la montée du nazisme (croyance en une idée de race supérieure, arrestations arbitraires et procès expéditifs des « traîtres », marquage des « sang de bourbe »), ce qui fait définitivement de cet épisode le plus sombre de toute la série. Un respect du matériau de base qui fait plaisir à voir, mais qui le déconseille aux plus jeunes spectateurs qui auront certainement du mal à appréhender une intrigue complexe, sombre et assez lente.
L’aspect visuel du film est des plus soigné, ce qui était déjà le cas dans les précédents, mais prend une autre ampleur ici. Yates préfère ici une photographie volontairement grisâtre et déprimante, parfaitement en phase avec le récit qu’elle illustre. Il utilise aussi énormément les décors naturels, projetant Harry et ses amis dans le réel, ce qui tranche radicalement avec les autres films. Enfin, il semble beaucoup plus à l’aise avec les scènes d’action, et emballe quelques excellents moments de bravoure. Il se permet même d’insérer en milieu de film une séquence animée pleine de poésie, qui n’est pas sans rappeler l’introduction du génial Hellboy 2 de Guillermo del Toro.
Mais le gain principal du film par rapport aux autres, c’est justement sa lenteur, qui permet enfin aux personnages de respirer et de vivre sous nos yeux. Yates n’a plus besoin de sacrifier les personnages aux dépends de l’intrigue, ni de zapper des moments clés de celle-ci. On sent que le réalisateur a plus de liberté, et il parvient à équilibrer harmonieusement les quelques moments de bravoure (la course-poursuite en début de film, l’infiltration dans le ministère de la magie, l’affrontement final contre les Mangemorts) et d’autres scènes plus intimistes (la très belle scène de danse entre Harry et Hermione, au cours de laquelle les deux amis tentent de se réconforter temporairement). Et c’est d’autant plus agréable que les trois acteurs principaux ont énormément progressé dans leur jeu et sont plus justes que jamais. Daniel Radcliffe est beaucoup moins binaire qu’à l’accoutumée, et retranscrit parfaitement le dilemme de son personnage, tiraillé entre son devoir « d’élu », la peur de voir ses amis souffrir, son chagrin suite à la mort de Dumbledore. Rupert Grint gagne du galon en même temps que son personnage, et démontre qu’il est capable d’être autre chose que le faire-valoir comique de la série. Mais c’est surtout Emma Watson qui impressionne, notamment parce que pour la première fois, on a l’impression de voir une jeune femme à l’écran, et plus une adolescente. Son personnage est beaucoup plus attachant et moins agaçant, surtout lorsqu’elle se retrouve obligée de faire un choix entre son amour pour Ron et la quête d’Harry.
Enfin, en se terminant sur une note mélancolique plutôt que sur un cliffhanger insoutenable (ce qui aurait été facile en coupant le film 10-15 minutes), cette première partie d’Harry Potter et les Reliques de la Mort évite de laisser le spectateur trop sur sa faim. Un respect du public assez rare, pour un film qui offre bien plus que ce que l’on n’attendait d’un Harry Potter. Vivement la suite (et fin) !
Note : 9/10
USA, Royaume-Uni, 2010
Réalisation : David Yates
Scénario : Steve Kloves
Avec : Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint, Ralph Fiennes, Bill Nighy, Alan Rickman, Helena Bonham Carter