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My Beautiful Dark Twisted Fantasy

Publié le 24 novembre 2010 par Deschibresetdeslettres
My Beautiful Dark Twisted Fantasy
Je ne vais pas vous le cacher, si je me décide à écrire quelques lignes sur le dernier Kanye West, c'est aussi pour faire des visites. Impulsion sans doute cohérente avec le personnage traité. J'ai en fait assez peu écouté My Beautiful Dark Twisted Fantasy, je ne me suis même pas bien renseigné dessus. Pas d'offense, je fais donc juste un message de petit con. De petit con déçu. Pas vraiment déçu par Pitchfork et consorts, à la limite on pouvait assez facilement venir voir la chose. Non, déçu parce que là où Kanye West exerçait encore sur moi une fascination puissante sur 808's Heartbreak, là il m'indiffère de manière relativement homogène. J'aime son côté mégalo au cœur tendre, son côté amoureux bizarre de sa maman ; il y a vraiment quelque chose de très beau, au fond, dans cette espèce d'exposition maximale percée en son centre par un pic d'intimité inquiétante. Seulement il faut qu'il y ait correspondance entre l'homme et les objets qu'il produit, et un personnage trouble requiert des disques troubles, difficiles, contradictoires. De fait, le déluge de 10/10 de la presse m'inquiète. Parce que le dix, c'est la note pleine, ronde, sans ambiguïté. Pas grand chose ne lui est opposé, rien  n'est véritablement mis en balance. Tout ce qu'on lit, saisit et entend est plutôt pauvre, simple. Pas de tension manifeste, rien qui puisse déchirer un public. On se retrouve ainsi face à un disque-slogan : « je suis génial » – repris en écho par tous : « il est génial ». Et je ne vais même pas rentrer dans un débat là-dessus (ou alors de manière lapidaire, Kanye West étant pour moi un excellent producteur mais pas un prodige), parce que mon envie de parler se dirige ailleurs : vers la question de  savoir si oui ou non ce nouvel album est incarné. Et à cette question je réponds subjectivement non.
Beaucoup de featuring, de dragues de publics, de samples clin d'œil avec des digressions mesurées, des expérimentations toisées... My Beautiful Dark Twisted Fantasy souffle des vents centrifuges et respire le populisme haut-de-gamme.  C'est la façon qu'à Kanye de compenser ses lacunes face à son ambition : devenir la plus grande star de la pop, après Michael Jackson, sans savoir danser ni chanter. Les méthodes de suppléance sont intelligentes, rigoureusement bien menées, mais l'analyse de succès est insuffisante, car là où Michael Jackson avait pour de bon réussi à susciter une mythologique unique, c'est dans l'acceptation générale du monstre qu'il était. Or, s'il y a du monstre en Kanye West, c'est dans l'espèce d'insaisissable mainstreamo-romantique égocentré et assez répulsif qu'il possède, et cette substance n'est que trop peu invoquée dans son dernier album – dans "Runaway" et "Blame Game" tout au plus. Pour cette raison, 808's Heartbreak reste à mon sens un disque plus précieux : celui-ci possède de nombreuses horreurs, les pires commises par son auteur, et à celles-ci se frottent ses morceaux les plus avant-gardistes et le plus émouvants – "Say You Will" en tête. Cette confrontation du meilleur et du pire dans un disque malade, voilà quelle était la dernière révélation de Kanye West, qu'il devenait lui aussi un monstre comme son idole (Ce que Graduation annonçait d'ailleurs déjà). Mais la mutation a raté, puisque malgré le concert de louanges qui entoure My Beautiful Dark Twisted Fantasy, nous n'avons plus affaire qu'à un – grand – disque de producteur gentiment désaxé, un disque qui programme l'unamité au lieu de la voir germer dans sa folie singulière. C'est en somme l'histoire d'un chef d'œuvre tout de même hors-sujet.
PS : Lu à l'envers, ce billet pourrait aussi être une défense (très inattendue) du dernier Sufjan Stevens. Je m'en surprends moi-même.

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