Walter Helmut Fritz, qui est décédé le 20 novembre dernier à l’âge de 81 ans, était trop peu connu en France, en dépit de quelques traductions, notamment le livre Cortèges de masques paru chez Cheyne en 2004. Souhaitons que le lecteur français puisse un jour approfondir sa connaissance de cette œuvre, grâce aussi à d’autres entreprises de traduction, comme celle de Laurent Margantin déjà publiées par Poezibao.
Né en 1929 –un grand cru pour la littérature allemande, puisque cette année vit naître Christa Wolf, Heiner Müller, Hans Magnus Enzensberger ou Peter Rühmkorf – il a grandi et vécu dans le pays de Bade, notamment à Karlsruhe. Si son premier recueil Achtsam sein (1956) se situe encore dans la lignée de Karl Krolow, sa poésie va se caractériser par une clarté, un dépouillement et une attention à la nature et aux choses infimes du quotidien. « Ein Mensch der leisen Töne », a-t-on pu dire de lui : ni pathos ni vocifération. Il a publié des romans, des essais mais surtout de la poésie. Son œuvre complète en trois volumes avait été rassemblée l’an dernier par les éditions Hoffmann und Campe de Hambourg. L’écrivain fut distingué par de nombreux prix en Allemagne et était membre de plusieurs académies, dont la plus importante, la Deutsche Akademie für Sprache und Dichtung de Darmstadt.
Walter Helmut Fritz manifesta toujours un vif intérêt pour la poésie française et on lui doit des traductions allemandes d’Alain Bosquet, Claude Vigée, Philippe Jaccottet ou Jean Follain. C’est d’ailleurs pour cette raison que je fis sa connaissance, au milieu des années quatre-vingt. À l’automne 1987, alors que je dirigeais l’institut français de Francfort, j’avais organisé dans cette ville une journée intitulée Poésie- une langue étrangère ? où se sont rencontrés des poètes français et allemands (Walter Helmut Fritz, Hans Magnus Enzensberger, Simon Werle, Martine Broda, Maurice Regnaut, Jacques Réda, Gérard Noiret). Ce fut un très bel échange où Walter Helmut Fritz lut également ses traductions de Follain et évoqua l’apport particulier de la poésie française au genre du poème en prose. J’ai gardé le souvenir d’un homme discret et attentif. Dans l’hommage que lui rend Uwe Pörksen dans la Süddeutsche Zeitung du 23 novembre, on peut lire : « C’était le plus attentif des auditeurs. On pouvait passer avec lui une soirée durant laquelle il ne prononçait que quelques phrases, et pourtant c’était une conversation intense qu’on avait eue avec lui »
Alain Lance